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Benjamin Malaty forfait pour le marathon  de Londres

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Poste Le 11 mars 2015 par adminVO2

Benjamin Malaty a connu une fin d’année 2014 délicate, avec peu de continuité dans l’entraînement après avoir enchaîné les pépins physiques. Début février, une lésion musculaire du jambier intérieur (au niveau du tibia) l’a contraint à stopper l’entraînement un mois durant. Pour la deuxième année consécutive, il a fait l’impasse sur les France de cross et ne disputera pas le marathon de Londres, qu’il avait coché à son calendrier (le 26 avril), à l’instar de Christelle Daunay. Un coup d’arrêt pour la figure de proue tricolore sur la distance depuis ses deux premiers 42,195 km (premier Français à Paris en 2012 en 2h13’15’ et l’année suivante, 2h12’00’’). Le champion de cross 2012 vient de reprendre l’entraînement et n’a pas perdu la flamme. 
Benjamin, comment allez-vous ?
Je vais très bien. Je reviens progressivement après quelques blessures successives. J’ai appris à les accepter et à faire avec. Je pensais en avoir terminé après Zurich (15e des Europe, lire ici), et je pense que le corps n’a peut-être pas supporté, encore fois, un marathon l’été (il avait connu des soucis au tendon d’Achille après les Mondiaux de Moscou en 2013).
Comment avez-vous vécu cette période, psychologiquement ?
C’est forcément difficile, surtout la première partie de l’hiver. Les tendinites sont les blessures les plus frustrantes : je peux courir, mais pas accélérer. Je préfère être blessé et savoir ma durée d’indisponibilité, comme sur le dernier mois, pour me préparer en conséquence dans la tête, et avoir une date de reprise où je peux courir correctement.
Je ne voyais pas le bout de ces tendinites à répétition. Ce n’était pas de graves blessures mais à chaque fois, ça mettait plusieurs semaines à se résorber. Souvent, quand on ne connaît pas la blessure, on n’a du mal à l’accepter. Le fait de les multiplier m’a permis de prendre un peu plus de recul.

« La boule au ventre devant les championnats de France »

Je pensais que regarder les championnats de France de cross (1er mars) n’allait rien me faire. Mais j’ai eu la boule au ventre. J’étais devant il y a trois ans (champion de France) et deux ans (3e), et là j’étais impuissant. Cela m’a aussi permis de régénérer et de retrouver une certaine envie. Comme dit mon entraîneur (Messaoud Settati), certaines blessures n’arrivent parfois pas par hasard.
Vous avez brillé lors de vos deux premiers marathons à Paris (2h13’15’’ en 2012 puis 2h12’00’’ en 2013, lire ici ; premier Français à chaque fois). Il faut peut-être apprivoiser le fait que ça peut mal se passer ?
C’est sûr que ça n’a rien à voir. C’est à double tranchant. Quand ça se passe bien, on prend énormément de plaisir et on a envie d’y retourner. Même s’il faut digérer musculairement, tu te sens presque invincible. Et quand ça ne se passe pas bien, même si ça n’a pas été de gros échecs on… (il cherche ses mots) C’était presque du fatalisme. J’ai essayé d’oublier Zurich assez vite, mais j’y pensais inconsciemment. Ça m’a travaillé sans que j’y fasse trop attention.

« Zurich m’a fait mal »

 
Peut-être avez-vous été moins rigoureux dans les soins du fait de la déception de Zurich ?
J’ai pourtant fait les soins, en passant énormément de temps chez le kiné (Jérôme Bertet). Celui-ci m’avait pourtant prévenu que ça serait long à guérir. Mais je commençais à douter et je ne savais plus quoi faire. Je ne pense pas que j’ai fait moins d’efforts, mais je perdais patience, je me disais parfois que je n’allais jamais pouvoir recourir normalement. C’était une période compliquée.
Zurich a laissé beaucoup de traces. Je ne l’ai pas forcément dit après l’évènement, mais je pense que j’ai pris un coup de « latte ». J’avais très bien préparé l’évènement. Le marathon, c’est très dur. On ne peut pas multiplier les marathons dans l’année comme sur d’autres disciplines. On ne se prépare que pour ça et on mise tout sur un seul évènement. Je pense que Zurich m’a fait mal, musculairement et psychologiquement.

« Les minima pour les JO ? Ce sera dur mais j’en suis capable »

 
Du coup, quels vont être vos objectifs pour la saison estivale ?
Déjà de retrouver une forme physique. On peut commencer à dire : « ça y est, il est cassé », mais combien de potes se sont pétés, que ça soit Yannick (Dupouy), Yohan (Durand), Denis (Mayaud). Les blessures, tout le monde y est passé. C’est ma période. Après, j’ai eu de la chance car je n’ai pas eu de graves blessures comme mes potes.
Sinon, l’objectif est de retrouver de la vitesse – ça faisait un petit moment que je voulais la travailler, mais c’est toujours dur entre deux marathons de re-préparer ça-, me faire plaisir sur un 5 000 ou un 10 000 m cet été. On décidera avec Messa (Messaoud Settati) dans quelques semaines le planning.
Je ne pense pas que je dépasserai 15 km (en compétition) avant l’été. Je ferai sans doute un semi en septembre avant d’enchaîner ensuite sur un marathon, certainement en octobre. Je me positionne sur Francfort, sans que ça soit sûr à 100 %.

« Même à 28 ans, on fait des erreurs et on apprend »

 
Vous restez optimistes pour la qualification pour les Jeux ?
Je vais griller une grosse cartouche au printemps. Quand je suis blessé, je doute beaucoup.
Mais je reste optimiste. Quand je reprends l’entraînement, que je peux courir, que je me sens bien, le mental revient forcément. Ça sera dur mais j’en suis capable. Ça sera une grosse lutte pour faire les minima et être dans les trois (Français). Mais si je n’y crois pas, je ne retourne pas m’entraîner et je ne retourne pas sur un marathon.
J’ai fait un un championnat du Monde, un championnat d’Europe donc les Jeux sont l’objectif suivant. Si j’arrive à m’entraîner correctement et si je prends du plaisir, je serais motivé plus que jamais pour essayer de les réaliser.
Vous preniez moins de plaisir ?
Oui, quand tu as mal quelque part et que tu t’entraînes sur une jambe et demie, tu n’es pas libéré dans ton corps… Je pense que j’ai eu une baisse de motivation en enchaînant ces petites blessures. Mais quand je me sens bien physiquement et que le corps suit, je suis « inarrêtable ». Même trop : je veux revenir, prouver, je repars un peu vite et je ne fais pas les choses dans l’ordre. On dit que l’expérience, c’est bien, mais ça nous fait faire des conneries. On pense qu’on est capables de tout, qu’on est intouchables car on a connu des entraînements tellement durs qu’on va remettre des grosses séances au bout de deux semaines. Sauf que le corps met un bon rappel à l’ordre.
On est capables de plus enchaîner que quand on était jeunes, mais on est peut-être plus inconscients parce qu’on pense qu’on est capables d’accumuler des choses énormes. On apprend toujours. Même à 28 ans, on fait des erreurs et on apprend. Ça été aussi mon cas.
 
Un dossier complet sur la blessure chez les marathoniens sera à lire dans le prochain numéro de VO2 Run.
Photo : Benjamin Malaty à Zurich en août dernier (Photo Q.G).

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