Athlétisme

Rio 2016 : le grand bonheur pour Mayer et Lemaitre

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Poste Le 19 août 2016 par adminVO2

Kévin Mayer au décathlon et Christophe Lemaitre sur 200 mètres ont remporté les cinquième et sixième médailles françaises aux Jeux Olympiques à Rio, dans la nuit de jeudi à vendredi. Un moment magique, et historique, pour les deux athlètes.
Quel plus grand bonheur de réaliser le meilleur décathlon de sa vie aux Jeux Olympiques ? C’est ce que chaque athlète ambitionne et rêve de réaliser, à savoir exprimer la quintessence de ses capacités durant les heures qui comptent le plus dans une carrière de haut niveau.
Kévin Mayer a atteint cette acmé mercredi et jeudi à Rio, et ses larmes, ainsi que celles de ses coaches Bertrand Valcin et Jean-Yves Cochand, sitôt la ligne du 1 500 mètres franchie attestaient du chemin parcouru, sente particulièrement escarpée et parsemée de multiples écueils, à l’image des blessures avec lesquelles il a dû jongler.
Mayer, quatrième des championnats du Monde en 2013, fut lancé sur des bases canons dès la première épreuve et le 100 mètres, où il établit un nouveau record personnel (10’’81), le premier de ses quatre records personnels de sa double journée (et même huit records personnels améliorés lors d’un décathlon) : la première s’était achevée par un tour de piste en un incroyable 48’’28, et une troisième place provisoire au général.
Sixième performance mondiale de tous les temps
Jeudi, il lança la seconde en claquant 14’’02 sur 110 m haies (à un centième de son record personnel absolu), envoya son disque à 46,78 m, avant d’ébaubir les observateurs en réalisant 5,40 mètres à la perche, ce qui permit alors au champion du Monde 2009 de l’octathlon et au champion du Monde junior 2010 et d’Europe junior 2011 du décathlon de monter virtuellement sur la deuxième marche du podium, dépassant le Canadien Damian Warner.
Il consolida cette position au javelot (65,04 m), avant de tout lâcher sur le 1 500 mètres, tentant même son va-tout pour décrocher l’or : pour cela, il lui fallait reléguer le recordman du Monde et tenant du titre Ashton Eaton à 6,5 secondes !

Kévin Mayer et Ashton Eaton se congratulent
Kévin Mayer et Ashton Eaton se congratulent
Jamais l’Américain ne fut cependant sur le point de céder, Eaton dépassant finalement le Français dans le dernier tour. Mais qu’importe, avec un ultime 15 bouclé en 4’25’’49, Kévin Mayer a explosé son record personnel (8 521 aux championnats d’Europe à Zurich en 2014 où il avait pris l’argent, déjà) et le record de France de Christian Plaziat, qu’on lui promettait depuis pléthore de mois (8 574 points en 1990), avec un total de 8 834 unités – à seulement 59 points d’Ashton Eaton.
Un total herculéen qui représente aussi et surtout la 6e meilleure performance mondiale de tous les temps pour le Français de 24 ans, alors qu’il faut remonter à… 1948 pour trouver trace de la dernière médaille glanée par un Tricolore aux Jeux Olympiques (Ignace Heinrich en 1948) !
Lemaitre, l’ascension hors catégorie
Quel plus grand bonheur d’exprimer tout son potentiel…et quel plus grand bonheur de le recouvrer. C’est en substance ce qu’à dû se dire Christophe Lemaitre à l’issue des demi-finales du 200 mètres mercredi soir, en claquant 20’’01, le troisième chrono de sa carrière après son record de France synonyme de médaille de bronze mondial en 2011 à Daegu (19’’80) et ses 19’’91 en juillet 2012 (le 14, avant les Jeux de Londres).
C’était il y a respectivement cinq et quatre ans, lorsqu’il était le maître de France, d’Europe et un des tauliers du Monde. Quand, à 21-22 ans, l’insouciance le portait, les sponsors le quémandaient et les organisateurs sortaient le (gros) chéquier, à une époque où il était présenté comme le premier homme blanc sous les 10’’ sur la ligne droite. Puis il ne fut presque plus et cette attente soudaine s’est dissipée dans un long nuage de sensations perdues. Le champion au sommet acclamé, puis (presque) aussitôt raillé et vilipendé…
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Son coach de toujours Pierre Carraz clamait ces dernières semaines qu’il était aussi fort qu’en 2011 alors que sa préparation avait pourtant été contrariée par une blessure début juillet l’ayant privé de quelques séances clés.
Mais il y a quelques jours, ses deux tours sur 100 mètres pour se mettre dans le bain carioca, avec un 10’’07 en demies, le rassurèrent sur son état de forme : car on sait bien que seule la compétition valide même les entraînements les plus probants.
En demi-finale mercredi à Rio, son poing levé lorsqu’il coupa la ligne et prit l’une des deux places directement qualificatives pour la finale disait déjà tout du chemin parcouru (1), des doutes l’ayant escorté durant de longs mois, des sempiternelles remises en question et des incitations venues de toute parts à quitter son cocon aixois.
Mais ils furent nombreux à oublier (ou à ne pas avoir conscience, c’est peut-être pire) que c’est l’athlète qui est seul maître de son projet, et que l’environnement dans lequel il évolue fait partie intégrante de la performance…ou de la non-performance. Voilà pourquoi Lemaître avait décidé de rester en Savoie, en « sa voie » pour retrouver la sienne, alors qu’il avait très fortement songé à rallier de temps à autre le sud et Boulouris, quand d’aucuns lui conseillaient de rejoindre le soi-disant saint des saints et l’INSEP à Paris.
Mercredi : 4e chrono des demies donc, avec de surcroît Justin Gatlin et Yohan Blake évincés, la perspective d’un podium olympique (re)prenait quatre ans après de la consistance.
Un cri en forme de libération
Et la nuit dernière, l’Aixois a répondu présent, giclant bien des blocks, devant la comète Usain Bolt (il était placé au couloir 7, Bolt au 6) – le Jamaïcain qui a glané au passage son 6e titre olympique en individuel. Complètement dans le match à la sortie du virage, le triple champion d’Europe 2010 lança l’ultime accélération dont il a le secret dans la ligne droite. Au terme d’un final au couteau, il se jeta presque littéralement sur la ligne (c’est la mode en ce moment en athlé) pour le bronze, à la lutte avec le Britannique Adam Gemili et l’Hollandais Churandy Martina.
Il fallut attendre d’interminables secondes, une éternité où le cœur cogne très fort dans l’attente du résultat. Puis la délivrance. Médaille de bronze en 20’’12 (derrière Bolt en 19’’78 et le Canadien De Grasse en 20’’02), crédité du même temps que Gemili, mais gagnant à la photofinish, et un millième devant Martina…A quoi ça tient, quand même…
Tombé à genou, puis de tout son long sur le tartan, le cri alors lâché par Lemaitre stria l’enceinte olympique et raconte à lui seul la longue et difficile ascension de ce col hors catégorie que représente ce podium olympique tant convoité…et qu’aucun sprinteur français n’avait goûté dans l’histoire des Jeux…
Le champion va de nouveau être acclamé. Mais Christophe Lemaitre connaît l’histoire, désormais. Il sait que ce (grand) moment n’appartient qu’à lui et à son entourage, et qu’il sied de le savourer pleinement…
(1) Le chemin plus important que la performance elle-même, ce n’est pas nouveau : on vous en parlait avec Jacques Gamblin.
Texte : Quentin Guillon.
Photos : Getty Images © Copyright.

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