Le pari Hassan Chahdi
Le vice-champion d’Europe de cross 2012 a finalement hérité du dernier ticket pour les championnats d’Europe de cross à Hyères, le 13 décembre prochain. Le manager du demi-fond tricolore Philippe Dupont détaille les raisons pour lesquelles il a été choisi, bien que les performances récentes du champion de France de cross en titre n’aient pas plaidé en sa faveur.
« Il n’y a pas de problème. Hassan Chahdi a sa place dans cette équipe de droit, ne serait-ce que par son passé récent aux championnats d’Europe de cross. C’est le meilleur palmarès sur ces championnats depuis dix, quinze ans. (3e en 2011 (1) ; 2e en 2012, 5e en 2013 plus un podium par équipes ; également 23e des Mondiaux de cross en 2011, ndlr). Hormis l’année dernière où il a fait une contreperf (39e), il est toujours présent sur ces championnats là. C’est complètement logique qu’il soit dans cette équipe » entame Philippe Dupont.
Ce qui interroge, ce n’est pas que le sixième ou septième homme du cross de sélection n’ait pas été sélectionné (les modalités sont très explicites à ce propos : seuls les quatre premiers du sélectif obtenaient directement leur ticket), mais bien davantage la forme actuelle d’Hassan Chadhi, 28e au scratch à Gujan-Mestras, à 2’17’’ du premier Français Florian Carvalho.
Alors qu’un El Hassane Ben Lkhainouch semble monter en puissance après son marathon à Francfort fin octobre, et possède lui aussi quelque référence à ce niveau de compétition – 10e des Europe en 2013 à Belgrade, mais il n’a actuellement peut-être (sans doute?) pas une forme similaire à celle d’il y a deux ans, comme le relève également Philippe Dupont.
« Effectivement, il (Chahdi) rate son cross de sélection à Gujan. On connaît les raisons : il est rentré l’avant-veille du Kenya, un voyage très long où il a mal récupéré. Le problème majeur n’était pas d’aller au Kenya mais de rentrer au dernier moment comme il a fait. Là je pense que c’était une erreur. Mais (contrairement à) Collenot-Spriet ou Ben Lkhainouch ou un autre, Hassan Chahdi peut être dans les cinq et apporter un gros bonus à l’équipe ».
« Sur l’historique de ces dernières années, il n’y a qu’Hassan Chahdi qui peut apporter un gros bonus à cette équipe »
Certes, mais depuis le mois de mars dernier et son stratosphérique 1h01’42’’ pour ses débuts sur semi-marathon, le champion de France de cross en titre n’est depuis que l’ombre de lui-même (avant Gujan-Mestras, deux dix bornes en 30’27’’ à Aix-les-Bains puis 30’29’’ à Paris-Centre).
« Il a fait çà comme çà en octobre. Il n’avait pas d’objectifs de perfs. Il était sur une préparation progressive où il ne s’est pas pris la tête. On ne peut pas comparer les choses. On lui a déjà fait confiance sur d’autres championnats d’Europe où il n’était pas forcément dans les quatre au cross de sélection et c’était à l’arrivée le meilleur Français (en 2013 : 6e Français à l’Acier puis 5e aux Europe ensuite, ndlr) » relève Philippe Dupont. « Notre but à la Fédération est d’essayer de constituer la meilleure équipe possible pour essayer de faire le meilleur résultat possible. Sur l’historique de ces dernières années, il n’y a qu’Hassan Chahdi qui peut apporter un gros bonus à cette équipe ».
Si la DTN a attendu lundi 30 novembre pour annoncer la sélection définitive, c’était pour voir la manière dont le champion d’Europe espoir de cross (2010) avait recouvré ou non ses moyens à l’entraînement.
« On a préféré attendre la semaine pour voir s’il récupérait bien de son déplacement au Kenya, s’il était malade, s’il était vraiment hors du coup ou pas. Bien sûr que l’on a eu des garanties sur sa forme. Et après, on n’écartait pas la possibilité de prendre quelqu’un d’autre. Si un Français avait fait comme ce qu’avait fait Mandour l’an passé, on se serait peut-être posés la question différemment. Sans dévaluer ce qu’ont fait Collenot-Spriet ou Ben Lkhainouch, il n’y a pas un Français qui a été transcendant à l’Acier. Collenot-Spriet, je trouve que ce qu’il fait sur ces deux cross là est très bien. Ça doit le motiver pour engager une saison 2016 avec des objectifs intéressants en vue des championnats d’Europe l’été prochain, voire des Jeux Olympiques (sur 3 000 m steeple). Ben Lkhainouch, le championnat d’Europe de cross n‘est pas non plus une fin en soi. Il a ses chances pour faire les Jeux Olympiques sur marathon ».
Une vraie gageure
Philippe Dupont et le comité de sélection ont ainsi pris le pari que le champion de France du 3 000 m indoor soit en pleine possession de ses moyens, ou presque, en trois semaines, et ainsi réitérer ses résultats passés lors du rendez-vous continental, à savoir un top 5. Ce qui sonnerait comme un miracle. « Top 10 ou top 15, on prend » rectifie Philippe Dupont, qui élargit l’analyse.
« Par rapport à certains, il était sûrement un peu moins bien lors du stage au Portugal (mi-octobre où presque tous les meilleurs Français étaient présents, ndlr), mais lui était dans une période de préparation moins avancée que d’autres. Le stage au Portugal se situait six semaines avant les Europe. On connaît Hassan Chahdi. On sait qu’en un mois de préparation supplémentaire, les choses peuvent beaucoup évoluer. Hassan, il faut qu’il ait envie. Faire des courses pour faire des courses, il ne va effectivement pas être bon. Le jour où il a envie de quelque chose, il va se donner les moyens et il peut être très bon. Il faut lui faire confiance ».
Philippe Dupont et le comité de sélection tentent donc un pari, considérant qu’Hassan Chahdi est le plus à même d’apporter une plus-value pour venir s’immiscer parmi le top 4 Français et ainsi terminer dans le top 15 européen (le classement par équipes aux Europe s’établit en additionnant les places des quatre premiers de chaque nation), dans la perspective de glaner une médaille par équipes qui fuit les seniors masculins depuis l’or récolté en 2011. Réponse dans un peu plus de dix jours !
(1) Hassan Chahdi avait terminé 4e à Velenje en 2011 mais a récupéré a posteriori la médaille de bronze suite au déclassement pour dopage du Portugais Jose Rocha, initialement troisième.
Photo de une : Hassan Chahdi lors de son titre aux championnats de France en mars (Photo Yves-Marie Quemener).