Pierre-Ambroise Bosse, de la confiance, mais…
Pierre-Ambroise Bosse, 7e à Moscou en 2013, entame ses championnats du Monde sur 800 ce samedi matin à Pékin en Chine.
Pierre-Ambroise va bien, merci pour lui ! A l’hôtel de l’équipe de France, en ce jeudi après-midi, le Gujanais distille blagues et bons mots aux journalistes. Tranquille. Pas comme l’an dernier où, fort de son record de France établi à Monaco (1’42’’53), il était arrivé avec une énorme pancarte de favori aux championnats d’Europe à Zurich, avant de s’écrouler en finale (8e), lorsqu’à dix secondes du départ, son cœur s’était emballé sous l’effet de la très forte attente.
« Cette sensation, c’est ma plus grande peur. C’est de nouveau arrivé à Ostrava (le 26 mai sur 1 000 m). J’avais fait n’importe quoi. Je suis complètement dingue à ce moment là dans ma tête. Les fils se touchent. Je pense qu’on est plus que deux (dans sa tête), c’est çà le problème » se marre t-il. « J’ai trouvé des techniques pour inhiber ce truc là mais je ne peux pas dire que je ne le ressentirai plus jamais ».
L’athlète coaché par Bruno Gajer est actuellement 11e mondial, avec 1’43’’88 (New York le 13 juin) sur une épreuve parmi les plus relevées de ces championnats, et actuellement dominé au bilan mondial par l’ovni Amel Tuka (1’42’’51). Il escomptait aller plus vite au fil de la saison, à Lausanne (7e en 1’45’’62) et Monaco (10e en 1’45’’30), sans réussite. « Je pense que j’ai pris “une balle“ de fatigue avec les décalages horaires en plein milieu de saison, entre New York et Chebosksary (en Russie, la semaine suivante aux championnats d’Europe par équipes, ndlr). J’étais très bien mais le voyage a été catastrophique et j’ai mis énormément de temps à récupérer de tout çà ».
« Je crois qu’il y a un mec d’un hôpital psychiatrique qui est rentré dans mon corps »
« A Monaco, je ne sais toujours pas pourquoi j’ai fait çà. J’ai décidé de mener (passé en deuxième position derrière le lièvre aux 400 m, il avait pris ensuite la tête avant de craquer, ndlr). Je ne sais pas ce qu’il s’est passé. Je crois qu’il y a un mec d’un hôpital psychiatrique qui est rentré dans mon corps, j’ai décidé de faire sa course et il est ensuite ressorti. Ce n’était pas moi. J’ai fait quelque chose que je n’étais pas capable de faire. Cette année, je ne suis pas capable de passer en 50’’ pour faire 1’42’’ ou 1’43’’. Par contre, je suis capable de passer en 51’’ pour faire 1’43’’. Ça, j’en suis certain ».
Le champion de France affiche pourtant une confiance manifeste. Notamment grâce aux entraînements réalisés ces dernières semaines. « Je suis meilleur que l’année dernière dans le sens où j’ai clairement plus d’armes, même si je ne les ai pas montrées en compétition ». Lesquelles ? « J’ai passé un gros palier en aérobie. Avant, je faisais 10×400 m enchaînés en 59’’5. Maintenant, c’est 58’’5. Au niveau des paliers en fin de spé, des changements de rythme, je suis bien meilleur. C’était évidemment mon point faible. Un Mohammed Aman (champion du Monde 2013, ndlr) qui pouvait sur quatre foulées me mettre trois mètres, il ne me les mettra plus ».
Si les « feux sont au vert » comme il le souligne, et si ce statut de non-favori lui sied (« Il y a moins d’attente des gens, même de mon entourage. La pression des proches, tu la ressens, et elle est cette année beaucoup moindre. C’est plaisant, oui »), Pierre-Ambroise Bosse relève que la pierre d’achoppement pourrait être le mental. « C’est ce qui me manque le plus. La rage d’y aller quand il faut y aller. Je suis vraiment contre des loups. Et moi je suis un chien. Ils ne posent pas de questions. Alors que moi je cogite ».
« J’aspire à avoir une médaille »
On objecte qu’il n’y pas si longtemps, il était dans cet état d’esprit. Peur de rien, ni de Rudisha ni des autres. « Je ne me posais pas de questions mais je ne faisais pas 1’42’’. C’est un autre niveau. Les Diamond League, c’est vraiment fort quand même ».
Monaco, quand il avait claqué un incroyable 1’42’’53 (2e perf mondiale de l’année 2014) après avoir frayé toute l’année parmi les meilleurs, c’était il y a tout juste un peu plus d’un an…
« Non, je ne m’étais pas posé de questions. Mais ce n’était que sur une course. Hormis Monaco, je n’ai pas fait moins de 1’44’’ l’année dernière. Il y a un truc qui ne va pas. A un moment donné dans la course, j’ai des pensées négatives, beaucoup moins qu’avant mais j’en ai toujours » reprend-il. Une pause et il ajoute, se transposant dans son 800 m pour donner un exemple, intonation de la voix à l’appui : « C’est facile d’avoir des pensées négatives sur 800. J’ai vraiment mal, mais il reste 300 m ! Le truc, c’est que 150 m plus tard, t’a encore plus mal » sourit-il.
On a l’impression qu’il oscille sempiternellement entre confiance et crainte, ce qui créé un étrange sentiment. Mais il ne veut pas dévier de son objectif. « J’aspire à avoir une médaille, même si je sais que je ne suis pas le meilleur ».
Photo : Jean-Marc Mouchet.