Comment préparer un trail urbain?
Après les trails verts et les trails blancs, voici la mode des trails urbains. En quelques années, ils se sont répandus dans nos villes à la vitesse d’un traileur au galop. Le trail urbain peut servir avantageusement de préparation aux courses estivales mais il devient également un objectif à part entière attirant l’élite française. Pascal Balducci nous livre ses conseils pour préparer au mieux un trail urbain.
Une fois évacué le débat stérile sur la réalité ou l’intérêt d’un trail en ville, intéressons-nous aux particularités de ces épreuves qui attirent la foule à Lyon, Nantes, Toulouse, Saint Etienne et sur l’ensemble du territoire. Les organisateurs ont à cœur de faire découvrir leur cité en empruntant un maximum de passages insolites : ruelles, ponts, quais, collines, escaliers, passages souterrains, traboules… pour au final proposer des parcours irréguliers, accidentés, difficiles, et bien différents des tracés nature. Par conséquent, la gestion de ces épreuves s’avère plus difficile pour un grand nombre.
Pour les coureurs sur route qui s’essaient au trail urbain, la vitesse de progression n’est plus proportionnelle à la distance. Les repères de vitesse s’effacent, la marche peut devenir une stratégie de progression et non plus un abandon. Les montées sèches demandent une puissance qui fait souvent défaut car quand on ne rebondit plus, il faut bien pousser ! Les descentes ne sont pas simples non plus, souvent techniques dans les escaliers et toujours traumatisantes pour la charpente musculo-tendino-squelettique.
Bref, le passage de la course sur route au trail urbain est moins simple qu’il n’y paraît. Moins long en kilométrage sur le papier, le Lyon Urban Trail (36 km et 1500m de dénivelé) se révélera bien plus difficile et plus long en temps que le marathon de Lyon (42km pour un dénivelé nul) pour les raisons évoquées précédemment auxquelles il faut rajouter l’autosuffisance alimentaire : 3 ravitaillements sur le trail, 8 sur le marathon.
Pour les trailers aguerris, le passage du trail de montagne au trail urbain n’est pas simple non plus. La nature du terrain et celle des difficultés changent. L’accroche n’est plus au programme, la foulée doit devenir efficace sur sol dur, et la répartition du dénivelé global est très différente. Si les trails nature présentent des profils forts variés, il est fréquent de rencontrer de longues montées et d’interminables descentes.
Parfois, le profil montagneux implique des contraintes hypoxiques et thermiques passés les 2000m d’altitude. En ville, les montées et descentes excèdent rarement les 50m de dénivelé, l’altitude est donc basse et constante, la température invariable durant l’épreuve. S’il est facile de trouver son rythme (équilibre respiratoire et musculaire) dans une longue montée, il est plus délicat de gérer une répétition de petites côtes assassines, qui plus est dans les escaliers.
Gestion et préparation
Une fois la course analysée : distance, dénivelé global, répartition des bosses et ravitaillements, il faut trouver les bonnes réponses. Commençons par évaluer le temps de course. En trail, on a l’habitude de dire que 100m de D+ = 1km de temps d’effort supplémentaire. Dans notre exemple, le Lyon Urban Trail passe virtuellement de 36 à 51 km. A 12 km/h à plat, ce qui est déjà excellent, le temps de course augmente de 1h15. A 10 km/h, vitesse moyenne tout à fait honorable, il faudra prévoir 1h30 de course supplémentaire par rapport à la même course à plat.
C’est ce temps de course global qu’il faut prendre en compte pour estimer l’intensité de son effort. Cette intensité est très subjective et constitue un facteur de performance incontournable. Statistiquement, un 10 km se court à 90% de son intensité maximale, un semi à 85% et un marathon à 80%, pour des athlètes entraînés. En ultra trail, ces pourcentages descendent sous les 70%, et se situent fréquemment entre 50 et 60%.
Pour un trail urbain d’une quarantaine de kilomètres, atteindre les 80% serait une belle performance. Comment évaluez ce pourcentage ? Tout simplement en calculant sa fréquence cardiaque de réserve. Pour un athlète battant au repos à 60 et en maximal à 180 pulsations, la FC réserve est de 120. A 80%, cet athlète atteint les 120 x 80% + 60 = 156 battements par minute, barrière à ne pas dépasser. En trail urbain, beaucoup de néophytes flirtent avec leur fréquence cardiaque maximale à l’issue de la première rampe d’escaliers, la suite devenant un long chemin de croix.
