Rencontre avec le prometteur junior Julien Wanders
Le Franco-Suisse, né à Genève et qui court sous le maillot helvète en compétition internationale, monte en puissance ces derniers temps. Il évoque sans ambages son parcours, sa progression et ses futures ambitions.
Il a fait une apparition remarquée dans les bilans de la FFA il y quelques mois. Mais qui était donc ce Julien Wanders, junior première année et 2ème de la convoitée série 2 sur le 5 000 m de Carquefou (14’06’’28), ce 20 juin 2014 ?
Sur sa fiche FFA faisant alors office de CV, un lieu de naissance, Genève en Suisse, et un club en Rhône-Alpes, l’Entente Athlétique de l’Arve. Pas grand-chose, quoi…
Julien Wanders a débuté très jeune par le foot, « comme un peu tout le monde. Mes parents trouvaient que c’était un sport pas très sain et ils voulaient m’en faire essayer un autre. J’ai essayé le plongeon et l’athlétisme. J’ai préféré l’athlé… » sourit-il. S-il touche à tout jusqu’à ses 14, 15 ans, il se rend bien compte de ses capacités en course à pied, notamment « dans les courses régionales ».
Le coureur licencié au Stade Genève progresse pas à pas, revêt pour la première fois le maillot helvète lors d’un match jeunes hors-stade à Crémone en Italie en septembre 2013 (4e du 10 km juniors en 31’42’’ ; il était cadet) puis prend part aux Europe de cross quelque mois plus tard à Belgrade (54e chez les juniors ; encore cadet également).
Puis dispute quelques courses en France – « il y a plus de densité au très haut niveau, c’est ça qui est intéressant et c’est pour ça que j’adore faire les cross en France » -, et notamment ses premiers France de cross en 2014 (4e chez les juniors et 3e Français).
« Je suis Suisse, j’ai toujours vécu là-bas mais j’ai aussi la nationalité française grâce à ma mère. J’ai toujours couru en Suisse, ça fait seulement deux ans que je fais les cross en France, et au début, ça ne m’était pas venu à l’esprit de courir pour la France. Maintenant, j’ai des propositions avec la France, qui a peut-être un peu plus à m’offrir. Mais je me sens plus suisse, j’ai toujours vécu en Suisse et hormis peut-être pour un aspect financier ou autre, je ne vois pas pourquoi je changerai » explique t-il (1).
« Survolté » aux Mondiaux de cross
Au Stade Genève, Julien Wanders s’entraîne sous la férule de Marco Jaeger, ancien très bon coureur de 800 (1’47’’38), dans un groupe « d’une trentaine ou quarantaine d’athlètes. Il y a notamment un bon groupe d’Elite, avec quelques coureurs performants qui valent 1’51’’ sur 800 et 3’45’’ sur 1 500. C’est une bonne dynamique de groupe » souligne celui qui pourrait partager quelques entraînements avec le marathonien d’origine érythréenne, et Suisse depuis mai 2014, Tadesse Abraham (2).
Aux Mureaux le 1er mars, après une 16e place aux Europe de cross en décembre dernier, Julien Wanders a réalisé une démonstration, « mon plus beau cross cet hiver ». Puis, fin mars, il a disputé ses premiers Mondiaux de cross à Guyiang en Chine. « Ce n’était pas encore le top du top, je n’ai pas fait une super course, et c’était un peu tard dans la saison ».
36e et 3e Européen, il y a pire, quand même… « Oui, c’est une belle perf, mais tactiquement, j’ai fait un peu comme aux championnats de France de 10 000 m. Je suis parti pour la gagne et j’ai suivi le groupe de tête pendant deux km. Puis j’ai explosé » raconte t-il.
Justement, quelles sont les sensations de frayer aux avant-postes avec les coureurs d’Afrique de l’Est ? « J’étais survolté. On se sent bien, on se dit qu’il faut aller les chercher mais je me suis rendu compte que je n’avais pas encore le même niveau. On le paye ensuite cher sur le reste de la course ».
« Il faut toujours penser qu’on peut gagner »
Aux France de 10 000 m fin avril (« j’aime bien les longues distances, je pense que je vais me spécialiser sur 5 000 – 10 000 »), Julien Wanders a aussi tenté sa chance, en prenant la foulée du futur champion de France Riad Guerfi et d’Hassan Chahdi (qui a ensuite abandonné), avant de craquer sur la fin (12e en 30’10’’35).
