France Trail 2015 – Au bout du suspense
Les monts arrondis du Massif du Sancy, où étaient décernés les titres nationaux sur Longue distance (60km/3300mD+) et Courte distance (34km/ 2400m D+), ont offert des courses rythmées et haletantes. Les expérimentés Patrick Bringer (lire son ITW d’avant course) et Maud Gobert l’ont emporté sur la distance la plus longue, imités par Cédric Fleureton et Christel Dewalle sur la plus courte.
Le peloton le plus matinal à s’élancer fut celui du Trail Long. A 5h30 ce matin, les frontales illuminaient ainsi les ruelles d’un Mont Dore encore endormi. Une pleine lune grandiose éclairait un peu plus le chemin des 671 concurrents à s’être élancés (open compris). L’atmosphère était fraîche (8°C), mais le terrain sec et les conditions idéales pour courir. Le scénario de course allait s’écrire rapidement, les favoris se détachant logiquement dès les premiers kilomètres, sitôt passée la première difficulté du col du Capucin. On retrouvait là Sylvain Court, champion du monde 2015, flanqué de Tony Moulai (ancien triathlète olympique), Sébastien Spehler, Benoît Cori, et Patrick Bringer, le seul vétéran de ce quintet plein d’avenir. Quatre d’entre-eux faisaient d’ailleurs partie de l’équipe de France championne du monde de trail en mai dernier à Annecy, on se doutait donc bien que la victoire et le podium allaient se jouer entre ceux-là. Encore fallait-il deviner dans quel ordre.
Jusqu’à mi-course le quintet se tenait encore en une grosse minute. Puis Sébastien Spehler, et bientôt Tony Moulai, allaient s’égarer brièvement, donnant un peu d’air, malgré eux, au trio Cori-Bringer-Court. Un drôle de jeu allait ensuite se dérouler au fil des montagnes russes du parcours : Sylvain Court survolait les descentes, tandis que le duo Cori-Bringer s’attachait à le rattraper, puis le dépasser dans les montées, afin de prendre un petit avantage avant la prochaine descente.
Un jeu du chat et de la souris qui allait perdurer jusqu’à l’ultime montée, celle du Puy de Sancy, à environ 15km de l’arrivée. A cet endroit qu’il savait stratégique, Patrick Bringer allait appuyer sur l’accélérateur, suivi comme son ombre par Benoît Cori. Au sommet, 2’30 les séparait de Sylvain Court. Même si une longue descente suivait jusqu’au Mont Dore, l’écart allait s’avérer irrémédiable. L’enfant du pays, Patrick Bringer, s’offrait une sortie triomphale pour conclure sa carrière de haut niveau, comme il en avait rêvé, en décrochant ce titre national à bientôt 40 ans, devant Benoît Cori et Sylvain Court. « Je savais que j’étais bien préparé » dira le vainqueur à l’arrivée. « Mais après, on ne connaît pas le niveau de forme des adversaires. Cette victoire est énorme pour moi, en tout cas. Je ne me suis pas affolé quand Sylvain est parti rapidement. Je connaissais bien le parcours, les temps de passage, on savait que Sylvain volait dans les descentes, et qu’il fallait qu’on lui reprenne du temps en montée. Au final, on réalise un chrono énorme (ndr : 5h21 soit 11,19km/H de moyenne pour le vainqueur), ça montre bien la bataille qu’on s’est livrée » concluait Bringer.
A voir la mine de Benoît Cori, on devinait en effet l’intensité de l’effort. « Je ne pouvais pas espérer mieux aujourd’hui » confirma le Pyrénéen. « Vu le plateau, et vu la forme affichée par la concurrence, je visais un top 5 en arrivant. Alors, finir 2e… J’ai commencé à avoir du mal à la mi-course, je me suis accroché pour ne rien avoir à regretter. Résultat, je finis « en vrac » total. On n’arrêtait pas de penser à un retour sur la descente finale de Sylvain Court, alors on a mis une bonne dose dans le Sancy… » expliquait Benoît Cori.