Avant de parler de préparation aux montées d’escaliers, voyons pourquoi c’est si difficile de les grimper. Si nous devions emprunter une route goudronnée montant parallèlement aux escaliers, le pourcentage serait hallucinant. Les marches permettent de conserver un appui à plat et le buste perpendiculaire à la marche. Mais à chaque marche, il faut hisser et déplacer son centre de gravité, ce qui demande une production de force importante puisque le déplacement vertical est au moins aussi important que le déplacement horizontal.
Le déploiement de force au niveau des membres inférieurs, principalement les quadriceps, fait intervenir les fibres dites rapides, qui ont le désavantage de se fatiguer plus vite. C’est pour cela qu’une première montée d’escaliers avalée 2 par 2 en force/vitesse peut rapidement brûler les cuisses et contraindre à la marche dans la montée suivante.
Premier conseil : le pacing ou gestion régulière de l’intensité de l’effort. On garde l’œil sur son cardio, on laisse les autres s’emballer dans les premières rampes et on recherche la bonne stratégie. Si l’on est assez entraîné, on peut faire comme ces coureurs de montagne qui grimpent tranquillement marche par marche, avec 2 avantages : on conserve de l’énergie élastique gratuite que l’on réinvestit dans la foulée suivante, et on produit moins de force.
Jusqu’à la dernière montée, ces fins stratèges sont capables de courir là où les autres marchent depuis longtemps, s’accrochant désespérément à la rampe pour ne pas reculer. Si l’on est moins entraîné, on peut choisir la marche rapide en s’aidant de la rampe au besoin pour soulager le travail des membres inférieurs. Finalement, c’est le cardio qui décide car chez les experts, les fréquences cardiaques en côte ne dérivent pas. Le coureur qui gère est capable de relancer immédiatement au sommet pour retrouver son rythme à plat, alors que celui qui a présumé de ces forces éprouve beaucoup de difficultés ventilatoires et musculaires.
Bref, vous l’avez compris, plus que dans toute autre épreuve, la gestion est essentielle sur les trails urbains et conditionne la performance de chacun.
Deuxième conseil : la préparation ; Un trail urbain demande une préparation générale et spécifique. Pour s’en rendre compte, rien ne vaut la pédagogie par l’exemple. Allez repérer le parcours et enchaînez les premières difficultés pour prendre la mesure de ce qui vous attend. Ensuite, préparez-vous quelques mois avant l’épreuve, en général comme en spécifique, avec 3 types de séances facilement réalisables : séances de renforcement musculaire à la maison ou en salle, séances d’endurance musculaire qui mêle course et renforcement, séances spécifiques dans les escaliers. Bien entendu, ces séances doivent s’intégrer dans la préparation globale à base de course et de disciplines croisées (VTT, vélo, ski de fond, ski alpinisme… selon vos possibilités).
Séances de renforcement
Dans les escaliers, l’angle de l’articulation du genou avoisine les 90° au moment de la poussée. C’est cet angle qu’il faut reproduire à l’aide de squats par exemple ou d’autres exercices sollicitant à la fois les membres inférieurs et supérieurs. La panoplie d’exercices est large, en voici 5 qui développeront une force utile et rapidement transposable : les squats simples avec descente à 90° et remontée pour une vitesse d’exécution de 10 squats pour 15s ; les squats jump avec descente et remontée avec extension (travail explosif à l’extension et excentrique à la réception) ; les fentes alternées ; les mountain climbers qui demandent moins de force mais plus de vitesse et d’angle de flexion de la hanche ; et enfin les burpees qui mêlent pompes et squat jump, ce dernier exercice étant musculairement et cardiaquement très sollicitant.
Comme pour l’entraînement en course, la musculation doit respecter les principes de progressivité et d’alternance des sollicitations. Il ne faut donc pas enchaîner des exercices sollicitant uniquement les cuisses mais alterner avec un travail de la sangle abdominale et des membres supérieurs. Le volume global de chaque exercice se divise en séries qui se subdivisent elles-mêmes en nombre de répétitions.
