Jimmy Gressier, le rêve éveillé

Actuellement en stage fédéral au Portugal, Jimmy Gressier est revenu sur son ascension express. Il y a encore deux ans, il s’exprimait plus avec les crampons moulés qu’avec les pointes de cross. Depuis, bien des choses ont changé pour le Boulonnais de 18 ans, 4e des Europe juniors à Hyères, et qui tient à garder les pieds sur terre. Portrait.
Jimmy Gressier appartient à cette caste d’athlètes aux trajectoires inattendue et atypique. Il fraye d’abord sur les terrains de football. « Comme je m’arrachais la “gueule“ à chaque fois sur le terrain, que je suis un joueur compétitif “à mort“ et que je courais partout, les supporters m’adoraient et m’applaudissaient quand je sortais » glisse celui qui monte les échelons à Boulogne-sur-Mer, jouant ainsi en U17 Nationaux.
Le premier basculement intervient il y a deux ans et demi, lorsque « la mobylette », en référence à son abattage sur le terrain, s’aligne aux départementaux de cross UNSS.
« On est obligés de les faire lorsque l’on est en sports-études foot. J’ai gagné devant des mecs qui étaient pas mal. Le prof de sport m’a dit de venir aux régionaux. J’ai gagné mais je n’ai pas pu aller aux France, car la qualification se faisait par équipes » raconte t-il.
« A la base, je suis un footeux et je n’aime pas courir »
« Le prof de sport m’a alors dit de venir essayer en club. Mais je ne voulais pas y aller. A la base, je suis un footeux, je n’aime pas courir. J’y suis quand même allé car avec du recul, je me suis dit que ça ne me coûtait rien d’essayer. Etant jeune, j’ai goûté à plein de sports où j’étais performant, comme la lutte, le basket. J’ai fait donc le cross départemental (FFA, en janvier 2014). Il y avait dans la course Pierre-Louis Detourbe. Quelqu’un que j’avais croisé sur les cross UNS me demande ce que je veux faire. Je lui dis : “un podium, voire gagner“. Et il me répond : “Non, ce n’est pas possible, il y a Pierre-Louis Détourbe“. Je me dit alors que ça va être dur ».
Sans entraînement athlé, 6e des France de cross cadets
Sauf qu’il s’agit de Jimmy Gressier. « Le club m’a pas lâché et je leur ai fait confiance. J’aime bien la gagne, et vu que j’ai gagné, je suis allé aux régionaux (2e) et c’est parti comme çà. J’ai alterné avec les matches de foot et les compètes le week-end. Par contre, je ne m’entraînais pas en athlé » précise le sociétaire de l’Entente Maritime Athlétique 62 (EMA), 6e pour ses premiers France de cross cadets en 2014.
Ce n’est que lors de la saison suivante (2014-2015) qu’il foule le tartan deux fois par semaine, en sus de ses trois entraînements hebdomadaires balle au pied. « Je pense que si je ne gagnais pas de course, je ne ferais pas de l’athlétisme. Parce que (gagner), c’est magique. Il n’y a pas meilleure sensation » apprécie le jeune athlète coaché sous la houlette d’Arnaud Dinielle.
« Quand on me disait les passages au kilo, je ne comprenais rien »
Si bien qu’à la rentrée dernière, Jimmy Gressier décide de laisser les crampons au placard. « Je commence à grandir quand même. Le foot, c’est bien, ça paie à un certain niveau. Mais j’ai joué un peu plus la carte de l’avenir et je veux assurer un peu plus le tout. Avec de l’entraînement, je me suis dit que je pouvais réaliser de plus belles choses » souligne le profane en athlétisme.
« Je ne connaissais rien du tout. Quand on me disait les passages au kilo, je ne comprenais rien. Pareil quand mon coach me donnait des séances. Je ne savais pas où je devais commencer ou m’arrêter (sur la piste) ».
Sauf que ça n’est pas trop le cas ces derniers temps, après un championnat d’Europe épatant, où l’on se souvient de l’émotion de son coach (lire ici), suivi d’une sélection au cross d’Edimbourg début janvier (4e également).
Apprentissage et grande joie
« C’est magique. Par équipes, on ne peut pas faire mieux. En individuel, je suis très satisfait de ma 4e place, avec un petit regret de m’être emballé trop tôt, à 800 mètres de l’arrivée. Je ne pensais pas être dans les premiers à ce moment là de la course. C’est encore un manque d’expérience. Ce n’est pas grave. J’apprends pour la suite ».
La suite, c’est d’abord côtoyer quelques uns des meilleurs tricolores au Portugal pour un stage de deux semaines, où il découvre notamment le biquotidien. « Je vis des choses incroyables. On verra jusqu’où çà ira. Si ça doit s’arrêter, ça s’arrêtera mais là, si je suis mis vraiment dans l’athlétisme, c’est pour atteindre le haut niveau senior plus tard » souffle celui qui a connu une autre fabuleuse expérience l’an passé, en participant à la coupe du Monde UNSS au Guatemala avec l’équipe de France de foot.
« Il faut vraiment savourer les choses que l’on réussit, et repartir à l’entraînement la tête sur les épaules »
Si Jimmy Gressier avance à grand pas et s’il est devenu l’une des coqueluches de la presse locale, ses pointes ne le portent pas encore seules vers les lignes d’arrivée…. « Il faut garder les pieds sur terre et juste faire attention. Ce n’est pas parce que tu as fait çà que tu le referas, ou mieux, dans deux mois. Il faut vraiment savourer les choses que l’on réussit, et repartir à l’entraînement la tête sur les épaules. Champions d’Europe juniors par équipes, c’est beau, c’est bien, mais si on s’entraîne, c’est pour avoir de plus grosses ambitions. Si on se prend déjà la tête en étant champions d’Europe par équipes et que l’on arrête de bosser, dans deux ans, on ne nous voit plus sur le devant de la scène. Il faut vraiment bosser à l’entraînement et se dire que le meilleur reste à venir ».
« Je courais parce que j’aimais la gagne. Là, je commence à prendre de plus en plus plaisir à aller m’entraîner »
Progressivement, l’élève en Bac Pro gestion administration comptabilité qui envisage ensuite de poursuivre avec un BPJEPS éducateur spécialisé (« si tout se passe bien, j’essaierai de devenir auto entrepreneur ») prend goût à la course à pied. « Avant je trainais les pieds à l’entraînement. Je n’aimais pas çà. Je faisais çà parce que j’aimais la gagne. Là, je commence à prendre de plus en plus plaisir à aller m’entraîner et à « m’arracher la gueule » à l’entraînement ».
Jimmy Gressier n’aurait sans doute pas imaginé vivre un tel parcours, il y a encore quelques mois. « Ah non, j’aurais rigolé. Quand je te parle, j’ai un peu de mal à t’expliquer car j’ai vécu beaucoup beaucoup de choses. Comme aussi lorsque j’ai été capitaine avec les U17 nationaux contre le PSG au camp des Loges, c’était aussi magique. J’étais un peu la fierté de mon quartier ».
Il l’est encore, voire davantage, et cette fois-ci avec les pointes au pied.