Laura Miclo, défi de taille
Laura Miclo était une espoir prometteuse. Huit sélections chez les jeunes, deux apparitions aux Europe de cross espoirs (22e en 2008, 28e et médaillée de bronze par équipes en 2009 à Dublin), 2’05’’37 sur 800 m en 2010, 4’15’’03 sur 1 500 m en 2009 (4’18’’74 en indoor l’année suivante), elle raconte pourquoi elle n’a pas passé le cap supérieur. Manipulatrice radio à Chambéry et désormais licenciée à l’As Aix-les-Bains, Laura Miclo a glané toutes les médailles possibles aux championnats de France de cross court : l’or en 2010, le bronze en 2013 et l’argent en 2014. Cette année, l’athlète de 26 ans s’est lancée un nouveau challenge en s’attaquant au cross long. Rencontre.
Vous avez disputé les régionaux et les inters sur le cross long cet hiver. Vous avez désormais basculé sur le long ?
Oui, j’ai décidé de changer de distance cette année. J’avais l’impression d’avoir fait le tour sur le cross court. Ça fait trois ans que je fais les France de cross sur le court. Je m’entraîne depuis longtemps sur 800, 1 500 et 3 000 m. J’ai envie de changer ma méthode d’entraînement et changer ma vision sur l’athlé, et passer sur le cross long, le 10 km et le 3 000 m sur la piste pour les Interclubs.
Vous sentiez que vous touchiez peut-être vos limites sur le court ?
Non, je ne pense pas. Je sors d’une blessure assez longue de cinq mois. J’ai repris mi-décembre. A partir de là, je savais que je n’avais pas fait assez de séances spécifiques pour faire du cross court. Si j’avais eu la préparation adéquate, je me serais bien sentie sur le court mais j’avais vraiment envie de changer. J’ai trois médailles et ça me convient amplement. J’ai maintenant envie de faire autre chose.
Une autre approche
Les résultats sont là, avec un titre de championne interrégionale.
Je suis pour l’instant assez surprise, car j’allais un peu dans l’inconnue. D’autant que la préparation avait commencé assez tardivement. Aux régionaux de cross, les 6 100 mètres ont été très durs, autant physiquement que mentalement. Je me suis pris une petite raclée (7e et 5e à Française à 2’ de la Britannique Beth Hawlings qui l’avait emporté et avec qui elle s’entraîne). Ça m’a plutôt remis d’aplomb pour la suite : je me suis bien entraînée durant quinze jours avant les interrégionaux.
Et ça s’est très bien passé à Poncharra (2e de la course à 20’’ de Beth Hawlings et championne interrégionale).
Je pense que je monte en puissance, et ça va de mieux en mieux. Après, je suis lucide sur le niveau du cross en France. Il me manque du foncier, mais les France de cross ne sont qu’une préparation pour des objectifs futurs, comme sur 10 km.
Justement, qu’allez-vous viser dimanche aux championnats de France aux Mureaux ?
Un top 30 serait super. Mais vu que je n’ai toujours fait que du court, j’ai dû mal à m’imaginer le niveau sur le long. Devant, ça va très vite, et il ne faudra pas s’enflammer et gérer son effort au maximum. Il y a quand même 7 400 m, c’est plus du double que le cross court.
Le cross court, il n’y a pas à réfléchir, c’est à fond du début à la fin. Le cross long, il faut s’économiser pour en garder à la fin, mais en même temps ne pas lâcher le groupe.
C’est une autre approche et ça me plaît car j’avais envie de changer. Pour l’instant, je suis assez contente d’avoir choisi cette option. Je ferai ensuite deux 10 km (Bourg-en-Bresse puis Angoulême) avec l’objectif de faire 34’30’’ (son record : 34’58’’ en 2014), avant les championnats de France de 10 km à Aix-les-Bains (19 avril). C’est mon club qui organise et j’aimerais y faire quelque chose de bien.
Quatre fractures de fatigue
Quelles sont vos conditions d’entraînement ?
