Le Vélo – L’allié du coureur à pied ?
Le vélo a connu un boom pendant le confinement, dans l’Hexagone. Certains coureurs à pied, qu’ils soient pistards, routards ou traileurs, étaient déjà familiers du vélo. Mais quels sont donc les atouts du vélo pour le coureur à pied ? Comment l’utiliser ? Quels sont les écueils à éviter ? Tour d’horizon en dix points.
Par Quentin Guillon
1) Etude posturale
Avant de vous lancer à fond dans la pratique du deux roues, il convient de réaliser une étude posturale dans un magasin spécialisé. L’objectif ? Trouver les réglages idoines pour que vous et votre machine ne fassiez qu’un. Reculer la selle d’un ou deux millimètres, évaluer l’angle d’appui sur les pédales ou la largeur de votre guidon, modifier la hauteur de votre selle sont autant de détails qui vous permettront d’éviter bien des désagréments : de petites douleurs qui apparaissent au bout de quelques sorties, à la blessure pure et simple (tendinites, etc…) car votre vélo n’est pas adapté à votre morphologie. Ce n’est pas donné – il faut compter une centaine d’euros a minima – mais cet investissement sera largement rentabilisé dans le temps.
2) Le vélo après une blessure
Pléthore de coureurs à pied ont découvert le cyclisme en reprise après une blessure, dans l’idée d’accélérer la réathlétisation et/ou de conserver un niveau de forme intéressant. C’est notamment le cas d’Alexis Miellet, demi-finaliste aux championnats du Monde en septembre dernier sur 1 500 mètres. « Je me suis fait une tendinite à l’insertion de l’ischio avant le confinement. J’ai coupé un mois. Dans le même temps, j’ai acheté un vélo de course et un home trainer, que j’ai utilisés tous les jours pendant le confinement. Cela m’a permis de conserver la caisse, et de ne pas perdre tout le travail effectué cet hiver. » Qui dit nouveau sport dit découvertes de nouveaux muscles… « Je chargeais très vite au niveau des quadris durant les premières « sorties », d’autant que c’est accentué sur le home trainer » glisse le triple champion de France de 1 500 m. « Tu as l’impression que tes cuisses ont triplé de volume, après un effort à vélo. Du point de vue cardiaque, tu n’as en revanche pas l’impression d’être vidé comme quand tu cours » prolonge Florian Carvalho, vice-champion d’Europe du 1 500 m en 2012. Il avait contracté un syndrome de l’essuie-glace à l’automne 2014. Pendant plusieurs semaines, il a couru deux fois par semaine, roulé cinq fois (plus deux entraînements en natation). Avec l’acquis de ses années d’entraînement, il a terminé 4e des championnats d’Europe de cross, en décembre 2014.
3) Eviter les chocs au sol
Il y a le vélo après la blessure. Il y a le vélo avant la blessure. Antoine Guillon a intégré le deux-roues dans son entraînement depuis plus de quinze ans. Le multiple médaillé à la Diagonale des Fous (dont une victoire) explique : « Il n’est pas rare que des gênes apparaissent, ou des zones d’échauffement après avoir couru beaucoup d’heures sur les chemins. Le vélo permet de faire sauter une ou deux séances, de drainer et d’éviter les chocs ». Il avait débuté le vélo dans le cadre de sa préparation pour des trails, à l’aube des années 2000. « J’avais constaté que ceux qui étaient performants en trail faisaient deux sports : du ski ou du vélo en plus de la course à pied. Comme j’habite dans une région où il n’y a pas de neige, je me suis mis au vélo, environ deux fois deux heures dans la semaine la première année ». Alexis Miellet relance : « On peut davantage enchaîner qu’en course à pied. C’est plus facile de récupérer musculairement. J’ai constaté que je récupérais beaucoup plus vite des séances ».
