Rio 2016 : Usain Bolt, la triple couronne sur 100 m…
Usain Bolt a glané son troisième titre consécutif olympique sur la ligne droite cette nuit, ce qui n’avait jamais été fait dans l’histoire olympique, alors que le Sud-Africain Wayde Van Niekerk a affolé les chronos sur 400 mètres : titre olympique et nouveau record du Monde !
Il y a quand même une étrange dichotomie entre le climat de suspicion générale régnant actuellement sur l’athlétisme et les performances des athlètes de pointe…à moins que la pointe de la technologie ne soit utilisée dans son versant le plus sombre…
Ainsi Almaz Ayana, qui a ouvert l’athlétisme à Rio en dégommant le vieux record du Monde du 10 000 mètres féminin (on aurait d’ailleurs préféré qu’il reste au placard, celui-ici… ; lire ici).
Ainsi Wayde Niekerk, le Sud-Africain, qui bien qu’en aveugle au couloir 8 lors de la finale du 400 mètres dans la nuit de dimanche à lundi, vient d’améliorer le nouveau record du Monde de la distance, rabotant la marque de Michael Johnson de quinze centièmes (43’’05 contre 43’’18).
Un Michael Johnson qui possédait un double record du Monde stratosphérique (avec ses 19’’32 sur 200 m), chronos que l’on pensait inatteignables, mais non…
Car sa marque sur le demi-tour de piste avait déjà été dépoussiérée par Usain Bolt en 2009 aux Mondiaux de Berlin (19’’19) après que celui-ci ait placé quelques jours avant le 100 mètres à une hauteur vertigineuse (9’’58).
Un Usain Bolt dont la saison a été pour le moins chaotique, avec deux mois d’entraînement (janvier-février) fortement contrariés par un gros pépin physique. Mais comme l’an passé à Pékin où il était arrivé presque sur une jambe et en panne de compétition avant de se refaire miraculeusement une forme olympique (lire ici), le Jamaïcain n’a pas tremblé pour empocher un historique troisième titre olympique sur 100 mètre, en se détachant nettement à la mi-course pour couper la ligne en 9’’81 (+ 0,2), presque deux dixièmes moins vite que son chrono de Londres il y a quatre ans (9’’63).
Comme à Pékin il y a un an, il a devancé Justin Gatlin, mais le match fut moins serré et tendu à Rio (9’’89 pour Gatlin, deux centièmes devant le Canadien Andre de Grasse), même si l’Américain avait pris le meilleur départ avant une nouvelle fois de se désunir sur la fin.
Tendu, le public, l’était encore, lui : l’entrée de l’Américain sur le tartan fut saluée de quelques hordes de sifflets, accompagnée de très timides applaudissements ; c’est qu’il y a quand même un peu deux poids, deux mesures : les athlètes russes convaincus de dopage par le passé n’avaient pas le droit de prendre part aux Jeux (1), mais cette « règle » écrite nulle part ne s’appliquait pas aux autres nations !
Et donc au double contrôlé positif Justin Gatlin, qui l’an dernier à 33 ans était censé courir plus vite propre que dopé (lire ici).
Reconnaissons toutefois que cette année, l’Américain est un ton en dessous de ses monstrueux chronos de 2015, quand il culminait à 9’’75 les doigts dans le nez, avec cinq chronos en 9’’80 et moins, contre trois entre 9’’80 (son meilleur temps cette saison) et 9’’90. Tant mieux.
Bolt, lui, n’a cure de ses considérations. Et à l’instar des Mondiaux de Pékin où pas grand monde, pour ne pas dire personne, ne s’était interrogé sur son incroyable come back (un peu plus d’un mois avant Pékin, il ne pouvait pas courir !), le public ne questionnera pas ses incroyables records du Monde tout comme sa longévité exceptionnelle à ce niveau.
Un public qu’Usain Bolt électrise, en atteste son entrée sous l’ovation au moment de la présentation des athlètes, de même que les « Usain Bolt, Usain Bolt » descendus des tribunes quelques secondes avant le départ.
Le Jamaïcain est parti vers un retentissant « triple triple » : triplé à Pékin en 2008 (100, 200 et 4×100 m), triplé à Londres en 2012, et donc triplé en 2016 ? L’athlétisme, c’est lui, et les records du Monde d’Ayana et de Van Niekerk (attendons peut-être sagement quelques « retests » dans les mois ou années futures…) passent au second plan devant la force de frappe et le charisme de la figure de proue du premier sport olympique, qui aura bien du mal à lui trouver un suppléant en haut de l’affiche quand il se retirera des tartans.
Et au fait, qui se plaint, et clame en ce moment haut et fort la destitution de sa médaille glanée avec le 4×100 mètres en 2008 suite au contrôle positif, a posteriori, de son coéquipier Nesta Carter ?
Ah, la complexité des sentiments et émotions l’être humain, pas forcément dupe de ce qui se passe (enfin pas pour tout), mais qui reste tout de même scotché devant sa télévision, ou ébaubi dans les tribunes…
(1) C’est finalement passé pour la nageuse Efimova, qui a gagné devant le TAS, mais pas pour la très courageuse mais néanmoins cocue de l’histoire, la spécialiste du 800 mètres Youlia Stepanova, qui sans elle et son mari, rappelons-le quand même, on ne saurait rien des méthodes hallucinantes et dignes d’un mauvais polar entreprises par la Russie pour doper ses athlètes –et masquer de telles pratiques.
Côté français, si Christophe Lemaitre a logiquement été éliminé en demi-finale, Jimmy Vicaut a pris la 7e place de la finale (10’’04) après avoir réussi 9’’95 lors du tour précédent. Floria Gueï n’a pas passé le cut des demi-finales sur 400 mètres, alors que Christelle Daunay fut contrainte de stopper son marathon au 30e kilomètre, en raison de douleurs à l’ischio apparues durant l’épreuve – la championne d’Europe a en fait compensé, son tendon d’Achille étant douloureux depuis quelques jours.
Rageant et frustrant, quand on sait l’investissement déployé par Christelle Daunay pour revenir au plus haut niveau, après son forfait de dernière minute (fracture de fatigue à Londres en 2012).
Texte : Q.G.
Photo : Getty Images © Copyright..