« J’ai suivi la tête car je voulais essayer de gagner, comme sur tous les championnats. Même si je ne me sentais pas super en forme ces derniers temps, j’ai quand même voulu tenter. Je l’ai payé très cher sur la deuxième partie de course ».
Bien que junior, pensait-il vraiment pouvoir s’imposer face à des spécialistes patentés – même si la discipline n’affiche pas un niveau démentiel dans l’Hexagone ? « Je savais que Chahdi n’était pas très en forme, et je ne connaissais pas trop les autres coureurs. Je me suis dit d’y aller. Après, il faut toujours penser qu’on peut gagner, sinon ça ne marche pas ».
Il dit cela sans forfanterie aucune. Julien Wanders découvre, trace son sillon, et sait où il veut aller. « L’an passé, j’ai eu ma maturité, enfin mon Bac, c’est comme ça que l’on dit en Suisse » reprend-il. « Cette année, je ne fais pas d’études et je me consacre au sport. Pareil normalement pour l’année prochaine. Oui, mon but serait de devenir professionnel et de ne faire que ça. Je sais que c’est compliqué. Mais si on veut vraiment « performer » dans ce que l’on fait, il faut se donner les moyens à 100 %. C’est comme ça que je vois les choses. A très court terme, il y a les championnats d’Europe juniors, puis évidemment, je vise les grands championnats seniors. Mon entraîneur voit aussi à long terme. Il faut surtout être régulier, progresser petit à petit et on verra ce qu’il se présente » expose t-il posément.
Sortie de 30 bornes au Kenya
Une voix calme qui tranche avec sa prise de risque, son audace et son impétuosité en course, des qualités qui semblent dessiner un trait de caractère. Ainsi de son premier stage au Kenya en janvier-février. « Ça faisait un petit moment que j’avais envie d’y aller. Je suis resté 10 jours à l’hôtel pour m’acclimater et éviter d’accumuler trop de fatigue, puis j’ai déménagé chez un coureur local. Un ami qui s’y était déjà rendu m’avait mis en contact avec lui. C’était une personne de confiance et je vivais chez lui. J’ai vraiment vécu à la kényane. J’ai vu comment ils vivaient. C’était bien ».
Après avoir à peu près respecté le plan d’entraînement de son coach (« j’avais le droit de m’adapter »), Julien Wanders s’est pris au jeu, réalisant une sortie de 30 bornes. « On se laisse vite emporter là-bas » sourit-il. « Sur le moment, ça allait. Mais j’ai eu un gros coup de fatigue pendant deux semaines en rentrant à Genève. Je suis revenu une semaine avant les régionaux de cross, j’ai quand même réussi à courir, même si au niveau de l’entraînement, j’étais au plus bas. Mais la forme est heureusement vite remontée ».
Bien qu’il porte les couleurs helvètes, les amateurs de demi-fond français pourront apprécier la foulée de Julien Wanders à Carquefou en juin prochain, où il pourrait de nouveau s’aligner sur 5 000 m (3). Et, dans tous les cas, il y aura les championnats d’Europe de cross à Toulon à l’automne prochain…
(1) La règle 5.4 de règless de compétition de l’IAAF stipule qu’un athlète ayant une double citoyenneté et ayant déjà couru sous les couleurs d’une Fédération membre de l’IAAF ne peut pas représenter la Fédération d’un autre pays dont où il est citoyen pendant une période de trois ans à compter de la date à laquelle il a représenté pour la dernière fois la première Fédération choisie (cette période de trois ans peut-être réduite à un an si les Fédérations membres concernés y consentent).
(2) 9e des Europe de Zurich, Tadesse Abraham a remporté a claqué 1h00’42’’ (record personnel) au semi de Barcelone en février où il s’est imposé (puis 10e du marathon de Séoul le mois suivant, en 2h11’37’’ ; il a également remporté à trois reprises le relevé Grand Prix de Berne disputé sur 10 miles -2005, 2014 et 2015). Son record sur marathon : 2h07’45’’ en 2013 à Zurich (vainqueur).
(3) Julien Wanders court ce week-end les Interclubs sur 3 000 m, avant un 5 000 m le week-end suivant à Oordegem en Belgique. En sus de 1 500 m, il disputera un deuxième 5 000 en préparation des Europe juniors (Eskilstuna en Suède du 16 au 19 juillet), soit à Carquefou, soit en Espagne.