Bernard Amsalem évoque l'avenir du cross, le 'team marathon' et les organisations de la FFA
Après avoir évoqué le bilan de l’année écoulée et les objectifs à venir (lire ici), Bernard Amsalem revient notamment sur la création d’un « team » marathon, dont la mise en place est prévue au 1er janvier 2013.
Après le bilan et les objectifs en 2014, parlons du cross. Comment maintenir l’intérêt du cross face à l’émergence du trail notamment?
«On a mis en place un challenge national de cross et de clubs qui est doté par la Fédération (Cross Country Tour National). Il y a des cross très solidement implantés. Quand on professionnalise l’organisation, on ne risque rien. Le cross reste très dynamique en France, malgré l’arrivée du trail. Nous essayons de conserver le cross car c’est une discipline qui prépare sur le fond les coureurs. D’ailleurs, on voit beaucoup de triathlètes faire du cross l’hiver, car c’est très formateur pour l’été, mais aussi pour le corps et la tête de l’individu. C’est une discipline où l’on doit se battre contre les éléments. Nous priorisons toujours le cross avec ces circuits. Et je pense qu’on ne se porte pas trop mal, comparativement à d’autres pays européens.»
Néanmoins, certains gros cross souffrent alors que la densité s’étiole sur les cross régionaux.
«On a quand même une animation territoriale qui est intéressante, avec des championnats départementaux, régionaux et interrégionaux. C’est la seule discipline où les inters ont une vraie valeur avec la qualification aux France. A mon avis, le cross a gardé cette dimension populaire et d’évènement de masse aujourd’hui, au travers des championnats. Les organisateurs de cross, c’est plus compliqué avec la crise, les problèmes de collectivités etc… Il y a moins de moyens. La course sur route, le trail, ne subissent pas cela. Pourquoi? Car dans la tradition de ces disciplines là, les gens paient pour courir. On ne va pas faire payer un coureur de cross car c’est la tradition. Encore qu’on pourrait se poser la question aujourd’hui. Les Anglais le font. Il y a 45 000 coureurs à Paris qui payent 80, 90 euros pour faire un marathon. En contrepartie, ils ont un accueil de qualité, une course fiable. Donc il faut se poser la question un jour ou l’autre – peut-être pas dès aujourd’hui.»
Faire tourner le cross de sélection pour les Europe au fil des ans peut-il être un moyen de promouvoir le cross à travers toutes les régions en France?
«Il faut qu’on le fasse. Il faut qu’on diversifie. Les décisions sont prises au niveau des référents de la DTN. Il faut qu’on regarde ailleurs.»
Pourquoi la FFA organise t-elle une compétition comme l’Ekiden de Paris?
«On a voulu prendre notre place dans le paysage des courses sur route à Paris. Il y a en a beaucoup. Il n’y a pas de raison que l’on laisse l’organisation de courses dont les sociétés n’appartiennent pas à la Fédération. On a choisi une distance qui n’existait pas, car ça ne se fait pas de concurrencer les autres. L’Ekiden nous semble être intéressant car il y a la performance individuelle mais aussi l’équipe, avec un relais de 4 ou de 6. On passe un beau moment entre amis, copains, collègues etc…Notre objectif, c’est d’en faire un Ekiden international dans les années à venir. Nous en avons parlé à d’autres Fédérations: japonaise (une équipe nippone était en lice cette année, ndlr), chinoise, brésilienne, anglaise, allemande, espagnole, italienne.
L’année prochaine, l’idée est de faire des équipes de nations, un peu comme le Décanation. On pourrait avoir des équipes étrangères avec des athlètes de qualité. Ce qui permettrait de redonner de la dimension à cet Ekiden, qui serait à la fois comme le marathon de Paris, une course avec une certaine élite mais aussi avec des clubs, des entreprises. Il fallait d’abord s’inscrire dans le paysage.»
La France va organiser les Europe de cross en 2015 à Paray-le-Monial. Peut-on imaginer une candidature sur un Mondial de semi par exemple?
«Pour les championnats du Monde de course sur route, c’est une autre histoire. Je vais aller à Copenhague (qui organise les championnats du Monde de semi-marathon en mars prochain, ndlr), je verrais comment ça s’organise. Je suis délégué de l’IAAF sur cette opération et c’est la première fois que l’on va intégrer le championnat du Monde dans une course existante. Habituellement, on faisait une course spécifique. Il y avait 120 filles et 200 garçons: c’est ridicule sur une course sur route. Ça ne fait pas la promotion de la course sur route. Peut-être que l’on candidatera à l’avenir si on peut l’intégrer dans une grande course sur route. On ne voulait pas le faire jusqu’à présent car mobiliser autant de moyens pour 300 coureurs, ce n’est franchement pas terrible. »
Trois abandons au marathon des JO en 2012, «ce n’est pas admissible et supportable»
Quand est-il du projet marathon?
