Les Bleus pas loin, des perfs supersoniques
Les trois Français en lice en finale sur le 110 m haies ne sont pas montés sur le podium. Parmi les autres (très grosses) performances de cette 7e journée des Mondiaux de Pékin, Dafne Schippers a ébaubi la planète athlé, établissant un nouveau record d’Europe sur 200 m. Faisant resurgir, inévitablement, la question du dopage.
Le duel entre Justin Gatlin et Usain Bolt avait été épicé par les soupçons de dopage (lire ici). Il en fut de même quand à la stratosphérique performance de Dafne Schippers, qui a établi un nouveau record d’Europe sur le 200 mètres, en 21’’63 (ancienne marque : Marita Koch : 21’’71 à une belle époque). Trois centièmes devant la Jamaïcaine Elaine Thompson (21’’66).
Surtout, Schippers, 23 ans et double championne d’Europe du 100 et du 200 m à Zurich, également 2e du 100 m à Pékin, est devenue la troisième sprinteuse de la tous les temps sur la distance, dans la foulée de deux Américaines à la notoire insoupçonabilité : Florence Griffith-Joyner (21’’34) et Marion Jones (21’’62).
La Néerlandaise, à l’acné prononcée, a balayé ces questions sans convaincre. « Je suis très contente de mon record d’Europe. Voilà ce que je peux dire ». Puis, après une seconde question, celle qui fut médaillée de bronze à l’heptathlon à Moscou en 2013 répondit : « Je suis très heureuse de mon chrono. Je suis propre et je travaille dur. Et je subis beaucoup de contrôles ».
Son coach Bart Bennema fut plus prolixe. « Ce n’est pas sympa mais on ne peut pas changer çà. C’est compréhensible mais à un moment il y en a assez. Chaque athlète s’entraîne dur. Ils font ce qu’ils doivent faire. Ils sont contrôlés tous les jours, les gens savent en permanence où ils sont (pour la localisation), ils doivent uriner devant le contrôleur… ».
Bennema a ensuite évoqué la performance de son athlète. « C’est ma première médaille en tant que coach aux Mondiaux. C’est incroyable. Je pensais qu’elle allait courir autour de 21’’8. Je ne m’attendais pas à çà. J’espère que c’est le début d’une grande carrière ».
Après les 18,21 mètres de Christian Taylor la veille au triple saut –à huit centimètres du record du Monde de Jonathan Edwards-, les énormes perfs tombent lors de ces championnats du Monde. Et le recordman du Monde du décathlon Ashton Eaton s’y est lui aussi mis : 45’’00 sur le tour de piste, nonobstant quatre épreuves dans les cannes ! Ah ouais, quand même ! « Le hard training », sans doute.
https://youtu.be/wCyyKOAh1M8
45’’00, soit une seconde de mieux que la meilleure performance réalisée dans un 400 m aux Mondiaux (Eaton lui-même à Moscou en 2013 : 46’’02) et lors d’un décathlon (45’’68 par Bill Toomey en 1968 à Mexico). Une seconde de mieux par rapport à 2013, un vrai gouffre, comme la marge abyssale qui l’a séparé de ses adversaires sur ce désormais fameux tour de piste…
Il manquait juste les pompes à l’arrivée, comme l’a fait Makwala en demi-finale du 400 m…avant d’aller gentiment tout recracher dans une poubelle !
http://dai.ly/x32yaep
Sinon, le Russe Sergey Shubenkov a fait montre de ses capacités à se transcender lors des grands championnats : après son double titre européen, le voilà champion du Monde, en 12’’98, record national amélioré. Il a décroché la première médaille d’or de l’équipe russe (12e au tableau des médailles), décapitée par les multiples affaires de dopage et de corruption ayant été mises au jour ces derniers mois.
L’affable russe y a répondu sans problème. « Jusqu’alors, j’ai essayé de ne pas me déconcentrer avec ces scandales et tout le reste. Car j’étais sûr de venir avec mon coach à Pékin (ce qui ne fut pas le cas de bon nombre d’athlètes, ndlr). Nous avions un objectif. Nous avons travaillé pour çà. J’ai essayé de me concentrer sur mon objectif. Je ne me suis pas soucié de ces choses là. Mais bien sûr, ces mauvaises nouvelles me déçoivent ».
