Verticale Tour Eiffel – A couper le souffle
Magnifique première édition ce soir à Paris de la Verticale de la Tour Eiffel. Près d’une cinquantaine d’athlètes, issus de tous horizons, amateurs ou Elite, ont gravi les 1600 marches de l’édifice scintillant au coeur de la capitale, équivalent à 700m et 280 m D+, depuis la base du pilier Sud, sur le champ de Mars, jusqu’à la 4e plateforme du géant métallique.
Un effort violent, à faire s’époumoner les plus grosses cylindrées, à faire perdre la tête aux concurrents dans une montée toute en virage, et à tétaniser les mollets et cuisses des plus aguerris. Trailers, marathoniens, coureurs de montagne, et spécialistes des montées de tours se sont mesurés, chacun s’élançant à une minute d’intervalle.
La victoire est logiquement revenue à des spécialistes du genre. Chez les filles, l’Australienne Suzy Walsham, triple championne du monde du circuit Tower Running, s’est imposée face à la Française Christel Dewalle, avec un écart de près d’une minute (9:24 contre 10:22) et l’Italienne Franseca Rossi. « Vous savez, j’habite à Singapour, donc les tours ça me connaît » rigolait la fine athlète Aussie.
Elle aura facilement maîtrisé Dewalle, qui se réjouissait d’avoir vécu une telle expérience, elle qui aime changer d’atmosphère et d’ambiance. Si elle avait l’an dernier jeté son dévolu sur un 10km route à Vénissieux (35’50), ou s’était engagé sur le Lyon Urban Trail (vainqueur du 23km), l’habituelle coureuse de montagne et championne de France de Kilomètre vertical avait cette année choisi cette course atypique pour voir d’autres horizons. « Certes, pour moi qui suis une amoureuse de la nature, courir dans un étroit couloir métallique, ça peut sembler bizarre. Mais il faut voir autre chose quand on en a l’occasion. J’ai pu constater que l’effort est totalement différent de ce que je connais sur KV. c’est beaucoup plus traumatisant pour les mollets, les cuisses, que le KV » notait Dewalle, qui est arrivée à Paris à court de préparation. « Je me suis blessée pendant l’hiver, depuis fin décembre j’avais coupé, et je n’ai repris l’entraînement il n’y a que trois semaines. J’ai du faire 6 séances, en tout et pour tout, avant la course de ce soir ». Donc certaines originales. Comme par exemple ces deux sorties à Fort l’Ecluse (01), dans un fort militaire, où Christel a gravi plusieurs fois 900 marches. Ou encore cette sortie dans la neige, face à une piste noire, qu’elle a affronté. « Mon entraîneur m’a expliqué que courir dans cette pente, dans la neige, revenait au même effort que monter des escaliers » expliquait Christel après la course. « Je ne me faisais pas trop d’illusion quant à la victoire finale, je savais qu’il y avait des spécialistes du genre, et que moi, je ne pourrais pas rivaliser » expliquait tout sourire, celle qui prépare désormais la saison estivale, faite de KV et Sky Race.
Chez les hommes, le poids plume polonais Piotr Lobodzinski a fait étalage de toute sa classe, remportant l’épreuve en 7:50, devant le Bulgare Nikolov (8:12:16) et l’Italien Bernard Dematteis (8:12:47). « Cela fait 5 ans que je me suis spécialisé dans les courses d’escalier maintenant, et j’écume le circuit international » expliquera le vainqueur, qui s’envolera la semaine prochaine pour Doha. Des spécialistes que les coureurs de montagne et autres trayeurs n’ont pas pu suivre.
Seul Cédric Fleureton pourra rivaliser avec les meilleurs, se classant 5e et premier français (premier vétéran). « On ne peut pas dire que j’ai préparé cette épreuve comme il se doit. Je n’ai rien changé à ma prépa. J’ai continué à courir en nature, à faire du dénivelé. Je n’ai pas fait de spécifique, et je m’attendais à souffrir » dira le coureur lyonnais, champion de France de trail court l’an dernier. « Je manquais de rythme, et je suis peut-être parti trop vite. Sur ce genre de course, il faut savoir s’aider des bras, il y a une technique à maîtriser pour s’aider des rambardes, pour trouver le bon tempo. On m’avait conseillé de monter les marches deux par deux, c’est le seul point technique que j’ai pu mettre en oeuvre. Mais c’est vraiment un effort douloureux, on a hâte que ça finisse, on n’a pas le temps de profiter de la vue extraordinaire, car il faut quand même regarder où on met les pieds » racontera Fleureton, qui vise désormais le marathon du Mont Blanc en juin prochain, pour sa première sur une aussi longue distance.
Pour tous les autres, comme pour les premiers, la saveur du résultat ne comptait guère ce soir. A l’image du marathonien Julien Moreau (2h17 à Paris l’an dernier), ils étaient venus vivre « un rêve de gosse ». « Quand on est gamin, on ne rêve que d’une chose, c’est de monter tout en haut de cette Tour Eiffel ». Le rêve s’est réalisé pour 48 veinards ce soir, dans une ambiance des plus conviviales, et plutôt fraîche en son sommet. Les organisateurs auront réussi à faire communier divers univers autour d’un même événement, qui ouvre magistralement l’Eco Trail de Paris 2015.
Luc Beurnaux – Photos YM Quémener