Le champion du monde 2015, lui, se contentera donc de cette 3e place, son pic de forme étant sans doute plutôt prévu pour briller sur les Templiers, dans un mois. « L’idée, c’était de rester assez prudent jusqu’à la Croix Morand (ndr : environ la mi-course). Après mon départ rapide, j’ai relâché un peu la pression, c’est revenu de derrière. Et dans le Sancy, je suis monté au tempo, je ne pensais qu’à la descente qui suivait. Je me disais que les laisser devant à 1 ou 2 minutes, ça me suffirait pour les rattraper. Mais l’écart était trop important, au final, et malgré une descente de costaud j’ai dû m’incliner aujourd’hui. Mais sans regrets. Patrick est un très beau vainqueur, et moi, ma saison était déjà réussie » concluait Sylvain Court, beau joueur.
L’expérience aura également primé chez les filles. Et la décision se sera également faite dans les ultimes kilomètres, après une remontée fantastique de Maud Gobert dans la dernière ascension du Puy de Sancy. Reboostée par une belle expérience sur la Gore Tex Transalpine Run avec Caro Freslon et un 10km d’Annecy couru en moins de 38 minutes, la skieuse de Valloire sera revenue sur la jeune Anne-Lise Rousset, pour la décrocher, et lui ravir le titre de championne de France. « Ca m’a un peu embêté, quand même, de devoir la laisser » dira, sincèrement, Maud Gobert. « Si cela n’avait pas été sur un Championnat de France, je pense qu’on aurait fini main dans la main. Mais là, sur un championnat fédéral, je sais que ça peut causer des soucis au niveau chrono, classement, donc j’ai filé vers l’arrivée » expliquera la désormais triple championne de France. « Je n’en reviens pas de cette victoire, quand même », poursuivra Maud Gobert, reléguée à mi-course à 7 minutes de Rousset. « Comme d’habitude, je n’avais aucune stratégie prévue, mais j’ai vite compris que j’avais du jus, des forces, aujourd’hui. Alors j’en ai profité ! Et on a fait une belle course d’équipe avec Stéphanie Duc (3e) pour revenir sur Anne-Lise dans le final. Cette victoire conclut une année un peu difficile, donc elle fait du bien ! » dira Maud Gobert.
Sur Trail Court, Cédric Fleureton a pu conserver son titre décroché l’an dernier, malgré quelques péripéties pour lui-aussi. Alors qu’il caracolait en tête, il s’est perdu avant la dernière montée du Puy de Sancy. Voulant couper pour retrouver son chemin, il a alors lourdement chuté, s’est retrouvé dans un torrent, avec un coude bien « amoché ». « J’ai eu assez peur dans l’histoire » sourira le Lyonnais à l’arrivée. « J’y ai surtout perdu beaucoup d’énergie ». Julien Rancon, à sa poursuite depuis le départ, le rejoignait donc, avant que l’ancien triathlète ne re-creuse un écart, cette fois définitif, pour s’offrir un 2e titre consécutif, non sans émotions. A la 3e place, on trouvait Thibaut Baronian, 26 ans, rayonnant. « Cette troisième place est un vrai bonheur pour moi » dira l’athlète coaché par Christophe Malardé. « C’est ma première médaille sur un championnat, et j’ai eu du mal à la décrocher. D’abord je me suis « fait » une cheville, et dans les trois derniers kilomètres j’ai eu des crampes au mollet, alors oui, cette médaille me réjouit ! ».
Chez les filles, Christel Dewalle a elle–aussi conservé son titre, et s’est rassuré pleinement quant à sa santé. Gênée la veille du départ par un ischio, Christel n’en aura finalement pas souffert en course. La spécialiste de « verticalité » s’impose sur ce parcours « mixte », plutôt roulant, devant la « surprise » Adeline Roche. Championne de France de marathon en 2010 (2h38 :29 sur Nice-Cannes), cette dernière « était venue pour voir », sur ces France de trail, après une première expérience sur le Trail de Faverges. Elle repart avec la médaille d’argent, devançant sur le podium Céline Lafaye.
Luc Beurnaux – Photos de Une Cyril Crespeau