Benjamin Malaty, les minima et le plaisir
Benjamin Malaty sera au départ dimanche 25 octobre du marathon de Francfort, un peu plus d’un an après sa dernière apparition sur la distance, et une 15e place aux championnats d’Europe à Zurich (2h17’09’’). Il expose ses ambitions et raconte ses derniers mois erratiques.
Quel va être votre objectif dimanche à Francfort ?
D’abord de se faire plaisir, ça fait un petit moment que je recherche les sensations en compète. Et j’ai forcément dans un coin de la tête les minima pour les Jeux (qui devraient être fixés normalement à 2h11’’ ; ce n’est toutefois pas officiel, ndlr). Ça ne sera pas facile. Mais je pense avoir retrouvé mon niveau de 2013. J’y crois et c’est pour ça que j’y vais. J’ai loupé une chance au printemps et il faut la tenter (blessé et forfait pour le marathon de Londres, lire ici, ndlr). Quoi qu’il arrive, l’objectif est d’aller au bout et de faire un chrono. J’ai besoin d’une référence.
Ressentez-vous une certaine appréhension liée au fait de ne pas avoir couru de marathon depuis un peu plus d’un an ?
Un peu mais pas trop. J’ai besoin de me mettre un peu de pression. J’arrive parfois sur des compètes et j’ai l’impression de ne pas être totalement concerné. Même si c’est jouable de courir deux marathons en un an, on a besoin de temps en temps d’une coupure assez longue pour retrouver l’envie d’en courir un. Là, je suis impatient d’être au 30-35e. C’est là que le marathon commencera et c’est là qu’il faudra se dépouiller.
Vous avez entamé un travail de préparation mentale depuis trois semaines (avec Cyril Baqué, à Mérignac près de Bordeaux). Dans quel but ?
Je pense que j’en avais besoin. J’étais un peu fermé à çà car dans la tête, j’ai toujours plutôt bien marché en compétition. Je ne suis pas passé beaucoup à côté, mais j’étais aussi à un tournant. Je me posais des questions depuis un an et demi ; il y a eu des petites blessures, des petites gênes, puis forcément un manque d’envie. Beaucoup de personnes de mon entourage m’aident mais j’avais besoin de quelqu’un qui maîtrise le sujet. Je retrouve de plus en plus le plaisir de courir, de me dépasser, de préparer les objectifs.
« J’arrivais à me créer une bulle et à être fort mentalement »
Qu’est ce qui a changé entre aujourd’hui et 2012-2013, et vos deux premiers marathons très réussis (2h13’15’’ en 2012, dans la foulée de son titre de champion de France de cross, puis 2h12’00’’ en 2013) ?
J’ai déjà un boulot (il est chargé de mission au développement économique à la ville de Talence, près de Bordeaux, ndlr). Avant je ne pensais qu’à l’athlé. Et quand tu ne penses qu’à l’athlé, ça peut-être néfaste, mais j’arrivais à me créer une bulle et à être fort mentalement. Là, j’arrivais parfois sur une compète sans l’avoir préparée dans la tête.
Maintenant, je souhaitais bosser, je ne le regrette pas car cela m’a apporté plein de choses –dans la vie de tous les jours, au niveau compétences et de mon futur professionnel. Mais c’est vrai qu’en travaillant 25 heures, tu consacres un peu moins d’attention sur l’athlé. Les journées sont un peu plus compliquées mais j’ai trouvé cet équilibre. Et il est hors de question que je ne fasse que courir. Surtout, j’avais un peu perdu la motivation. Tu fais des courses moyennes, tu te blesses, tu loupes deux hivers (2014 et 2015) alors que c’est quand même ma période forte.
Et du coup, le doute s’est installé. Je ne m’entraînais pas forcément avec la même intensité et la même volonté. Même si j’étais très fort avant Zurich (août 2014, ndlr) -je m’étais reconcentré 4-5 mois avant. J’étais dedans. Ça été un échec, j’ai eu quelques petits soucis pendant la course (lire ici), et du coup, ça m’a remis dans le dur et çà m’a refait douter.
J’ai eu des petites blessures, j’ai toujours du mal à gérer le post-marathon sur la récup, la réathélisation (à lire également, l’article sur le marathon et les blessures, ndlr). Là, ça fait huit mois que ça va bien, et j’ai retouché au petit truc qu’il me manquait
Vous avez retrouvé la bonne forme depuis le semi-marathon de Lille (1h05’15’’) ?
