Eco Trail de Paris – Le maître Gault dompte l’élève Stuck
La 8e édition de l’Eco Trail de Paris a vu Manu Gault triompher au terme d’une journée grise et froide, mais éclairée par la prestation et la persévérance des 1734 coureurs engagés sur le 80km (1500m D+).
Le ciel était bas ce matin sur la base de loisirs de Saint Quentin en Yvelines, et la température frigorifiante, malgré l’arrivée du printemps, hier (5°C au thermomètre). Finalement, des conditions idéales pour courir, qui n’auront pas empêché les athlètes de se donner à fond. Le plus bel exemple était donné d’emblée par Yoann Stuck. Le Lyonnais, arrivé de Lyon le matin de la course, et qui poursuit sa découverte du trail de haut niveau pour sa première année sous les couleurs d’Adidas, faisait exploser très tôt le petit peloton de favoris, au nombre de six. « Je n’avais pas vraiment de stratégie établie. Disons que j’aime prendre du plaisir en course, je ne réfléchis pas trop, je ne cours pas en fonction des autres. Aujourd’hui, j’ai eu les sensations que mes jambes allait bien, donc j’y suis allé » dira le « hipster » lyonnais. Il en prendra en tout cas à faire tirer la langue à ses adversaires, et à leur fausser compagnie dès le 8e kilomètre, pour passer au 20e km en 1h14.. Malheureusement, faute d’inattention ou débalisage sauvage, Yoann Stuck s’égarera avant le premier ravito, et perdra certainement gros dans cette erreur. « C’est vrai que j’ai dû faire deux kilomètres de plus que les autres. Je suis redescendu à la 7e place, ça m’a surement bouffé un peu d’énergie de faire cet effort, mais c’est la course ».
Beau joueur, Stuck reconnaissait d’ailleurs la supériorité du jour de Manu Gault, le directeur d’école gardois du team Asics. « J’apprécie beaucoup le coureur, sa technicité, et aujourd’hui, il avait des jambes de fou, je n’aurais pas pu le suivre, de toute façon. Il nous a tous surclassé. Je dis respect, c’est tout ». C’est un peu l’histoire de l’élève qui reconnaît sans sourciller la supériorité de son « maître », mais aura connu « une nouvelle étape dans son apprentissage ». Manu Gault a en effet privé Stuck de sa première grande victoire de prestige, dans une course qu’il affectionne particulièrement, et qui le lui rend bien, puisqu’il la remporte aujourd’hui pour la 3e fois (après 2009 et 2014). « Je ne suis pas parisien, mais c’est une ville que j’adore » reconnaît Gault. « J’y reviens même souvent pour les vacances, à Noël par exemple, avec les enfants. Quant à cette course, sentimentalement, elle compte beaucoup, c’est là que je me suis un peu révélé au haut niveau, elle a une saveur particulière ». Techniquement, le profil convient bien à Manu, lui qui réussit également sur la Saintélyon, une course au profil analogue. « C’est vrai que j’aime bien quand ça court vite, à essayer d’être aérien, et aujourd’hui j’ai été servi » sourira Manu Gault. « Je n’ai pas trop compris pourquoi c’était parti si vite d’ailleurs ; d’habitude on reste en petit groupe un petit moment, là, ça a explosé tout de suite. Heureusement, aujourd’hui, j’avais les bonnes cannes. Avec Fabien Chartoire, on a pris les choses en main, on a l’habitude de courir ensemble, et au 50e km, j’ai pris mes responsabilités, à peu près au même endroit que l’an dernier, et cela a tenu jusqu’au bout. » Fabien Chartoire, lui, connaissait un « coup de moins bien » au 55e kilomètre et voyait revenir Stuck sur lui. Allait-on avoir droit à un finish épique entre les deux hommes ? Manu Gault nous donne la réponse : « Après mon attaque, j’ai encore accélère l’allure. Donc je me suis dis qu’il y aurait peu de chance que Yoann ne revienne. et j’avais promis à ma petite fille de lui ramener une victoire, depuis celle que j’avais remportée ici en 2009, j’y ai pensé toute la journée, et je suis trop heureux d’avoir pu réussir aussi ce défi » dira, ému, Manu Gault, vainqueur en 5h35:02 (contre 5h49:12 pour STuck et Fabien Chartoire en 5h51:16).
La ligne d’arrivée franchie, Manu Gault n’en avait pas fini avec ses émotions. La « faute » à sa compagne Sissi Cussot, engagée sur la course fille. Elles et ses adversaires du jour s’en donnaient à coeur joie sur une fin de parcours héroïque. Alors que l’on croyait la course jouée depuis longtemps, les 10 derniers kilomètres allaient bouleverser la hiérarchie. La victoire revenait au final à Badia El Hariri (vainqueur en 6h56’39), qui était restée tout au long du parcours en embuscade. Pour sa première venue sur l’Eco Trail, la ravissante Badia poursuivait son apprentissage accéléré du trail, qu’elle pratique depuis un an et demi seulement, après une blessure au genou. « C’est un super moment que je vis, le parcours assez roulant était fait pour moi » confiait la lauréate 2015. Longtemps 3e, Sissi Cussot, comme sur la SaintéLyon, finissait elle aussi en trombe, au pied de la plus haute marche (2e en 6h58’23 »). « Je n’aurai rien à regretter aujourd’hui, j’ai fait une course pleine » dira « l’impératrice du trail ». « Ca s’est accéléré dans les dix derniers kilomètres. J’ai essayé de tenir le rythme jusqu’au bout, j’ai repris Morelli, mais Badai a été trop fort sur la fin. Je l’avais en ligne de mire, mais impossible de revenir. Mais faire moins de 7 heures de course, c’est un beau score » concluait Sissi. L’Italienne Morbelli complétait donc le podium, en 6h59’21 ». Une athlète italienne joviale dans la défaite, qui avouait de nombreux soucis d’alimentation durant la course, mais reconnaissait la supériorité de ses adversaires d’aujourd’hui.
Un peu plus tôt, le parvis de la Tour Eiffel avait accueilli les 3000 concurrents engagés sur le 50km,. Romuald Le Paepe remportait l’épreuve, Samir Baala et Martin Schedler. Chez les dames Laurence Klein, en pleine préparation du Marathon Des Sables, l’emportait devant Marie Prioux et Marie Noelle Bourgeois.
Par Luc Beurnaux – Photos Yves-Marie Quémener