Dominique Bordet, l’atypique « cent bornard »
14e en 7h03’14’’ et premier Français des Mondiaux de 100 km le 21 novembre dernier à Doha (Qatar), Dominique Bordet, 46 ans, évoque sa course et sa pratique, qu’il doit concilier avec un travail (très) prenant.
Comment s’est déroulée la course ?
J’étais bien, en forme et je m’étais bien préparé alors que le niveau était très très relevé. J’ai eu une sensation de jambes lourdes à partir du 65e km, sensation que je ressens d’habitude beaucoup plus tard. J’ai pas mal bu, mais mes jambes se sont retrouvées tétanisées. Je n’ai pas trop compris, d’autant que j’étais parti calmement. En raison du parcours ? Oui et non, car certains ont réussi. Ça peut jouer mais pas à ce point là. Il y avait en revanche un gros pourcentage d’humidité, ce qui a dû jouer sur l’organisme.
Sinon, l’organisation était très très bien. Cela m’a épaté.
Le fait de ne pas avoir disputé de 100 km depuis plus d’un an et demi (Belvès le 27 avril 2013 : 7h05’17’’) a-t-il eu une incidence ?
Je n’ai eu aucun problème de ce côté. J’ai un travail difficile, je m’entraîne peu. Par rapport à des coureurs qui sont à 200 – 220 bornes par semaine, je suis à 80 km. J’ai également repris l’entraînement tard, au mois d’avril car j’ai eu une aponévrose plantaire. J’ai coupé 6-7 mois. Je suis reparti de zéro. Oui la reprise a été très difficile. Mais j’ai été invité à un raid en course en pied en Egypte et ça m’a un peu relancé. J’ai eu deux infiltrations au niveau du talon entre trois semaines, une avant le raid, une autre après et depuis ça va.
« C’est quelque part un peu une corvée avec le travail »
Quel travail faîtes-vous ?
Je suis responsable logistique dans un abattoir en Belgique. Le gros problème, c’est que je travaille 10-12 heures par jour, voire plus. Je me lève à quatre heures pour être au boulot à cinq. Et je rentre vers 17 heures. Se préparer pour un 100 bornes est donc difficile. J’essaie de faire au minimum deux entraînements dans la semaine, plus deux séances longues le week-end.
Comme je fais beaucoup d’heures de travail, j’ai pu prendre une semaine de congés pour me préparer ainsi qu’une autre pour me rendre au stage (à Andrézieux dans la Loire pour la préparation terminale avec l’équipe de France, ndlr). Je me suis entraîné à peu près correctement pendant 15 jours, ce qui m’a permis de faire du long et de revenir à un bon niveau.
Mais globalement, c’est pour moi assez compliqué de faire une préparation pour un 100 km. J’ai très peu de temps et c’est quelque part un peu une corvée avec le travail. Normalement je devrais tirer du plaisir de la course à pied, mais là je n’en tire pas beaucoup.
Qu’est ce qui vous a motivé à faire du 100 km ?
Je préparais l’UTMB en 2011 et j’avais couru les 100 km de Bèlves. J’avais mis 7h27’ (son record : 6h53’21’’ lorsqu’il avait terminé 9e des Mondiaux en 2012). Car pour faire 170 km, il faut être capable de faire un 100 km (il se fait ses propres plans d’entraînement, ndlr). C’était qualificatif pour les Mondiaux de Winschoten. Je n’étais pas là pour ça. C’était juste une expérience. Je suis parti tranquillement et en fin de compte, j’ai rattrapé plein de coureurs pour finir deuxième de la course. On m’avait demandé si l’équipe de France m’intéressait. Au début, j’avais dit non. Mais j’ai réfléchi et j’ai dit oui le lendemain. C’est parti de là (en septembre 2011, il avait ainsi terminé 10e des Mondiaux -5e Européen- en 7h04’37’’, glanant le bronze par équipes, et le titre par équipes au niveau européen, ndlr). Du coup je n’avais pas fait l’UTMB. Ça fait deux fois que je m’inscris pour l’UTMB et deux fois que je ne le fais (il s’était blessé la seconde fois, ndlr).
« J’ai fait une course et j’ai mordu »
Le trail, ça vous tente encore ?
Ça me plairait de faire tout ça, mais ce n’est pas possible de tout faire à la fois. Il faut être sérieux quand on prépare une course. Il ne faut pas tout mélanger, surtout sur des longues distances où l’on n’a pas le droit à l’erreur.
N’y a-t-il pas un peu de frustration liée au fait que vous ne puissiez pas vous entraîner comme vous le souhaitez ?
Oui, bien sûr. C’est vrai que je pourrais être meilleur, d’autant que j’ai commencé très tard à courir. Après, c’est comme ça. C’est la vie. Ça reste du sport et je prends quand même du plaisir, comme sur les raids que je fais à l’étranger (Egypte, Pérou). Comme je fais énormément d’heure au travail, je les rattrape pour prendre quelques semaines de congés.
Qu’est ce qui vous a motivé à vous mettre à la course à pied ?
J’ai commencé à 32 ans après avoir fait du football. J’ai gagné la première course que j’ai couru, un 14 km. Et j’ai mordu. Rencontrer des gens, faire des marathons à l’étranger, dans plusieurs capitales, c’est aussi intéressant.