Ophélie Claude-Boxberger, si près, si loin de Pékin
Ophélie Claude-Boxberger aurait pu disputer les séries du 3 000 m steeple ce lundi matin à Pékin. Mais elle a effectué les minima deux jours trop tard…
Ophélie Claude-Boxberger l’avait annoncé lors des championnats de France Elite, après son titre sur 3 000 m steeple : elle avait les minima pour les championnats du Monde dans les jambes. Si elle n’avait pas pu rentrer au meeting de Monaco le 17 juillet, elle avait coché le meeting de Ninove, le 1er août, sur son calendrier. Alors que la FFA arrêtait sa sélection le 29 juillet – la Fédération internationale (IAAF) a de son côté entériné les derniers engagements le 10 août.
A Ninove, Ophélie Claude-Boxberger réalise donc 9’35’’56, nouveau record personnel. Les sentiments de la championne de France indoor du 1 5000 m l’an passé sont alors ambivalents. « J’étais quand même contente, mais il y avait de la déception ». Son cas met en exergue la difficulté de trouver des courses denses, afin de réaliser les minima. Il faut dans un premier temps glaner un dossard ; puis « claquer » le jour J, sans parfois avoir eu l’occasion au préalable de se familiariser avec le rythme de course que requiert le haut niveau.
D’aucuns diront que c’est ce qui fait la marque des grands. Mais ce n’est pas aussi simple que çà, a fortiori en demi-fond où il faut gérer les états de forme, où la course peut être impactée par les conditions climatiques etc…
Ghani Yalouz : « Il y a un temps, il y a un délai »
Si le circuit national des meetings offre quelques opportunités, pléthore d’athlètes français sont obligés de se rendre en Belgique pour trouver des courses dignes de ce nom, un phénomène particulièrement prégnant en demi-fond – que l’on songe par exemple au 5 000 mètres, où excepté Carquefou, il n’y pas (plus) de courses de niveau nationale/internationale, avec des athlètes en moins de 14’, et moins de 16’ chez les femmes.
Deuxièmement, cela questionne sur la politique fédérale. « Normalement, on arrête à Monaco » entame le DTN Ghani Yalouz. « Comme c’est l’année des Jeux, on a rallongé un petit peu. Imaginer les conséquences que ça peut avoir pour les autres athlètes si j’en repêche un –je l’ai fait déjà fait une fois à Barcelone (en 2010) et j’en ai pris plein la « gueule ». Je n’ai pas envie de revivre çà. Et par rapport aux athlètes, il y a une forme d’honnêteté intellectuelle, d’équité. Il y a un temps, il y a un délai. Le jour des Jeux, il faudra être prêt le jour J. Pas deux jours après ou deux jours avant, ça ne sert à rien. Il y a une forme d’apprentissage de se dire : tous ceux qui devaient faire le niveau de performance l’ont fait, et bien avant les France ».
Ok, pourtant, dans un passé récent, des exceptions ont été faites, à l’instar de Ben Bassaw, sélectionné sur le 200 m aux Europe à Zurich l’été dernier après la date limite de réalisation des minima (précisons qu’il avait au préalable été sélectionné avec le relais 4×100 m).
Surtout, la sélection d’Ophélie Claude-Boxberger aurait permis d’entretenir l’élan actuel du demi-fond féminin, portée par les performances des espoirs (l’argent et le bronze pour Maéva Danois et Emma Oudiou sur le steeple) ou encore par le titre continental de Christelle Daunay l’an passé sur le marathon.
« Ça montre surtout que le choix du 3 000 m steeple est le bon »
« Tous les stages, on nous dit que le demi-fond féminin est trop faible en France. Je trouve que c’est dommage : il y a Maeva Danois, Emma Oudiou sur le steeple, des filles en France qui sont quand même pas mal classées au niveau européen. C’est peut-être le moyen de donner un nouveau souffle. Je me bats depuis de nombreuses années à trouver la bonne distance . Je ne lâche jamais. A chaque fois, je me prends des claques, je reviens encore plus forte » poursuit la sociétaire de Montbéliard Athlétisme, dont 4 000 internautes ont signé la pétition de soutien sur le site Change.org (pétition qu’elle précise n’avoir pas lancé).
« Et je trouve dommage qu’ils (la Fédération) n’utilisent pas ça en se disant que ça va donner l’exemple. J’ai eu des centaines de messages de gens inconnus, de filles qui auraient rêver voir une demi-fondeuse française à la télé, sur le long. Il y a Rénelle Lamote sur 800, mais sur 1 500, steeple, 5 000 –Clémence (Calvin) était aux Europe l’année dernière- il n’y a jamais personne aux Monde ».
« Si je le fais, c’est un passe droit. L’année des Jeux, ils (le CNOSF) ne font pas de cadeaux. Sinon, j’ai trente athlètes qui arrivent derrière, en me disant : il les minima IAAF (plus faciles que ceux de la FFA), etc… Je veux de la sérénité. Si tu fais passer çà, tu as tout ce bien vivre ensemble et cette forme d’honnêteté avec les athlètes qui ne passera pas » répond, agacé, Ghani Yalouz.
Toujours est-il qu’après avoir coupé deux semaines et demie, Ophélie Claude-Boxberger a repris l’entraînement en fin de semaine dernière. L’athlète coachée par Laurent Fleury a inscrit la saison estivale 2016 en lettres capitales, avec les championnats d’Europe d’Amsterdam et les Jeux de Rio dans le viseur. Sur steeple, toujours. « Il y a la satisfaction car le travail paie. Ça montre surtout que le choix du 3 000 m steeple est le bon. Si je dois retenir quelque chose, c’est çà ».
Il y aura au passage par une incursion dans les labours, et notamment le cross de sélection pour les championnats d’Europe de cross, qui se disputeront en France à Toulon-Hyères.
Photo : Jean-Marc Mouchet.