Yohan Durand, de Berlin aux Europe de cross
Après son abandon lors du marathon de Berlin fin septembre, Yohan Durand a rebondi dans les champs de cross. Il dispute ses deuxièmes championnats de cross (chez les seniors (1)) ce dimanche 13 décembre à Hyères.
Le millésime 2015 Yohan Durand s’annonçait savoureux, dans la foulée de prometteurs et perfectibles débuts sur marathon à Paris en avril (2h14’00’’). Mais il fut finalement teinté d’un aigre goût en bouche l’automne venu.
L’athlète coaché par Pierre Messaoud visait les minima olympiques à Berlin (2) et a plié bagage au 34e kilomètre. Comme tout échec, les tentatives explications se sont mêlés dans un inextricable enchevêtrement (peut-être une partie de la préparation en altitude effectuée à Font Romeu, la gestion mentale, son rendement en course : sa foulée s’est-elle véritablement adaptée au macadam ? Quid de son incursion sur Marvejols-Mende ? etc…).
Et à cela s’est s’ajouté l’inhérente déception, où l’on ressasse inlassablement sa course…sans que rien ne puisse changer. « La course était là. Il y avait vraiment un bon groupe » soulignait-il début novembre.
La frustration l’a chevillé au corps. « Ce qui me chagrine le plus, c’est le regret d’avoir abandonné alors que je pense que j’aurais malgré tout réalisé un chrono très intéressant » poursuivait-il. Son cerveau était programmé en mode minima olympique. Il ne pensait qu’à çà. Peut-être trop.
« Je pense que je me suis mis trop la pression. J’ai vraiment couru par rapport aux minima et non pour faire le meilleur temps possible. Est-ce que je me suis mis trop la pression car je suis parti longtemps en stage ? Tu fais les efforts pendant trois mois, tu t’isoles, tu fais tout ce qu’il faut et du coup, quand tu n’y es plus, tu n’as d’un coup plus d’objectifs » réfléchissait-il.
Et quand, passé le 30e km, il a compris que les 2h11’ s’étaient volatilisés, la réponse au stimulus fut immédiate.
« Je n’avais qu’un plan en tête »
« Je n’avais qu’un plan en tête. Mon cerveau a dit : “ça ne sert plus à rien de continuer, tu n’es pas qualifié, tu as fait de la merde“ » corrobore t-il. « C’est un truc à travailler car sur marathon, ce n’est pas une sensation linéaire. C’est un effort qui dure plus de deux heures : on a des coups de moins bien, on a des passages d’euphorie. Comme entre le 25e et le 30e km : on est passés avec quinze secondes d’avance et je voyais que j’étais vraiment bien. Puis le fait de lâcher le groupe a été une difficulté. Je n’ai pas réussi mentalement à gérer ces moments de temps forts et de temps faibles. A Paris, j’avais été tellement linéaire tout le long tout seul que je courais à ma main, sur mon tempo ».
Comme une équipe de rugby acculée sur sa ligne et qui doit défendre coûte que coûte avant de repartir à l’attaque…Les regrets qui ont escorté son abandon devraient lui servir pour attaquer son prochain marathon en avril. Car ne dit-on pas que le marathon fait l’éloge de l’expérience et est une discipline à maturation lente, à l’instar de ces bouteilles poussiéreuses sorties de la cave mais qui ravissent le palais ?
Début octobre, il ressasse, cherche à comprendre, oublie les quelques critiques naissantes sur les réseaux sociaux (lire l’analyse sur le marathon français ici) en se changeant les idées chez ses parents à Monbazillac (Dordogne), où il aide aux vendanges une dizaine de jours.
« Le fait de faire une autre activité et de ne pas penser à l’athlé m’a permis d’évacuer un peu la frustration de l’abandon. J’ai quand même voulu prendre trois semaines de coupure, même si je ne suis pas allé au bout du marathon et même si je n’avais plus de douleurs musculaires ni de fatigue au bout de trois-quatre jours. J’ai pris une vraie coupure car j’en avais besoin, ne serait-ce que sur le plan mental. J’en avais besoin pour régénérer ».
Les vendanges comme exutoire et comme moyen de repartir de l’avant : il en est du vin comme de la course à pied, les bases de la préparation sont primordiales.
Dans la foulée, direction le Portugal et le stage fédéral de préparation aux championnats d’Europe de cross. « Je me suis un peu surpris. Je pensais être plus à la ramasse, tenir deux trois jours sur la fraîcheur avant d’être plus en difficulté ».
Il se rassure, reprend goût à l’effort, et rebascule mentalement vers les championnats d’Europe de cross organisés pour la première fois en France. Surfe sur sa prépa marathon en remettant des séances rapides et rythmées. A Gujan-Mestras, sa foulée de pistard épouse le roulant parcours gujanais, bien que celui-ci fut émaillé de quelques obstacles à enjamber.
« Je serais content de faire dans les quinze »
A l’issue d’un sélectif très dense, il termine 4e Français et composte directement son billet pour Hyères. En franchissant la ligne d’arrivée le poing levé, symbole d’un soulagement manifeste.
« J’avais vraiment à cœur de rentrer dans les six après mon abandon à Berlin » euphémisa t-il alors. Avec Christelle Daunay, ils sont les seuls marathoniens de l’automne à être en lice à Hyères ce dimanche 13 décembre.
Depuis le cross de sélection, il est encore monté en régime, en dépit d’une intoxication alimentaire vite résorbée mais qui l’a laissé sur le flanc presque deux jours. Individuellement, il dit viser une place « dans les vingt. Et je serais content de faire dans les quinze » (alors que par équipes, les Tricolores ambitionnent le podium et le titre).
Prudent, à l’aune de la déception éprouvée lors de ses premiers Europe de cross seniors à Belgrade en 2013 (39e). Deux ans se sont depuis écoulés. A trente ans passés, Yohan Durand a encore gagné en maturité. Place maintenant à la dégustation, que ce soit en cette fin d’année ou les saisons futures…
(1) Et trois chez les jeunes, dont une 13e place chez les espoirs en 2007, quelques mois après avoir vice-champion d’Europe espoir du 1 500 m à Debrecen (et 4e sur 5 000 m).
(2) 2h11’00’’, et c’est désormais officiel depuis le début de semaine !
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