Coureurs

Erik Clavery – Sans limites

Partager
Poste Le 10 décembre 2019 par adminVO2

Erik Clavery traverse plusieurs vies de coureur. Après avoir couru le triathlon Ironman en moins de 9 heures, obtenu un titre mondial sur trail, terminé l’UTMB dans le Top 10, le Marathon des Sables et le Grand Raid de la Réunion dans le Top 5, il vient de terminer 4e des Championnats du monde des 24 heures, avec un nouveau record de France à la clé. Et le Breton ne compte pas s’arrêter en si bon chemin, dans une vie guidée par les rêves les plus fous, dont celui de battre le record du monde des 24 heures du grand Yannis Kouros. Entretien.

 

Erik, qu’est-ce qui vous a pris de vous lancer sur 24 heures ?

En fait, j’avais en tête depuis très longtemps de réaliser un 24 heures. En 2018, mon objectif principal était de faire l’UTMB, et ça s’était bien passé puisque j’avais terminé 8e. En fin de saison, je n’avais rien de prévu, et depuis longtemps, ce format me motivait, depuis les années 2000 on va dire. J’ai alors profité de cette opportunité de planning « libre » fin 2018 pour faire les Championnats de France, déjà à Albi, sans préparation spécifique, et pas forcément dans les meilleures dispositions, puisque je sortais de l’UTMB. Mais je remporte tout de même l’épreuve, avec 254,264km au compteur. Ça m’a permis d’être sélectionné pour ces championnats du monde 2019, sur le même parcours. Evidemment j’ai accepté cet honneur d’être sélectionné avec l’équipe de France. Et cette année, j’ai vraiment préparé plus spécifiquement ces 24 heures. Il se trouve que j’ai des objectifs de vie, des rêves, dans ma vie, qui sont toujours ambitieux. En résumé, mon rêve ici, c’est de battre le record du monde des 24 heures. Et comme tout rêve, ça ne se réalise pas du jour au lendemain, ni sur un coup de tête, et avec des objectifs intermédiaires. Je vais continuer à avancer sur ce chemin, en passant les échelons les uns après les autres. L’an dernier, j’ai passé une belle étape en étant champion de France, cette année je passe un gros palier supplémentaire, avec près de 18 km de mieux (ndr : nouveau record de France avec 272,217 km), et une vraie préparation. Et je ne compte pas m’arrêter là !

Vous dites avoir toujours été motivé par ce format. Ca remonte à quand exactement ?

C’est une discipline que j’ai découverte quand j’étais ado. A l’époque,le Grec Yannis Kouros a battu tous les records dans cette discipline. Je suis tombé sur une interview de lui quand il avait battu le record du monde des 24 heures sur piste : 330,506km, à 12,6 km/h de moyenne. Je me souviens qu’il avait dit que celui qui battrait ce record n’était pas encore né… Cette phrase a fait « tilt ».Je voudrais bien le contredire… 12,6 km/h sur 24 heures, cela ne m’a jamais paru être quelque chose d’infaisable. Evidemment, c’est une très, très, belle vitesse, mais je ne me suis jamais senti « à la rue » par rapport à ça, et je me suis dit que « pourquoi pas ». J’ai toujours gardé ça dans un coin de ma tête. J’ai d’abord fait du triathlon Ironman, entre 1996 et 2008, et je suis parvenu à mon objectif de moins de 9 heures sur Ironman. Je sui alors passé naturellement sur trail, je m’y suis investi, je sui devenu champion du monde en 2011, puis je suis monté sur ultra-trail en faisant le Grand Raid de la Réunion, l’UTMB, la Western States, e Marathon des Sables. Cette année, j’ai sauté sur l’occasion de revenir un peu aux sources de ce que je rêvais de faire, à savoir les 24 heures. Avec toutes ces années d’expérience et de pratique, j’ai développé des compétences mentales spécifiques, acquises sur toutes ces disciplines d’endurance, et c’est un aspect qui me passionne. Au delà de la performance sur 24h, l’approche mentale d’un 24h m’attirait énormément, et ce fut très riche d’enseignement.

Quel type d’enseignement en avez-vous retiré par exemple ?

Comme beaucoup de monde, en s’attaquant aux 24 heures, on se demande à quoi ça rime de tourner sur un parcours de 1,5km pendant tout ce temps. Ca paraît hyper monotone, impossible à faire, surtout quand on vient du trail, et de ses grands espaces. Je me suis aussi posé ces questions-là. Mais je voulais faire une performance. Là, on se rapproche plus de l’athlétisme, avec des performances de temps, de distance, il y a quelque chose d’arrêté qui permet de se jauger par rapport à ce qu’on peut valoir, par rapport à sa valeur propre, des éléments qu’on ne trouve pas dans le trail, où c’est plus aléatoire. Au niveau mental, j’étais curieux de voir ce que ça faisait de faire le hamster sur un tour de 1,5km, pendant 24 heures. J’ai découvert un monde complètement différent de ce que je pouvais imaginer. J’étais venu avec un groupe de 50 personnes venues m’encourager. Eux-aussi ont découvert une ambiance à laquelle ils ne s’attendaient pas du tout. Il y a une relation qui s’opère entre le coureur et le spectateur , et entre les autres coureurs, qui est magique. Quand je fais l’UTMB, je ne vois personne. Là, on était presque 400 coureurs sur une boucle de 1,5km, on a toujours, toujours, du monde près de soi. Au fil des boucles, des kilomètres, des liens se créent. C’est hyper fraternel comme ambiance. C’est une vraie fraternité et une vraie famille qui se crée. Au fil du temps, on voit la difficulté qui marque les visages, la souffrance qui marque les physiques, le corps qui se plie, la foulée qui frotte le sol… On s’immerge petit à petit dans la souffrance des coureurs, on ressent l’émotion qui passe, entre coureur et spectateurs. Moi, je marche beaucoup à l’affectif en course, et avoir du monde autour de moi, ça me transcende, je me raccroche à ça aussi ; c’était incroyable de voir que beaucoup de supporters ne sont jamais allé se coucher, et ont passé 24 heures à nous encourager. En course, on se rend compte qu’ils restent là pour nous, ça en devient une force, c’est une énergie que nous transmet ce public, un maximum d’ondes positives qu’on capte à fond pour aller encore un peu plus loin….

Recueilli par Luc Beurnaux

 

RETROUVEZ L’INTEGRALITE DE L’INTERVIEW DANS LE VO2RUN 260 DISPONIBLE ICI

X