Voici un exemple de circuit pour débutant avec exercices dits au Poids Du Corps (= sans charge) : 15 squats classique, 30s de gainage abdominal, 10 squats jump, 30s de gainage lombaire, 10 fentes, 10 crunches (enroulement vertébral pour travailler les abdominaux), 15 mountains climbers, 5 burpees. Pour augmenter les charges, on peut augmenter le nombre de répétitions de chaque exercice et/ou répéter ce circuit.
Si l’on est progressif, les bienfaits de ce type de travail sont évidents en moins de 3 semaines. On ne récupère pas entre les exercices mais entre les séries. Pour les plus expérimentés, on peut réaliser squats et fentes avec charges afin d’augmenter le travail de la force et la force maximale du sujet. Toutefois, sur un trail urbain, c’est la capacité à réitérer une production sous-maximale de force qui fait la différence. Cette qualité est l’endurance de force, et le parallèle est aisé avec le VO2max et la fraction de VO2max (endurance).
Séances d’endurance musculaire
Ces séances mêlent de la course à intensité choisie avec des exercices de renforcement. Pour se familiariser avec ce travail, on peut débuter ainsi : 15mn de footing en endurance fondamentale + 20 squats + 10mn footing + 20 fentes + … jusqu’à 1 heure de travail. Ainsi, on mime le déroulement d’une course de trail : de la course à plat, puis de fortes sollicitations musculaires en côte. Une fois que le corps et la tête sont rompus à ces exercices, on peut travailler à haute intensité. Essayez-vous sur 10 fois 400m, récupération 20 squats entre chaque 400m. Le premier se court à 100% de VMA, la vitesse des autres dépendra de votre endurance musculaire.
Les athlètes entraînés sont capables de rester à 90% de VMA, tout en récupérant cardiaquement pendant les squats. Pour ce type de séance, le temps de chaque 400m est à prendre en compte mais aussi le temps global de la séance puisqu’il n’y a pas de récupération. Les meilleurs sur une séance classique de VMA ne seront pas forcément les meilleurs sur une séance d’endurance musculaire à laquelle la capacité à performer en trail est bien corrélée. Pourquoi ? parce que force et vitesse ne sont plus opposées mais complémentaires, parce qu’un muscle fort est un muscle plus endurant dans le sens où il peut produire une intensité d’effort moindre à chaque poussée. La principale limite à cette pratique de renforcement est l’hypertrophie, la prise de masse musculaire. C’est pourquoi il est préférable de travailler sans charge.
Séances d’escaliers
Enfin, si les séances précédentes sont essentielles, les séances d’escaliers sont incontournables car elles préparent au geste spécifique. Là encore, le travail peut et doit être varié. Commencez par une sortie facile agrémentée de belles rampes à gravir marche par marche en courant (toujours ainsi au début) ou 2 par 2 en marchant et en tirant sur une éventuelle rampe.
Une fois par semaine ou tous les 10 jours, prévoyez une séance de vitesse en escaliers que vous pouvez découper ainsi : 20 minutes d’échauffement progressif complété de 2 montées d’escaliers de 40 marches, 1 x 1 facile ; puis réaliser 3 séries de 1 montée en fréquence rapide marche par marche, 1 montée en vitesse 2 x 2, et une montée en puissance 3 x 3. La récupération se fait sur la descente au trot. Le footing de retour au calme dépassera les 10 mn pour mieux récupérer. Ce travail vous fera gagner en puissance et en économie gestuelle, et il se révélera fort utile pour les autres compétitions, en montée mais aussi à plat.
Pour progresser, on conserve la même intensité et on augmente le nombre de marches ou le nombre de répétitions. Enfin, pensez aussi à travailler votre technique de descente ; Marche par marche ou deux par deux ? Cela va dépendre de la taille des marches mais aussi de votre habileté technique et de votre niveau de fatigue musculaire. Marche par marche, on réduit les impacts et on récupère mieux, mais on va plus vite deux par deux !
Pour bien profiter des trails urbains, prendre du plaisir et maîtriser le parcours, il faut se préparer avant et gérer pendant. 2 mois de préparation spécifique sont nécessaires et une reconnaissance du tracé et de ses pièges est un atout majeur. En respectant ces conditions, place à la griserie et la magie de la course hors sentiers battus.
Cet article est paru dans les pages conseils du numéro 241 de VO2 Run.
Texte : Pascal Balducci.
Photo de une : Léa Hugon.