Le « cauchemar » de Badre Zioini au marathon de Marrakech
16e dimanche du marathon de Marrakech en 2h19’52’’, Badre Zioini a « vécu un calvaire » tout au long du week-end. Il raconte, entre (grosse) amertume et colère.
Injoignable lundi en raison d’un souci de portable, Badre Zioini rappelle mardi matin. Au bout du fil, la voix est posée, comme à l’accoutumée, mais les mots sont particulièrement forts. «J’ai vécu un cauchemar là-bas. Ça fait 20 ans que je fais des courses et je n’ai jamais vécu ça. Je vais te raconter ce qui s’est passé et tu vas devenir fou» sourit très jaune le Clermontois.
«L’organisation m’avait envoyé mon billet d’avion. Aucun problème, j’arrive à Marrakech jeudi à 17h» narre t-il. «Il n’y avait personne à l’aéroport. J’appelle l’organisation et on me dit que l’on n’a pas de chambre pour moi. On me dit de revenir le lendemain. Heureusement, j’avais de la famille sur Marrakech. Je reviens donc le vendredi à 9 heures à l’hôtel. On me dit de patienter car on n’a pas de chambre pour moi. J’attends jusqu’à midi. J’ai ensuite commencé à “gueuler“. Ils m’ont amené dans le 2e hôtel. Il y avait d’autres athlètes qui étaient dans un super hôtel, et où l’organisation était bien structurée. Mais je me suis dit de ne pas faire la fine bouche. Je vais ensuite manger le midi, et on me dit que je suis en demi-pension. J’ai appelé mon manager qui a essayé de les harceler. Je suis finalement parti manger à l’extérieur» explique t-il.
«On me dit que ce n’est pas sûr qu’il y ait des ravitos»
«Le soir, je peux manger à l’hôtel, sauf que c’était un tajine. On ne mange pas ça deux jours avant une compétition! Je suis donc parti trouver un restau avec des pâtes etc…Samedi, je commence à leur parler des ravitaillements car je n’avais pas d’infos. On me dit de ne pas m’inquiéter. En fin d’après-midi, on me dit que ce n’est pas sûr qu’il y ait des ravitos. J’ai vraiment gueulé à droite, à gauche. Comme la veille, j’ai mangé mes repas à l’extérieur. Le soir, je suis monté dans ma chambre. J’ai préparé d’autres ravitaillements que j’ai mis dans un sac à dos. Je les ai donnés à Julien Tachon (kiné présent notamment sur quelques stages de l’équipe de France) et Xavier Thomas, qui m’avaient accompagné. Je me couche à 22 heures car je devais me lever pour 4 heures, 4h30 du matin. A 23h30, on m’appelle dans ma chambre et on me dit: “tu peux venir descendre tes ravitaillements“… Je suis donc descendu».
«Le petit déjeuner à 6h15 pour un échauffement à 7 heures»
Badre Zioini a fait part de son témoignage à certaines personnes, qui ne corroborent pas ses propos car elles «n’étaient pas avec lui à l’hôtel». Toutefois,il y a eu vraisemblablement quelques dysfonctionnements dans la prise en charge de celui qui a terminé 3e de la Prom’Classic, notamment au niveau des ravitaillements, qui sont un élément prépondérant dans la performance sur 42,195 km. «Pour les amateurs, c’est une super course (7 000 participants cette année dont 40 % d’étrangers, et plus de 1 000 Français)avec le cadre et tout ça. Pour certains Elite par contre…».
Le Clermontois poursuit son récit, le jour de la course. «A 4h30, je descends pour le petit déjeuner. C’était fermé. Le petit déj a ouvert à 6h15, pour un échauffement à 7 heures. On était quelques athlètes mais les têtes d’affiche étaient dans un autre hôtel avec quelques autres coureurs qui faisaient le semi, comme Driss El Himer (32e en 1h05’49’’) ou Antoine De Wilde (147e en 1h17’01’’). Tout ça m’a mis une boule de stress. J’ai donc mangé un peu, mais pas beaucoup pour éviter tout souci pendant la course.Normalement, j’avais mes ravitaillements tous les 5 km. Au 5e km, il n’y avait rien. Au 10e, non plus. Il n’y avait même pas d’eau. Il y en avait au 12,5. J’ai donc pris un peu d’eau à ce moment là. Au 15e, mon ravito était là. Au 20e, il n’y avait que de l’eau, mon ravito n’y était pas. Peut-être que d’autres coureurs devant l’avaient pris, je ne sais pas…Aux 25e et 35e, j’avais dit à Julien et Xavier de se mettre là et de me passer d’autres ravitaillements au cas où. Au 30e, il n’y avait que de l’eau. Heureusement qu’ils étaient là aux 25e et aux 35e. Et au 40e, rien non plus, mais j’avais gardé un gel sur moi au cas où…».
«Tout seul de A à Z»
Comme il pouvait le craindre, Badre Zioini s’est rapidement retrouvé entre deux groupes. «J’ai été tout seul de A à Z pendant toute la course. Un groupe de Kényans est parti vite, environ 1h04’30-1h05’ au semi. Et il y avait un autre groupe de Marocains derrière, en 1h10’30 au semi. Je suis passé en 1h07’30’’ au semi environ. Et on m’avait dit que le parcours était plat, mais c’était loin d’être évident, avec pas mal de faux plats montants». Après son abandonà Paris en avril 2013 (qu’il n’avait cependant pas vraiment préparé), Badre Zioini a tenu à terminer. «C’était mon premier marathon. Je voulais le finir. En plus, j’ai un nouvel équipementier, Brooks. Ça m’a fait super plaisir et j’ai été très surpris qu’il fasse appel à moi. Ils m’ont confiance et je veux leur faire comprendre pourquoi j’ai fait 2’19’. J’ai même été étonné de faire 2h19’ avec toutes ces conditions autour. J’ai été régulier, entre 3’10 et 3’15 au kilo. J’étais sur 2h15-2h16 au 35e. Après, j’ai vraiment connu le mur entre le 35e et le 42e. En même temps, si je ne l’avais pas connu avec tout ce qu’il y a eu autour, ça aurait été inquiétant. J’ai terminé en 3’30 au kilo. Mais j’avais le mental ».
D’abord du repos
«Oui, je regrette vraiment. Si j’avais su, j’aurais peut-être retardé ma préparation pour faire Paris. J’avais la rage. J’ai d’énormes regrets. Ça été un cauchemar. Ça fait chier de faire trois mois de préparation, de sacrifices professionnels, familiaux, alimentaires pour être prêt le jour J pour cela. Jeff (Jean-François Pontier, son coach) revient du Portugal en fin de semaine. On en parlera à ce moment là. Il faut que je voie comment je récupère avant de penser à faire par exemple Paris. Ce qui est sûr, c’est que je ferais les France de cross avec mon club».