Mekhissi, Kowal, presque comme à Zurich
Mahiedine Mekhissi, deux ans après sa disqualification pour avoir retiré son maillot, a fait très forte impression pour glaner le titre continental sur le steeple à Amsterdam, Yoann Kowal prenant la troisième place, alors que la journée a été marquée par…le zéro de Renaud Lavillenie !
Autant les Europe avaient souri aux Bleus il y a deux ans à Zurich, autant l’édition 2016 part sur des bases inverses ! Une hécatombe de blessés, Jimmy Vicaut qui déjoue, Kévin Ménaldo (médaillé de bronze en 2014), qui fait un zéro à la perche…Mais la tendance devait s’inverser au cours de la soirée, de ce vendredi, avec Floria Gueï sur 400 m, Renaud Lavillenie à la perche, Mahiedine Mekhissi et Yoann Kowal sur le steeple. Sauf que, si Gueï décrocha l’argent sur le tour de piste, Lavillenie y alla aussi de son zéro quelques secondes plus tard ! Vivement dimanche soir et que l’athlé laisse la place au foot, à ce rythme !
Cependant, en toute fin de programme, Mahiedine Mekhissi a apporté un peu de baume au cœur à la délégation tricolore en s’offrant l’or, devant le Turc Aras Kaya et Yoann Kowal.
L’incroyable zéro de Lavillenie
Il y avait de l’embouteillage pour la finale de la perche – remarquez, avec quinze concurrents sur la ligne de départ, ce n’était pas si étonnant. Si bien qu’on se serait cru dans les rues d’Amsterdam, à slalomer entre les innombrables vélos – on ferait bien de s’en inspirer en France, et pas seulement parce qu’on est en plein Tour de France.
Renaud Lavillenie n’a de son côté pas eu besoin de slalomer. Simplement de patienter (longtemps). 1h40, précisément, avant d’entamer son concours à 5,75 m, alors qu’aucun sauteur n’était parvenu à passer 5,60 m !
Mais la chute n’en fut que plus brutale. Dans des conditions vraiment pas idéales (température fraîche et fort vent instable, mais dans ce cas, pourquoi avoir commencé son concours à cette hauteur !? Il réfuta cela en soulignant qu’au regard des conditions de vent dantesques, cela n’aurait rien changé), le champion olympique échouait lors de ses deux premières tentatives. Il s’élança pour son ultime essai, avant de se raviser juste avant d’entamer le piqué. Dérapage contrôlé, mais le ravin est tout proche.
Et le double champion d’Europe va le heurter de plein fouet, en faisant tomber la barre de (vraiment) pas grand-chose. Décidemment, il ne fait pas bon être Français et être grand favori. On serait Rénelle Lamote, on se méfierait avant la finale demain ! C’est en revanche passé pour Floria Gueï, qui a décroché son premier podium international (l’argent) –alors que Mélina Robert-Michon s’est classée 5e au disque- et donc pour les steepleurs tricolores.
Mekhissi impressionne
Forcément, on pensait avant cette finale du steeple à 2014, lorsque Mahiedine Mekhissi, vainqueur aisé, s’était fait disqualifié après avoir enlevé son maillot, le titre revenant à Yoann Kowal. Mais la donne était cette fois-ci différente puisque le double médaillé olympique revient cette saison d’une longue blessure. C’est ainsi qu’il a atteri à Amsterdam avec le troisième chrono européen de l’année, Yoann Kowal, qui n’arrivait pas non plus en pleine confiance après une blessure au mollet l’ayant empêché de disputer les France, étant en tête des bilans avec 8’17’’93.
C’est le Turc Aras Kaya qui prit les devants. 2’56’’99 puis 5’’44’’ (soit 2’48’’) avant que Mekhissi ne place une foudroyante accélération à la cloche, avant d’en remettre une couche aux 200 mètres pour boucler son steeple en 8’25’’63 (et donc un dernier mille en 2’39’’). « Je suis fier du chemin accompli, car ça n’a pas été facile cette année. Le passé, c’est le passé, je ne peux pas le changer. Je vis dans le présent et il ne fallait pas refaire les mêmes erreurs » souligne celui qui se projette désormais sur les Jeux Olympiques.
Le Périgourdin Yoann Kowal a de son côté glané le bronze (8’30’’79, contre 8’29’’91 pour Kaya). « J’ai préféré assurer la dernière barrière car j’étais usé. Il ne fallait pas risquer de tomber… C’est facile d’annoncer vouloir faire un podium mais c’est plus difficile de le faire. Cela montre que je commence à me faire un nom dans la hiérarchie ».
