L’athlétisme parmi les trois sports les plus contrôlés par l’AFLD
L’Agence Française de Lutte contre le Dopage (AFLD) a présenté son rapport annuel pour 2014 jeudi 4 juin dernier. Voici quelques chiffres et explications éclairants, dans un contexte délicat avec une diminution des subventions étatiques (moins 7% ; le budget de l’AFLD s’établit à 8,7 millions d’euros).
Au total, le département des analyses de l’AFLD, installé à Chatenay-Malabry (Hauts-de-Seine ), a pris en charge 11 104 prélèvements sur l’année 2014 (-4,3% par rapport à 2013 ; la laboratoire se classe en 6e position parmi les 32 laboratoires accrédités dans le monde).
Ces prélèvements se répartissent en deux catégories : échantillons urinaires (8 897) et sanguins (2 207) ; les contrôles sanguins permettent de détecter davantage de substances illicites, mais s’avèrent aussi plus onéreux.
A la lecture des chiffres, on constate que l’athlétisme figure parmi les sports les plus contrôlés, au regard des échantillons urinaires (1 339 prélèvements, en 2e position derrière le cyclisme, 1 686, et devant le rugby, 1 012).
Parmi les 1 339 échantillons urinaires collectés, 12 se sont révélés « anormaux », c’est-à-dire révélant la présence d’une substance interdite ou de ses marqueurs.
Sur les 8 897 échantillons urinaires prélevés, tous sports confondus, 111 ont été positifs (1,24%). En proportion, c’est l’haltérophilie qui est la discipline qui compte le plus de cas de dopage par rapport au nombre de contrôles réalisés.
Les contrôles sanguins sont de l’ordre de deux catégories :
–561 prélèvements ont été effectués à des fins de contrôle antidopage. L’athlé représente le tiers de ces contrôles sanguins diligentés, devant le cyclisme (20,9%) et le rugby (13,9%). Sur ces 561 contrôles sanguins diligentés, seuls deux se sont révélés positifs à l’EPO (en athlétisme).
–1 646 prélèvements au titre du module hématologique du profil biologique (voir ci-dessous). Le cyclisme représente 28,9% de ces contrôles, le football 16,9% et l’athlé 10,3%.
« Le département des contrôles a particulièrement mis l’accent sur les disciplines exposées au risque de dopage, notamment celles dans lesquelles l’endurance, la résistance à la douleur ou aux chocs jouent un rôle essentiel » note l’Agence.
Ce qui explique aussi pourquoi, pour la seule recherche de l’EPO, c’est le cyclisme qui est le plus concerné avec presque la moitié des analyses (627 sur 1 294 analyses EPO), devant l’athlétisme (378).
Parmi l’ensemble des contrôles, 57 % d’entre eux ont été effectués en compétition, le reste hors compétition. L’objectif des « 60% hors compétition pour 2014 était très ambitieux en raison de la difficulté de la localisation des sportifs, notamment ceux pratiquant un sport individuel » note l’Agence, qui escompte une répartition à parts égales pour l’année en cours.
Quatre axes :
Le département des contrôles, dont le directeur est Jean-Pierre Verdy, a axé sa stratégie autour de quatre axes :
1) un meilleur ciblage, avec la priorité donnée au suivi à long terme des sportifs de haut niveau. Environ 350 sportifs (jusqu’à 750 en année olympique) figurent dans le groupe cible de l’Agence (ce sont les sportifs astreints à une obligation de localisation sur le fameux logiciel ADAMS), dont les contrôles ont été multipliés par deux par rapport à 2013 (800 contrôles donnant lieu à 1 500 prélèvements).
2) la mise en place du profil biologique (la terminologie française, c’est l’équivalent du passeport biologique à l’échelon international), effectif depuis janvier 2014. Ce profil biologique fut mis en place en 2009 par l’UCI (la Fédération internationale de cyclisme) et 2011 par l’IAAF (la Fédération internationale d’athlétisme).
L’AFLD se dote là d’un outil essentiel dans la lutte antidopage. « Ce module hématologique est un mode de détection indirect de la prise par un sportif de substances interdites comme l’EPO, que l’on ne peut mettre en évidence que par la comparaison d’un certain nombre de paramètres résultants d’un certain nombre de prélèvements (8 à 12) » explique le président de l’AFLD Bruno Genevois.
L’AFLD « suit » aujourd’hui une cinquantaine d’athlètes français (tous sports confondus) par le truchement de ce profil biologique. 21 cas sont d’ores et déjà considérés comme suspects, alors que deux cas ont été soumis au comité d’experts -les procédures sont actuellement en cours (1).