4) Renforcement musculaire
Les routes qu’emprunte Antoine Guillon à vélo sont vallonnées. « Le travail musculaire est intéressant. Je pédale en restant assis sur la selle, la chaîne postérieure et les ischios-jambiers sont bien développés. Le fait de travailler en force, avec du braquet, développe le grand couturier (aussi appelé sartorius), un muscle qui est situé sur le vaste interne. En course à pied, ce muscle sert de frein dans les descentes. Le vélo permet donc de se renforcer musculairement et de limiter les traumatismes articulaires ». Lui privilégie le VTT par rapport au vélo de route. « Je ne cherche pas la vitesse, j’aime le confort du VTT. Il est plus souple, plus lourd aussi. Je sens moins les chocs de la route. Je suis plus proche de l’effort de course à pied à VTT qu’avec un vélo de route ».
Jawad Abdelmoula a, lui, débuté la natation à 6 ans. Puis la course à pied à 13, 14 ans. Depuis quelques années, il s’est lancé sur triathlon. « J’ai « bouffé » du vélo pour devenir triathlète. Cela m’a apporté une très grande résistance musculaire pour la course à pied » explique t-il. En fin d’année dernière, il a couru en 28’38’’ sur 10 km (en Next%) et est passé tout près de se qualifier pour les championnats d’Europe de cross (sans Next%, donc).
5) Trouver le bon dosage
« Je m’entraîne deux fois par jour. Je fais une séance de vélo le matin, et la course à pied l’après-midi, avec une pré-fatigue. C’est moins traumatisant et cela se rapproche de l’effort que je vais avoir l’habitude de rencontrer (en compétition) » expose Antoine Guillon. Sur les 1 000 heures d’entraînement qu’il réalise par an, environ 35% sont consacrées au vélo, toutes effectuées à basse intensité (soit 330 heures, à moins de 85% de la FC Max), hormis une grosse séance de répétitions de bosses avant un gros objectif. L’un des écueils est de pousser le curseur un peu trop loin. « J’ai fait un peu plus de vélo, il y a deux ans. Environ 40% du temps d’entraînement. Je m’étais dit que ça pourrait me permettre de gagner en foncier, en endurance, pour être plus performant en fin d’ultra ». Le résultat ne fut pas celui escompté. « J’ai fait moins d’heures de trail, notamment moins de sorties longues car on ne peut pas tout faire : il y a des limites physiologiques à ne pas dépasser. Du coup, j’ai manqué de qualité de fibres musculaires en course, sur deux épreuves avec du bon dénivelé. J’avais dû réduire le rythme en fin de course. Je suis revenu au dosage précédent et c’est revenu à la normale ».
Ce curseur, c’est à chaque athlète de le trouver. Souvent, l’erreur fait partie du processus de recherche et d’apprentissage. « Si j’habitais en montagne, je n’aurais peut-être pas eu ce problème. j’aurais pu entretenir les bonnes fibres musculaires sur une séance avec une bonne montée et une bonne descente (1 000 m, 1 500 m de dénivelé),» prolonge Antoine Guillon.
Jawad Abelmoula, sur une autre discipline, a une approche différente. « Je fais tous les types de séances qu’un triathlète fait sur vélo » explique l’athlète de 26 ans. Il roule environ 300 km par semaine (60% de son entraînement), nage (pour environ 20%) et court (20%), soit environ 45 km par semaine (deux fois plus qu’il y a encore un an et demi). Pompier professionnel, il ne peut pas courir 100km par semaine à l’instar d’autres duathlètes ou triathlètes, en plus de ses entraînements en vélo et en natation. La blessure ou le sur-entraînement guetteraient…Il privilégie le volume à vélo, « moins traumatisant ». A la différence d’Antoine Guillon, Jawad Abelmoula travaille surtout « en vélocité. Je connais des triathlètes et duathlètes dont la foulée est impactée par la pratique du vélo. Ils courent davantage assis, sont moins aériens. De mon côté, je ne ressens pas d’impact négatif. Au contraire, je sens que ma foulée est plus efficace au sol. C’est une plus-value ».
6) Cardio vasculaire
Antoine Guillon décèle un avantage qui a trait à l’aspect cardiovasculaire. « La position sur le vélo comprime la cage thoracique. Dans cet effort-là, la respiration et la circulation sanguine sont un peu plus comprimées. En course à pied, la position est ouverte, bien redressé, je pense qu’il y a une facilité au niveau artériel et de la circulation sanguine » détaille-t-il.