Trois Français figuraient parmi les huit finalistes de ce 110 m haies : le recordman de France Pascal Martinot-Lagarde (12’’95 l’an passé), Garfield Darien (double médaillé d’argent aux Europe, en 2010 et 2012) et Dimitri Bascou. Une première historique –seuls les Américains, à six reprises, avaient réussi une telle prouesse dans le passé- dans la lignée du triplé des Europe indoor cet hiver sur 60 m (Martinot-Lagarde devant Bascou et Belocian, le prodige de vingt ans a déclaré forfait à Pékin sur blessure).
Mais les Bleus, qui disputaient tous les trois leur première finale planétaire, ne sont pas parvenus à se hisser sur le podium et à décrocher une troisième médaille. Il faut dire que c’est la deuxième finale mondial la plus rapide de l’histoire pour accrocher le podium.
Garfield Darien, d’abord, ne fut pas à 100 % de ses moyens. « Sur le dernier départ à l’échauffement en demi-finale, mon bassin s’est bloqué. Cela a provoqué une petite contracture à l’adducteur ». Voilà pourquoi il parut un brin emprunté en demies. « Avec les deux ans que j’ai vécus (blessures, virus du chikungunya, ndlr), je n’ai pas de regrets de faire 8e des championnats du Monde (en 13’’34). Avant, je les regardais à la télé ou j’étais en vacances ». Dimitri Bascou fut lui à son niveau : 5e en 13’’17, à un centième de son record battu en demies.
« Je pensais que je pouvais faire un peu mieux au niveau du chrono. Il m’a manqué un peu de relâchement. C’est une expérience qui reste très positive et il fallait marquer les esprits pour les Jeux».
Le bucheron PML
Un an après l’imbroglio zurichois (lire ici), Pascal Martinot-Lagarde, 4e en 13’’17 a de son côté tout tenté. « J’étais bien parti, contrairement à la demi-finale. J’ai pris tous les risques. J’ai fait le bucheron et j’ai cassé de la barrière. Je n’ai absolument aucune frustration. Je crois que la clé pour moi est la bestialité. Aller chercher l’animal qui est en moi. C’est comme çà que j’ai gagné toutes mes Diamond League » a expliqué celui qui a connu une saison sinusoïdale après ses 13’06’’ de Eugene fin mai.
« L’an dernier, j’étais un monstre. A chaque fois que je courais, il y avait moins de 13’10’’. Mais je suis un peu en deçà cette année et le podium est l’un des plus rapides de l’histoire. Le bronze, il faut aller le chercher à 13’’04 ».
Sur 1 500 mètres, Morhad Amdouni n’a pas passé le cut des demi-finales. Comme la veille en séries, il a intelligemment couru, mais a une manqué de jus dans la dernière ligne droite pour prendre l’une des sept premières places qualificatives. Au forceps à deux cent mètres de l’arrivée, il n’est pas parvenu à conserver sa bonne position, avalé par le peloton.
Morhad Amdouni sorti sur 1 500 m :
Mais qui aurait parié il a six mois que Morhad Amdouni aurait pris part aux Mondiaux de Pékin ? « Il me manquait que les 200 derniers mètres » regrettait-il très déçu.
Le Néo-Zélandais Nicholas Willis a fait très forte impression. Dans la première série, partie sur des bases éminemment lentes (2’08’’ aux 800 m), et naviguant en queue de peloton, celui qui fit partie des six milers sous les 3’30’’ à Monaco (3’29’’66) a décroché sa qualification en courant seulement la dernière ligne droite, comme à la parade. Sitôt la ligne franchie, en deuxième position derrière Kiprop, il poursuivit son effort pour monter illico les marches de la zone mixte et aller se mettre au frais.
Willis a bouclé son dernier 300 m en 37’’70, une seconde plus vite qu’Asbel Kiprop (38’’78’’ et vainqueur en 3’43’’48), ce qui s’explique parce que le premier figurait à l’arrière (ce qui au passage, à 300 m de l’arrivée, témoigne d’une très grande confiance) alors que le second était aux avant-postes, en contrôle.
La promenade de Willis :
Avec Silas Kiplagat et Mattew Centrowitz (3e et 4e de cette demi-finale) et Taoufik Makhloufi (deuxième de la seconde demie, qui s’est courue beaucoup plus vite, en 3’35’’00), la lutte promet d’être explosive (finale dimanche à 19h55 ; 13h55 en France).
La deuxième demi-finale :
Le double champion du Monde sortant Kiprop n’exclut en tout cas personne pour la victoire finale. « Il ne faudra pas se focaliser sur une seule personne. Tout le monde sera dangereux ».
Les résultats de la journée : cliquez-ici.
Photos : © Getty Images for IAAF.