« La politique antidopage est efficace quand tous les acteurs vont dans le même sens »
Sur le même principe a été mis en place par l’AMA (Agence Mondiale Antidopage) un modèle stéroïdien afin de détecter de manière indirecte la prise d’anabolisants. Et ce par le biais des contrôles urinaires (l’une des explications au fait que ces prélèvements sont beaucoup plus élevés que les contrôles sanguins, les procédures pour ces derniers étant aussi plus complexes et onéreuses).
3) investissement dans les méthodes de renseignement et d’investigations : une investigatrice (polie scientifique) a été spécifiquement recrutée dans ce but.
4) renforcement de la coopération en réseau, sur le plan national comme international. Le secrétaire général de l’Agence, Bruno Lancestremère, a insisté sur ce point, prenant l’exemple –sans le citer- de Bertrand Moulinet, prenant athlète au Monde contrôlé positif à la FG4592. « C’est un succès du laboratoire » a-t-il salué. « Mais aussi de tous les acteurs. La politique antidopage est efficace quand tous les acteurs vont dans le même sens ».
Ce fut le fruit d’un travail commun entre l’AFLD, qui a ciblé le marcheur, l’OCLAEPS (Office Central de Lutte contre les Atteintes à l’Environnement et à la Santé Publique), la FFA et la gendarmerie.
Dans le but de professionnaliser la lutte antidopage sur l’ensemble du territoire national, onze conseillers interrégionaux (CIRAD), rattachés au ministère des sports, succèdent aux anciens correspondants régionaux antidopage sur l’ensemble de la France métropolitaine (plus deux conseillers compétents pour les outremers). Ils sont désormais chargés à temps plein du dossier de la lutte contre le dopage. Cette réforme a été menée de concert avec le ministère des sports.
Il convient aussi de noter qu’environ 10% du budget de l’AFLD est dévolu à la recherche, « priorité réaffirmée fortement par le Collège en 2014. C’est l’un des objectifs majeurs du laboratoire de Châtenay-Malabry », à l’excellente réputation. « C’est un engagement important et constant » relève Bruno Lancestremère. D’autre part, les modes de détection de ce laboratoire se sont accrus de manière substantielle, avec 450 substances détectées en 2014, contre 306 quatre ans plus tôt.
Sportifs de haut niveau et sportifs amateurs
Concernant les missions de l’Agence, l’AFLD a poursuivi « ses efforts de maîtrise des dépenses » comme l’y a encouragé la Cour des Comptes (lors d’un contrôle réalisé en 2014 sur l’action de l’Agence sur la période 2006-2013.
Si l’AFLD « partage pour l’essentiel les autres observations de la Cour des Comptes », désaccord notable, « le Collège de l’Agence n’a pas souhaité se cantonner à une politique de contrôles visant exclusivement l’élite sportive ». Si le budget se restreint (dotation de l’Etat en baisse de 7%) et la lutte antidopage envers l’élite doit sans cesse se densifier, « notre mission vise l’ensemble du sport et des pratiquants » a rappelé Bruno Genevois dans son propos liminaire. « Nous souhaitons une approche équilibrée. Certains sportifs amateurs sont vulnérables ».
L’activité disciplinaire de l’AFLD corrobore ce type de mission de santé publique que doit mener l’agence. Sur les 115 dossiers sur lesquels l’Agence s’est saisie en 2013, 28,7% ont trait sur le « sort » d’athlètes non-licenciés (le plus haut pourcentage depuis 2010 ; le Collège se substitue sur les autres dossiers aux fédérations sportives normalement compétentes pour les sportifs licenciés ; 56,5% des saisines concernent une réformation de certaines décisions disciplinaires, réformations qui répondent à un double objectif précise l’Agence : « la correction d’erreurs de droits commises par les Fédérations et la cohérence de la jurisprudence entre les disciplines »).
La lutte se mène donc à tous les étages, tout comme la prévention, et ce dès le plus jeune âge (un partenariat a par exemple été signé entre l’Agence et la Fédération Française de Tennis renforçant le nombre de contrôles antidopage autorisés lors d’entraînements ou de compétitions, notamment chez les jeunes).
(1) Si le profil hématologique ou stéroïdien laisse supposer l’utilisation d’une substance ou méthode interdite, les résultats sont soumis à un comité de trois experts. Si ce comité, statuant à l’unanimité, est d’avis qu’il est très probable que le sportif ait eu recours à une substance ou méthode interdite, le sportif en question est invité à présenter ses observations dans un délai d’un mois.
Le comité procède alors à un examen des informations fournies par le sportif. S’il est d’avis, à l’unanimité, qu’il y a eu utilisation d’une substance ou méthode interdite, le résultat d’analyse anormal est communiqué à l’autorité disciplinaire compétente (l’instance antidopage de la Fédération concernée) – la procédure est ensuite la même que pour un contrôle urinaire ou sanguin positif.
Photo de une : Gilles Bertrand