Martin Casse : "chaque course comme si c'était la dernière"
ENTRETIEN DE LA SEMAINE avec Martin Casse, 25 ans et en pleine progression sur 1 500 mètres.
Le Casse de l’année, Martin ?! Jeu de mot excepté, on n’attendait pas forcément Martin Casse à pareil niveau, lors du meeting de Décines le week-end dernier, où il a établi un nouveau record personnel, 2e en 3’40’’36 (ancienne marque : 3’41’’76 en 2014). Jeu de mot excepté, car sa progression n’a pourtant rien d’un « casse ».
Janvier 2011, celui qui est alors licencié à Blagnac (aujourd’hui au Ca Balma) s’envole pour les Etats-Unis, pour trois ans et demi. « J’ai fait un Bachelor Business en marketing. Je voulais avoir un diplôme américain. J’étais dans une fac de Division I, l’ University of Texas–Pan American. J’étais nourri, logé, tout était payé, j’avais mon appartement sur le campus, les installations étaient supers, avec la piste, la training room, la salle de muscu. Les Américains mettent tout en place pour qu’on puisse continuer sport et études. Ce n’est pas comme en France, à moins d’être à l’INSEP peut-être ».
A l’instar des nombreus(e)s Français(e)s attirés par l’expérience outre-Atlantique, Martin Casse a dû s’accoutumer à la méthode US, basée sur le « mileage », soit des bornes, des bornes et des bornes, même pour les milers. « Il y a bien eu un an et demi d’adaptation avant de refaire mes perfs puis de progresser ».
Sa carrière aurait-elle pris un tour différent s’il était resté en France ? Peut-être, mais là n’était pas l’essentiel. « C’est possible car à Toulouse, j’avais un très bon environnement, propice à perfer, avec ma famille, mes copains, mon coach Sébastien Gamel – je sais qu’il peut m’amener vraiment loin. Mais je suis un peu aventurier, je ne suis pas parti dans l’optique de devenir pro et de faire les JO. C’était une expérience sur tous les plans ».
Pour son retour définitif dans l’Hexagone lors de la saison estivale 2014, il claque 3’41’’76 avant d’intégrer en septembre l’école de commerce de Lyon (un Master européen en management), et s’entraîne en solo ou presque (quelques séances avec le groupe de Tassin, proche de l’école), jusqu’en mars. « Je fais quand même champion de France en salle universitaire sur 15, j’avais fait 3’49’’. C’était compliqué de concilier l’athlé et des cours assez intenses. Après les inters de cross, ça n’a pas loupé, je me suis fait une cheville ».
Puis le 7e des France Elite 2014 à Reims met le frein six mois durant pour son stage de césure de six mois à Amsterdam, au siège européen de Nike. « C’était génial. J’étais business analyst pour la catégorie training. Je faisais pas mal d’analyses de performance, de ventes, j’étais impliqué dans la stratégie de la marque au niveau de l’Europe de l’Ouest. J’ai arrêté de courir en mars-avril, puis je me remis petit à faire des footings et quelques fartleks avant les Interclubs. En août-septembre, j’ai eu envie de reprendre à courir ».
« “Tu n’y crois pas mais tu vas aller à Amsterdam pour courir“ »
Bis repetita cet hiver à Munich entre octobre 2015 et février 2016 pour sa deuxième année de Master –c’est un double diplôme entre l’EM Lyon et l’EM Munich. « Encore un challenge. Priorité aux cours, on ne sait pas ce qui va se passer. Je n’ai pas trouvé de groupe. Je me suis entraîné tout seul, en moyenne 5-6 fois par semaine, en restant un peu en contact avec Sébastien. Mais je commence à me connaître. Je sais qu’il faut que je développe mon aérobie : un fartlek court, un long, une séance de seuil, une séance de côte et à côté de ça des footings assez dynamiques, ça passe pour l’hiver ».
Il se sent bien, ce qui se confirme sur les quelques séances partagées avec Djilali Bedrani lors qu’il revient trois semaines en décembre, tente le coup à son retour définitif de Munich mi-février, court en 3’45’’ puis termine au pied du podium aux France Elite à Aubière (6e de la course). « Je tiens ma place au bilan. Devant, rien à dire : Saddedine, Dahmani et Selmouni était plus forts, et mieux préparés aussi ».
Le printemps lui a permis d’enquiller les séances spécifiques inhérentes au 15. Dans la foulée de son nouveau record, a t-il les minima pour les championnats d’Europe d’Amsterdam, fixés à 3’37’’50, dans le viseur ? « Ça fait longtemps que je dis que je veux aller à Amsterdam, car j’adore la ville, je veux aller voir les potes, Djilali (Bedrani, qui a réalisé hier les minima sur le steeple), Yohan Durand. Sébastien me dit : “tu n’y crois pas mais tu vas y aller pour courir“. J’ai toujours des réserves car 3’37’’50, il faut aller les chercher….Au vu de la course et des sensations que j’ai eu le week-end dernier, je sais que je peux aller chercher 3’38’’-3’39’’. Sur un malentendu, 3’37’’50… » relève celui qui cherche actuellement un stage professionnel de fin d’études (qui doit débuter au plus tôt début juillet), tout en préparant son mémoire, qu’il doit rendre en août.
« J’avoue que je n’ai pas beaucoup bossé dessus. Pendant deux mois et demi, il fallait que je me fasse un peu de sous, je suis rentré à Toulouse, j’ai bossé en 25 heures à Irun, jusqu’à la semaine dernière. La recherche de stages avec pas mal d’entretiens, ça prend du temps. Plus l’athlé…Depuis les Etats-Unis, je sais que c’est un équilibre et que ce n’est pas utile de doubler tout le temps si on ne peut pas récupérer. J’aime bien avoir un jour de repos la semaine, et je m’entraîne en moyenne 7-8 fois ».
« Je ne veux pas négliger ma carrière professionnelle pour l’athlé »
Son regard va toutefois peut-être évoluer. « Je me suis toujours dit que ça serait compliqué de vivre de l’athlé. Ça m’a déjà payé mon séjour aux Etats-Unis, cela m’a aussi aidé à rentrer dans une très bonne école de commerce pour mon Master. Là, pour l’EM Lyon, j’ai dû faire un crédit assez important et il va falloir le rembourser l’année prochaine…Je ne me vois pas ne pas bosser l’année prochaine. Je ne veux pas négliger ma carrière professionnelle pour l’athlé…mais je commence à me demander ce dont je serais capable si je faisais une année complète en athlé. J’ai peut-être une maturité physique un peu tardive, et les deux-trois prochaines années sont peut-être les meilleures à venir. Je me pose des questions » évalue t-il.
Pour résoudre le dilemme, Martin Casse a pris le parti de ne pas se projeter : d’abord courir, penser ensuite aux conséquences. « Je prends chaque course comme si c’était la dernière, cette saison comme si c’était la dernière. Et puis on verra après ». Après le meeting de Carquefou demain, son programme est encore flou.
Car difficile de forcer le verrou des meetings du Pro Athlé Tour, à commencer par celui de Montreuil (mardi prochain) par exemple. Si en plus les coureurs en 3’40’’ et moins, qui mènent double projet et tapent à la porte de l’équipe de France ne trouvent pas les bonnes courses (c’est aussi valable pour d’autres disciplines)…
Sur sa lancée, Martin pourrait bien cependant casser le verrou…
Texte : Quentin Guillon.