UTMB – Thevenard, et les autres
L’incroyable athlète jurassien a ajouté une nouvelle ligne à son palmarès chamoniard, qui compte désormais un deuxième succès sur l’UTMB (après celui de 2013), acquis cet après-midi à l’issue d’une course menée de main de maître tout au long des 170km et 10 000m D+. En 21h09:15, Thevenard a dominé largement ses adversaires du jour, qui se nomment Luis Alberto Hernando (ESP), 2e à 49 minutes, et l’Américain Dave Laney, à 50’30.
La longue aventure du peloton UTMBiste avait débuté hier soir à 18 heures de Chamonix. Comme c’est désormais l’accoutumée sur le trail « moderne », c’est à un rythme élevé que les premiers kilomètres de course ont été parcourus. Les 13 premiers kilomètres (et 900m D+) ont été avalés en 1h13 par la tête du peloton, et notamment les Espagnols Tofol Castaner, Miguel Heras, Luis Alberto, flanqués d’Erik Clavery (FRA), Sage Canaday (USA) et déjà, de Xavier Thevenard. « J’ai bien senti que c’était parti vite. Je n’ai pas essayé de suivre. Je me suis focalisé uniquement sur mon tempo, ma course, et mes temps de passage estimés, c’est tout » dira plus tard Xavier Thévenard. La sagesse et l’humilité du coureur, qui connaît désormais parfaitement les exigences du parcours chamoniard, auront finalement payé.
On constate les premiers dégâts dans le groupe des favoris après la mi-course. Exit Heras, Canaday, Sandes, Chaigneau, et bientôt Chorier (La Fouly), puis Castaner, 3e l’an dernier, mais mal remis d’une grosse chute dans la descente du Grand Col Ferret. Une concurrence qui baissera pavillon finalement assez tôt. Xavier Thévenard restait fixé, lui, sur ses objectifs, dans une ambiance nocturne dont il aura profité au maximum. « Courir à la pleine lune, sous les étoiles, c’est unique, j’ai eu envie de savourer au maximum ». Lucide et malicieux, Thévénard pensera même à éteindre sa frontale sur la partie bitumée menant au col de Seigne. Une habitude constatée dans les raids aventure, où les équipes coupent leur lumière pour ne pas donner d’indications de position à leurs adversaires, et les désorienter. « Peut-être que cela a peut-être un peu perturbé mes poursuivants, je ne sais pas » sourira Thévenard.
Au sortir de la nuit en tout cas, l’écart était déjà conséquent entre Luis Alberto, un fragile 2e, qui passait sa première nuit à courir dans la montagne, et l’Américain Swanson, deux fois 2e de la Western States (2014 et 2015). Avec quasiment une heure à Trient (km 138), Xavier Thévenard avait sans doute fait le plus dur. Seule l’écrasante chaleur régnant dans le massif semblait encore l’inquiéter, lui et son team. « La chaleur, il n’aime pas trop, même s’il s’est entraîné comme tout le monde sous de hautes températures cet été » notait Cathy Ardito, qui a géré ses ravitaillements. Benoît Nave, ostéopathe et nutritionniste du team Asics, expliquait lui avoir adapté l’hydratation de Xav’ pour l’occasion et les conditions chaudes. La fin de course fut malgré tout éprouvante pour le leader. « Dans la Tête au Vents, j’ai souffert, je n’avançais plus. Il faisait super chaud, je n’avais plus d’eau, j’allais chercher l’eau dans les ruisseaux, c’était compliqué ».
L’essentiel était heureusement préservé pour le Jurassien, qui allait s’offrir un 4e triomphe à Chamonix en autant de participations, avec désormais 2 UTMB, 1 TDS et 1CCC à son palmarès. Une incroyable prestation après un début de saison discret. Une victoire en Patagonie sur l’Ultra Fjord en tout début de saison, une 8e place aux Mondiaux d’Annecy (un objectif intermédiaire pour lui), une 18e place au marathon du Mont Blanc fin juin, un abandon sur la Pierra Menta… « Globalement, ma préparation s’est bien passée malgré tout » notera Thévenard. « Sur les Mondiaux, j’aurais pu intégrer le Top 5, je pense si je n’avais pas fait une grosse erreur de nutrition. Et de toute façon le vrai objectif était cet UTMB. Je crois que je suis au rendez-vous ».
Une confiance et un détachement face à l’événement qui aura sauté aux yeux les jours précédent l’épreuve, tel ce petit « boeuf » musical improvisé la veille de l’épreuve avec son frère Jean Marie, et cette décontraction pré-compétitive. « On avait de très bons signaux avant-course » nous diront des membres de son team. « Tous les signaux étaient au vert. Sur les 15 derniers jours, les tests de fatigue et de récupération étaient excellents, optimums. Son début de saison a été en demi-teinte, mais il ne fat pas oublier qu’il entame très tard sa préparation spécifique trail, après une grosse saison de ski de fond, sui pèse forcément un peu en début de saison ».
Toujours est-il que la concurrence en aura été réduite à se disputer essentiellement pour les places de 2 et 3. Et quelle bagarre. Luis Alberto ne rendra pas les armes. Temporairement devancé par Swanson au sortir de la nuit, l’Espagnol, qui effectuait sa première sortie sur un 100 miles, se montrera ragaillardi après une nuit difficile, pour terminer à la seconde place, qui efface son abandon de l’an dernier. Il résistera avec panache aux Américains Swanson et Laney, qui, eux, ne se feront aucun cadeau. Seulement 28 secondes les séparent à l’arrivée, avec un avantage à David Laney, revenu de l’arrière dans les 20 derniers kilomètres. A noter les belles gestions de course d’Erik Clavery, 6e, et de Fabien Antolinos, 7e.
Chez les filles, Nathalie Mauclair file à cette heure-ci vers sa première victoire sur l’UTMB.
Luc Beurnaux, photos Pascal Tournaire Franck Oddoux /UTMB