Bosse sans souci
Pierre-Ambroise Bosse n’a pas eu à forcer pour se qualifier sans problème pour la finale du 800 mètres dimanche. Le Néerlandais Thijmen Kupers est parti comme une balle dans le but de réaliser les minima pour les Jeux –ce qu’il n’a pas réussi. En contrôle, Pierre-Ambroise Bosse a pris la deuxième des trois places directement qualificatives, derrières le tenant du titre Adam Kszczot (1’46’’32 contre 1’46’’45). La gastro qui contrarié ses dix derniers jours d’entraînement semble véritablement derrière lui, mais la réponse finale sera donnée dimanche en finale.
« J’ai eu mon ticket pour la finale. Après, on verra si c’est un ticket en or, un en d’argent ou en bronze, ou rien du tout comme il y a deux ans ! » sourit celui qui était arrivé à Zurich avec une énorme pancarte de favori, un statut et une pression afférente qu’il n’avait pas réussi à maîtriser.
Un 10 000 mètres sans saveur
Sinon, on a vu un morne 10 000 mètres. Pour les thuriféraires du demi-fond et du fond, il y a de quoi être dépité. Si l’épreuve avait été particulièrement dense mercredi chez les femmes – on gardera une certaine réserve, ou une réserve certaine, plutôt, face aux 31’12’’86 claqués par la Turque Yasemin Can, chrono synonyme de titre continental et de record d’Europe U23, car elle est entraînée par le Roumain Carol Santa, ce dernier étant en relation avec un certain docteur Mabuse, comme Le Monde l’a révélé (lire ici). On repassera donc pour la crédibilité de la nouvelle championne d’Europe…
Sept femmes (en incluant Can) ont couru en 31’37’’ et moins, ce qui témoigne d’une consistance manifeste. Au contraire des hommes, donc. Comment l’expliquer ? Mo Farah était absent (il se réserve pour les Jeux, où il se murmure qu’il pourrait faire mieux que ses 2’19’’ sur le dernier 1 000 de son 5 000 à Pékin…). Bon, ça, c’est plutôt une bonne nouvelle !
Il y avait quand même les Turques d’origine kényane Polat Kemboi Arikan et Ali Kaya (champion d’Europe de cross cet hiver), qui ont dynamité la course dès le début pour faire un et deux. Et quand on sait que Kaya est entraîné par Carol Santa (cf l’article du Monde), ça fait rêver…
Le stade a tremblé pour Schippers
Comment l’expliquer, donc. Un, le 10 000 mètres est phagocyté par les coureurs d’Afrique de l’Est –à l’aune des scandales actuels, on ne parvient plus trop à déceler ce qui est dû à leurs formidables capacités et à leurs volontés à tous crins, ou bien à l’insigne faculté de se procurer des produits dopants, et/ou d’être aidé à cette fin par certains managers (Federico Rosa est ainsi dans la tourmente).
Le 10 000 souffre d’un manque évident de reconnaissance en Europe –nous avions analyse la chose au niveau français ici.
Il faut aussi dire que le calendrier ne favorise pas la discipline, pour deux raisons : année olympique oblige, le marathon a été remplacé par un semi ; du coup, certains athlètes ont pu privilégier la seconde distance. Deuxièmement, la coupe d’Europe…du 10 000 m a lieu le 6 juin dernier à Mersin en Turquie. Pourquoi, en année de championnats d’Europe, ne pas privilégier ces derniers et supprimer la coupe d’Europe, afin qu’une seule et grosse course ait lieu?
A ceux qui rétorqueraient qu’il n’y a déjà pas beaucoup de 10 000 m dans une saison, il faut noter que s’enquiller 25 tours sur piste par plus de trente degrés comme ce fut le cas à Mersin en juin n’est pas forcément propice à claquer un chrono, a fortiori lorsque l’audience de la coupe d’Europe est de plus en plus confidentielle.
Sinon, les 17 000 spectateurs du stade olympique, rempli jusqu’à la gueule, ont hurlé leur joie pour le doublé de Churandy Martina, déjà vainqueur la veille du 100 mètres (il fut ensuite disqualifié pour avoir empiété sur la ligne intérieure), avant de faire trembler les tribunes pour le titre sur la ligne droite de leur idole Dafne Schippers, tout en muscle et en force (la championne du Monde du 200 m ne dispute ici que le 100 mètres).