« Ça va se mettre en place le 1er janvier. On va prendre six garçons et six filles. Le principe, c’est de faire un espèce de team. On va les accompagner, travailler sur leur programmation annuelle jusqu’en 2016 à Rio, en partageant les objectifs de programmation avec leurs entraîneurs pour ne pas que les athlètes se dispersent, aillent faire des courses sur route à droite à gauche et ne soient pas prêts ensuite, comme on l’a vécu à Londres (les trois marathoniens avaient abandonné, ndlr). Ça été le déclencheur. Ce n’est pas admissible et supportable. D’où cette idée, à la fois pour relancer une dynamique marathon mais aussi avoir une présence de bonne qualité sur cette discipline. On n’imagine pas battre les Ethiopiens ou les Kényans mais au moins bienfigurer dans les 10-12 premiers dans les grands championnats.»
Les athlètes formant ce «team» sont-ils susceptibles de changer en cours d’Olympiade?
«On a mis à côté des athlètes remplaçants. Il peut y avoir des changements mais l’objectif est d’aller au bout sur les trois ans avec les six athlètes. Ce sont des athlètes jeunes dans le marathon, des gens qui viennent de passer sur le marathon il y a ou deux ans, ou qui vont y passer cette année, avec deux têtes d’affiche. Je ne peux pas vous donner les noms. On fera une conférence de presse en janvier pour présenter tout ça. On a demandé à Philippe Rémond d’être un peu l’ambassadeur là-dessus, d’animer cette dynamique, avec le référent de la Fédé, Jean-François Pontier.»
Les athlètes seront-ils rémunérés?
«On met des moyens financiers, on doit exactement regarder cas par cas. Ce sont des soutiens financiers qui vont permettre aux athlètes de ne pas perdre d’argent. Ils ne vont pas courir après telle ou telle course et on va les aider à s’organiser, qu’ils aient un pécule qui leur permettent de vivre tranquillement pendant les trois ans.»*
Ce sera un salaire fixe mensuel?
«C’est variable selon chaque cas. On va dire que ce sont des aides personnalisées. On va étudier chaque cas en fonction des contraintes de chacun. On impose quatre stages par an pour les marathoniens, sur des sites bien précis comme Font Romeu ou au Portugal. On envisage également un stage commun avec les Japonais. On a une convention avec la Fédération japonaise et on sait que le marathon là-bas est quasiment une religion. Le stage serait à Albuquerque aux Etats-Unis. Et il y aurait un 4e lieu qui resteà déterminer. Chaque année, on mettra des objectifs précis avec chaque athlète, c’est-à-dire le semi-marathon, le 10000 mètres etc….Sachant que l’objectif de tous, c’est Rio sur marathon en 2016.»
«On fait un choix politique»
Vous devez disposer d’une belle enveloppe pour financer tout cela, notamment pour indemniser les entreprises dans lesquelles certains athlètes travaillent ?
«C’est pour cela que c’est personnalisé. On va regarder la situation de chaque athlète, les conséquences pour chaque athlète et du coup, on va compenser. C’est un choix politique que l’on fait. On a choisi de mettre un peu plus d’argent sur le marathon car on considère que ça en vaut la peine. Comme c’est personnalisé, je ne sais pas encore pour le chiffre. Je connais à peu près la base minimum, mais je ne connais pas la base maximum.»
Quelle est cette base minimum ?
«Je ne peux pas vous le dire encore. C’est trop tôt.»
Y aura-t-il également un suivi biologique?
«Dans le contrat, il y a un suivi médial biologique obligatoire. Ça fait partie des éléments qui nous permettrait d’éliminer quelqu’un en cours de route.»
Envisagez-vous de mettre l’accent sur d’autres disciplines?
«On est en train de travailler avec l’Allemagne sur les lancers. L’idée est de faire des stages communs, des compétitions communes avec les athlètes français concernés en Allemagne. L’Allemagne ayant une expertise sur les lancers, il n’y a pas besoin d’aller chercher ailleurs. C’est Raphaël Piolanti (manager des lancers depuis 2013 auprès de la DTN, ndlr) qui est chargé du dossier. On vient de décider de faire la même chose sur le saut en hauteur. On a missionné Jean-Patrick Thirion pour nous faire une proposition. Sur le reste, on n’a pas à se plaindre. Au niveau du cross, on est parmi les meilleures nations européennes. Au niveau mondial, c’est autre chose, la domination de l’Afrique de l’Est s’impose à tout le monde.»
Que demandent en retour les Fédérations qui aident la FFA ?
«Les Japonais nous ont demandé de les aider à travailler sur le sprint, sur le relais. Des stages sont envisagés à l’INSEP avec les relayeurs pour 2014. Ils nous ont également demandé de les aider sur la perche. On est en train de regarder comment leur proposer des stages communs. On va également les inviter sur notre circuit de meetings. On a aussi une convention en cours avec le Brésil et la Chine. On discute sur les disciplines sur lesquelles on pourrait échanger.»
Vous avez effectué il y a peu un voyage au Brésil. Dans quel but?
«On aura besoin d’un lieu de stage, de préparation pour les JO. En retour, ils nous ont parlé des disciplines sur lesquelles ils aimeraient que nous les aidions. »