7) Ludique
Les mêmes paysages, le même bitume, le même lac, les mêmes chemins. Courir tous les jours, voire deux fois par jour, peut devenir lassant. Le vélo permet de contrer cette possible lassitude. Prendre de la hauteur, prendre de la vitesse, expérimenter d’autres sensations, vivre une autre façon d’explorer le territoire. « Casser la monotonie » résume Antoine Guillon, 50 ans. « Je ne suis pas adepte de faire des sorties de cinq ou six heures en trail » poursuit-il. « Ça me barbe, sauf si je suis avec un copain. Le vélo me permet de faire des heures supplémentaires en me fatiguant un peu moins. Je vais me donner comme objectif de faire une grande boucle, ou un col, par exemple. Les longues sorties en trail, ce sont les compétitions ».
8) Vélo intérieur
L’un des inconvénients du vélo, c’est le mauvais temps. « J’ai de la chance, je vis dans le Sud de la France » sourit Antoine Guillon. Et quand il pleut des hallebardes, deux opportunités s’offrent aux coureurs-cyclistes : braver le mauvais temps, ou bien rouler en intérieur, sur home trainer.
Une pratique qui peut s’avérer longue sans un bon film mais que les récentes applications ont rendu bien plus ludiques. « Je me suis fait mes propres entraînements » explique Alexis Miellet. « Effectivement, je pensais que ça serait long. Mais en fait, pas du tout. Je rejoignais sur l’application Zwift des potes triathlètes, on allait « rouler ensemble » en visio. J’avais même hâte d’aller rouler ! »
Jawad Abdelmoula a augmenté sa pratique du home trainer en raison du confinement. Il en expose les apports : « J’en faisais rarement, jusque-là. J’ai trouvé cela très efficace. Avec le capteur de puissance, faire des séances devient très précis. C’est beaucoup moins dangereux que sur la route, où le risque d’accident est accentué quand on est « sec » et donc moins lucide, où il faut faire attention aux voitures, aux ronds points, aux feux rouges, etc… Le fait de se confronter aux autres sur des courses virtuelles sur Zwift m’a permis de me dépasser. J’ai passé un cap, mes pulsations n’ont jamais aussi été élevées sur home trainer (il est monté à 188). Après le confinement, j’ai senti à l’extérieur que j’étais capable de maintenir un effort intense plus longtemps ».
9) Anticiper la fringale
La dépense d’énergie en vélo peut fortement varier de celle en course à pied, selon le dénivelé, les conditions météo, l’état de la route, si vous roulez seul ou en groupe etc… Selon le temps de sortie prévu, prévoyez suffisamment de ravitaillements solide et liquide, sans oublier de glisser de la monnaie ou votre carte bleue dans la poche. Les défaillances peuvent vite arriver – a fortiori en montagne !
En indoor, la pratique du home trainer nécessite une attention particulière à l’hydratation (qui va influer sur la récupération et les entraînements des jours suivants)…sans oublier une bonne serpillère pour éponger les litres de sueur déversés. Jawad Abdelmoula a lui investi dans un ventilateur pour éviter la surchauffe.
10) En reprise après un objectif
Le corps peut être meurtri après un marathon ou un (ultra) trail. Qui n’a pas expérimenté ces fameuses marches d’escaliers, qu’il faut descendre en marche arrière, car les quadriceps sont marqués à vif ? Les traces peuvent être aussi plus profondes. « Après un ultra trail, je fais trois quatre jours de repos avant de reprendre le sport grâce au vélo. Quand je reprends la course à pied, une dizaine de jours après l’ultra, j’ai déjà quatre ou cinq entraînements de vélo » témoigne Antoine Guillon. « Cela permet de rester dans la dynamique, sans risque de se faire une tendinite ». Grâce à sa pratique du vélo, Antoine Guillon s’aligne sur environ 8 ultras-trail par an.