Je suis Vosgienne à la base. Je suis restée dans mon club une quinzaine d’années (ACHM : Ac de la Haute Meurthe). Je voulais bouger en Savoie et j’ai trouvé mon travail, manipulatrice en radiologique médicale -je fais des scanners et des IRM-, à Chambéry. Je m’entraîne avec le groupe de Robert Bogey au club d’Aix-les-Bains.
Je suis très attachée à faire partie du club où je m’entraîne. Donc j’ai changé 2013.
Vous avez eu huit sélections chez les jeunes. Qu’est ce qui a fait que vous n’avez pas réussi à en décrocher ensuite chez les seniors ?
Je me suis fait une fracture de fatigue au mauvais moment, fin 2010, lorsque je passais mon diplôme pour être manipulatrice. Il fallait que je fasse un choix, que je favorise ma profession ou l’athlé.
J’ai eu beaucoup de mal à mener le sport et les études car il n’y avait pas d’horaires aménagés pour les sportifs. J’ai vraiment galéré à faire les deux. J’ai redoublé une année. Quand je me suis blessée fin 2010, je me suis dit : « Tu es blessée, tu ne peux plus courir, tu galères dans tes études : il faut que tu te bouges cette année pour avoir ton diplôme et après on verra » (elle a eu son diplôme en juin 2011).
Du coup j’ai fait le choix du boulot. Cette blessure m’a confortée dans ce choix. J’ai un peu tout claqué. J’habitais en Lorraine, chez mes parents, je suis partie en Savoie et je me suis construite là-bas.
Je me suis fait quatre fractures de fatigue (une fin 2010, une juillet 2011, une juillet 2012 et la dernière en juillet 2014 ; col du fémur droit, col du fémur gauche, tibia droit, et ischio droit) et je pense que le sport de haut niveau n’est pas fait pour moi. Je ne suis pas faite pour trop m’entraîner et je n’ai pas non plus envie de lâcher mon travail. C’est trop de sacrifices professionnels.
J’ai trouvé un confort de vie ici, où je fais plein de sports. Je n’ai pas envie de lâcher ça et de me mettre tout le temps à l’athlé. J’y prends beaucoup de plaisir mais j’adore faire du ski de fond, du vélo, nager en lac. Et j’adore aussi mon boulot. J’ai trouvé un équilibre. Ça a marché l’an dernier où j’ai réussi à faire un podium aux France avec un rythme de vie chargé. Mais c’est ce que je veux.
« Une carrière de haut niveau, c’est beaucoup, beaucoup d’investissement, et beaucoup de sacrifices. Et je n’avais pas forcément envie de les faire. »
Ces fractures de fatigue peuvent aussi résulter d’un surcroît de fatigue lié à la conjugaison des entraînements, du travail etc…blessures que vous n’auriez peut-être pas eues si vous ne faisiez que de l’athlé ?
Certainement. Après, il y a raisons différentes. La première fracture, j’étais à fond dans l’athlé et j’étais encore étudiante. Ça a pété. Et les fois d’après, je pense que je menais trop de choses de front. Mais si je ne me consacrais qu’à l’athlé en faisant des bornes et des bornes, je suis persuadée que je m’en ferais aussi car la première, c’était ça. Je suis allée voir des spécialistes : je ne manque de rien mais je suis fragile.
Après, ma blessure de 2010 m’a ouvert les yeux. Le problème de l’athlé, c’est que tu n’en vis pas. C’est une superbe passion mais ce n’est pas ce qui va me faire manger et vivre.
Je me suis achetée un appartement, j’ai de quoi vivre très bien et c’est grâce à mon boulot, pas l’athlé. Je me suis fait une raison là-dessus et je ne le regrette pas du tout.
Quand vous regardez vos records personnels, vos performances aux championnats d’Europe de cross espoirs, vous n’avez pas de regrets, vous ne vous dîtes pas : « j’aurais pu faire ça, ou ça » ?
Je regarde toujours les résultats des internationaux. Les athlètes qui étaient aux championnats d’Europe à Zurich, c’est ma génération. Ça aurait été bien d’être avec eux, mais je ne le regrette pas. Une carrière de haut niveau, c’est beaucoup, beaucoup d’investissement, et beaucoup de sacrifices. Et je n’avais pas forcément envie de les faire. Pas autant.