Desiree Linden – Petite leçon de résistance
1m55 pour à peine 44 kg. Desiree Linden n’en est pas moins, à 36 ans, l’une des marathoniennes américaines les plus têtues et les plus performantes de ces dernières années, en témoigne sa victoire incroyable au marathon de Boston 2018 sous un déluge digne de l’arche de Noé. Aux côtés de Shalane Flanagan (première victoire féminine Américaine au marathon de New-York depuis 40 ans en 2017), Desiree Linden est donc l’autre chef de file à surveiller du contingent de l’oncle Sam. D’autant qu’elle est réputée pour avoir la peau dure, et la tête bien faite. Entretien exclusif et conseils de guerre pour tout affronter l’automne.
VO2run : Nous nous sommes entretenus avec Yuki Kawauchi dernièrement, le coureur japonais qui a surpris tout le monde et gagné Boston 2018, la même année que vous. Yuki nous a confirmé qu’il n’avait pas été du tout dérangé par la météo exécrable que vous avez eu à subir cette année-là. Il nous a aussi avoué sans trembler que, finalement, c’est ce qui lui a permis de s’imposer. Les autres étaient terrifiés, trempés, déstabilisés. Lui, il s’est au contraire appuyé sur ça pour s’imposer. Qu’en pensez-vous ? Ça serait un peu étrange qu’une fille qui a grandi à Chula Vista en Californie du Sud à San Diego, et qui est ensuite parti faire ses études en Arizona, prenne du plaisir à courir sous la pluie et dans le froid…
Desiree Linden : Et bien, en fait, je suis d’accord avec lui. Plus les conditions météo sont mauvaises, plus j’ai mes chances. En fait, je suis comme tout le monde, je n’aime pas particulièrement la pluie ou le froid mais je ne me laisse pas facilement impressionner par les conditions météo non plus. Disons que ça ne m’atteint pas. Ça ne m’a jamais atteint. Malheureusement pour mes adversaires, je crois qu’elles sont beaucoup à se laisser généralement atteindre psychologiquement par ce type de mauvaises conditions météorologiques. Je ne sais pas trop pourquoi, mais ce n’est certainement pas mon cas. Ce jour-là, moi j’ai accueilli avec plaisir ces conditions de course. Je me suis réjouie, vraiment réjouie. C’était une bonne chose. Alors forcément quand je me suis rendu sur la ligne de départ, j’avais déjà pris l’ascendant sur la plupart d’entre elles. Je peux le dire aujourd’hui. J’avais un avantage et personne ne le soupçonnait. C’est vrai que j’ai grandi sous le soleil, puis fait mes études en Arizona, où il fait à peu près beau toute l’année. Mais j’ai ensuite rapidement déménagé dans le Michigan, depuis 2005 en fait. Ça compense drôlement ! J’ai donc vécu sous quasiment tous les climats qu’offrent les États-Unis. Et aujourd’hui je suis donc prête à tout : chaleur, pluie, froid. La preuve…
VO2run : En Europe, comme sur la côte Ouest américaine d’ailleurs, les coureurs recherchent des marathons d’automne pour de meilleures températures et des chronos plus accessibles. Seulement, parfois, la météo n’est pas cette alliée qu’ils espéraient et leur complique plus la tâche qu’autre chose. Comment avez-vous approché l’épreuve du marathon de Boston 2018 quand vous avec compris qu’il allait faire un temps à ne pas mettre un chien dehors avec des rafales à 40 km/h, de la pluie et des températures autour des 0°C, voire plus bas ?
Desiree Linden : En fait c’est plus simple qu’on ne le croit. Si vous êtes là, sur la ligne de départ, pour la compétition, il faut vous rappeler que nous sommes tous logés à la même enseigne. La météo de ce jour-là à Boston a touché tout le monde. Et nous n’y pouvions rien. Personne n’avait une influence sur elle. Nous n’avions pas d’autre choix que de faire avec. Vous êtes là pour faire un chrono, vous tester, repousser vos limites, d’accord, mais il ne faut pas pour autant avoir peur d’ajuster vos objectifs. Il faut aussi se souvenir que vous avez mis des mois à vous préparer, que vous avez souvent souffert à l’entraînement et que, peut-être, vous y avez aussi rencontré des difficultés, à cause de la météo pourquoi pas. Mais le plus important c’est de se souvenir de ça : si vous vous êtes correctement entraîné, si vous avez fait le job comme ont dit, alors vous êtes prêt à tout. C’était mon état d’esprit ce jour-là et on peut dire que ça a plutôt bien fonctionné.
VO2run : New-York, Chicago et Boston sont les trois marathons Américains les plus populaires pour nous autres Français. Chicago est plat et donc rapide mais ce n’est pas le cas ni de New-York ni de Boston. Vous avez participé à Boston 7 fois (2007, 2011, 2014, 2015, 2017, 2018 et 2019), à New-York deux fois (2014, 2018) et à Chicago deux fois aussi (2008, 2010). Entre New-York et Chicago, quelle est la course que vous préférez et quels conseils pouvez-vous donner ?
Desiree Linden : Je crois que Chicago est le meilleur des deux pour apprendre à courir sur la distance du marathon. Si vous êtes débutant, c’est là qu’il faut aller. Le parcours n’a rien de très spécial donc vous pouvez vous y entraîner, où que vous viviez. Une fois que vous maîtrisez les codes de la distance, vous pouvez aller à New-York, pour la compétition cette fois. C’est un endroit fou. Il faut s’être vraiment préparé car le parcours est difficile. Ce que j’aime à New York, comme à Boston d’ailleurs, c’est justement ce petit plus en terme de difficulté. C’est un peu comme le mauvais temps. Dans les deux cas, je vois ça comme quelque chose sur lequel m’appuyer. C’est une force, un avantage, et pas une difficulté supplémentaire. Vous comprenez ? Il faut arriver à retourner la situation en votre faveur. C’est très mental finalement.
Recueilli Par Gaël Couturier
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