J’avais du mal à faire de bonnes séances à l’entraînement, celles qui vous montre que l’on est bien, que l’on va dans le droit chemin. J’avais des gênes au niveau de l’estomac, çà a duré un peu tout l’été. J’enchaînais les bornes mais je n’arrivais pas à “pousser“ mon cardio, à me faire plaisir, à faire de belles séances. J’ai souffert toute la course à Lille. Je savais pourquoi. Depuis, j’ai fait plusieurs semaines où les sensations sont revenues, et avec moins de gênes. J’ai fait des séances qui se rapprochaient de ce que je faisais en 2013, et en 2014 quand je préparais Zurich. C’est ce qui me confirme que je suis bien.
Le fait que votre pote Yohan Durand ait abandonné à Berlin (lire ici) peut-il influer sur votre course ?
J’essaie de ne pas y penser. C’est un bon pote, il s’est investi –je me suis entraîné avec lui cet été, il était fort- c’est dur d’échouer puis de prendre deux trois claques sur les réseaux sociaux, où les gens ne se mettent pas à la place des athlètes. Même si on aime ça, on fait un sport tellement difficile. Car même si on le prépare à 100 %, tout peut arriver sur un marathon. Ce n’est pas un dix bornes. Il aurait mérité de faire les minima ou de s’en rapprocher. Mais “Yo“ va se reconstruire, je suis sûr qu’il sera de retour, c’est un grand athlète.
« Si je me fais plaisir, le chrono viendra »
Personnellement, j’essaie de ne pas y penser. Sinon, je suis “mort“ dans la tête. J’ai envie d’aller au bout quoiqu’il arrive, car j’ai besoin de retrouver un chrono. Lui, c’était son 2e marathon de l’année, ce n’est pas toujours bon d’abandonner, surtout sur marathon, mais il était dans une optique de minima, un peu tout ou rien, et je le comprends. Il y a plein de paramètres, ça peut malheureusement arriver, ça m’arrivera peut-être un jour. Mais il ne faut pas y penser. Il faut que je me focalise sur moi et mes sensations premières, et surtout me faire plaisir. Si je me fais plaisir, le chrono viendra, même si je ne fais pas les minima.
Ça fait longtemps que vous n’avez pas pris plaisir en compétition, non ?!
(Du tac au tac) Oh putain ! De bout en bout, c’est à dire dans la course et avec le résultat final, ça fait deux ans et demi, à Paris en 2013. A Zurich, pendant quinze bornes, je ne me suis peut-être jamais senti aussi bien. Mais ça n’a duré que 15 bornes, et à la fin tu oublies forcément ces sensations. Une course aboutie, ça fait deux ans et demi. C’est long. Le marathon c’est ingrat, c’est ma discipline, là où je me prépare au maximum ; je prépare dix fois mieux un marathon qu’un dix bornes. On mise tout sur une ou deux échéances. Il me tarde de retrouver du plaisir, des sensations, des chronos. Il y a les minima en jeu, mais s’ils ne sont pas là et que le chrono est convenable, je serais content car ça me permettra de travailler ensuite dans la continuité.
Ben Lkhainouch et Habarurema au départ :
Le départ du marathon de Francfort sera donné dimanche 25 octobre à 10 heures. L’Ethiopien Bazu Worku détient le meilleur chrono des engagés avec 2h05’16’’, alors que douze marathoniens sont déjà descendus sous les 2h10’. Les Allemands auront les yeux rivés sur la performance d’Arne Gabius (34 ans) qui après des débuts tonitruants sur la distance l’an passé…à Francfort (9e en 2h09’32’’), escompte améliorer le record d’Allemagne (2h08’47’’ par Jörg Peter en 1988). Gabius a amélioré son record personnel il y a deux semaines lors des 10 km de Berlin (28’07’’).
Côté français, on retrouvera également le triple champion de France 2014 El Hassane Ben Lkhainouch, titulaire d’un record de 2h11’06’’ sur la distance (Vienne 2011), ainsi que Jean-Damascène Habarurema (2h12’40’’ à Berlin en 2013). A l’instar de Benjamin Malaty, eux aussi n’ont pas épinglé un dossard sur marathon depuis les championnats d’Europe de Zurich, où ils avaient respectivement terminé 16e (2h17’54’’) et 13e (2h16’04’’).
Côté féminin, huit marathoniennes ont par le passé réalisé un chrono inférieur à 2h30’. L’Ethiopienne Jelela Yal possède la meilleure référence avec 2h22’43’’. Laurane Picoche, qui devait courir son deuxième marathon après Paris en 2014 (lire ici), n’est pas remise d’une blessure contractée début septembre (lire ici), et a dû renoncer. Elle se trouve actuellement en stage avec l’équipe de France de cross au Portugal. « Je recours mais il y a toujours une douleur après chaque séance… » souligne t-elle.
Le marathon de Francfort sera à suivre dimanche en direct sur Beinsports 3, à partir de 9h55.
Site officiel du marathon de Francfort : cliquez-ici.
Photo de une : Gilles Bertrand.