Maeva Danois sur son « nuage »
Vice-championne d’Europe espoir du 3 000 m steeple à Tallinn le week-end dernier à l’occasion de sa deuxième sélection internationale (après les Jeux Méditerranéens espoirs, lire ici), Maeva Danois sera en lice ce vendredi 17 juillet au meeting Diamond League de Monaco, avec dans le viseur les 9’36’’00 synonymes de sésame pour les championnats du Monde. Entretien avec une athlète qui vit pleinement le moment présent, mais garde les pieds sur terre.
Cette médaille d’argent a dû représenter une grosse satisfaction ?
Complètement. J’étais un peu outsider sur le papier – 6e au bilan européen. Mais je savais que j’avais une carte à jouer car jusqu’ici, je n’avais pas pu m’exprimer comme je le voulais. Je n’avais pas trouvé la course idéale ; c’était encore perfectible à Montbéliard (9’55’’07 où elle avait fait les minima).
Comment s’est déroulée votre course ?
Ça s’est passé exactement comme mon entraîneur (Adrien Taouji était sur place) me l’avait expliqué. La Turque (Tugba Guvenc, victorieuse en 9’36’’14) était vraiment au-dessus des autres et il m’avait recommandé de la suivre. Et, si j’étais bien à l’emballage, de lancer la course. De ne pas faire comme lors en séries (4e 9’59’’48).
C’était une première expérience en grand championnats, courir deux steeple en 48h, je n’avais jamais fait ça, même si avec on avait travaillé l’enchaînement à l’entraînement. J’étais prête physiquement, mais avec le stress, une chute, on n’est jamais à l’abri d’échouer à la porte de la finale. En finale, j’ai couru un peu plus libre. L’allure me convenait parfaitement, j’avais juste à suivre.
« Hate d’être à Monaco »
Le chrono (9’40’’89 ; précédent record : 9’54’’91 l’an passé) -elle reprend au passage son record de France espoir qu’avait amélioré Emma Oudiou– vous a-t-il surpris ?
Oui, complètement. On me l’a annoncé à l’arrivée et je ne m’y attendais pas. Je ne courais pas pour le chrono, mais pour la place. Le dernier tour, quand je vois que je suis 2e, quand je vois la Turque chuter à 300 m, ce n’est pas facile de se contenir au niveau des émotions. On ne se focalise plus sur sa technique, sa vitesse, et on perd beaucoup en lucidité. Du coup, j’ai pas mal subi en raison de mes émotions. J’étais sur un nuage.
Vous vous êtes dit que vous pouviez gagner quand la Turque a chuté ?
Ça été assez particulier. La nuit précédente, j’avais rêvé que la première tombait, que j’étais derrière et qu’elle m’entraînait dans sa chute. Je me suis dit : “Ce n’est pas possible Maeva, tu es en train de rêver !“ Elle était vraiment costaude et au-dessus. Je suis vraiment contente de ma course et je n’aurais pas pu aller la chercher.
Vous rebasculez d’emblée sur Monaco ce vendredi 17.
C’est du plus. J’ai envie de terminer ma saison sur une bonne note et pas un échec. Si j’ai les minima, tant mieux, sinon tant pis. Les Europe m’ont du coup apporté un peu plus de confiance. Je sais que je peux faire un chrono. La forme n’est pas descendue.
Vous pensez que vous êtes capable de faire 9’36’’00 au regard de ce que vous avez fait à l’entraînement ?
Je sais que je les ai dans les jambes, d’après mes entraîneurs (Adrien Taouji et Bruno Gajer). Après, je n’ai pas une énorme expérience de ces courses. On verra comment ça se court.
« Je ne suis pas tout rassasiée »
Comment appréhendez-vous cette première en Ligue de Diamant ?
Je vais retrouver la piste monégasque car on avait fait un stage là-bas (en avril, ndlr). Ce n’est pas un terrain inconnu. Je suis très heureuse de recourir sur le stade Louis II. C’est ma première Diamond League donc il va y avoir pas mal d’émotions. J’ai hâte d’y être. Le milieu est familier. J’ai un bon feeling sur cette piste.
Comment s’est passé la transition entre la Normandie où vous étiez coachée par Thierry Leroux et l’INSEP depuis septembre ?
Il y a eu une phase d’adaptation qui a été assez longue, j’ai enchaîné pas mal de pépins physiques au niveau de la cheville et du pied. Ça a un peu bouleversé ma saison hivernale. Je n’ai pas réussi à aller chercher la sélection pour les Europe espoirs sur cross. L’hiver a été un peu catastrophique, mais je ne regrette rien car ça m’a appris pas mal de choses, et j’ai compris les exigences du haut niveau.
Qu’avez-vous appris ?
L’alimentation, le sommeil. La rigueur des entraînements, les soins. Le stage à Monaco m’a permis de mieux m’intégrer au groupe, qui est une source d’émulation. Aux Europe, on était avec Aurélie Chaboudez et Brigitte (Ntiamoah), on était toutes les trois issues du même groupe et on revient toutes les trois médaillées (bronze sur 400 m haies et 200 m). Le fait qu’elles soient là m’a aussi beaucoup aidé.
Aujourd’hui, je suis prête à construire une carrière de haut niveau, même s’il y a encore une marge de progression.
Tout cela doit vous donner envie de persévérer vers le tout meilleur niveau…
Complètement. Je ne suis pas tout rassasiée. J’ai d’ailleurs l’impression que la saison n’a pas encore commencé ! Tout me plaît, l’ambiance en équipe de France etc… Je vis et je le savoure pleinement. Il n’y a aucun moment où j’ai eu des doutes dans la saison estivale. A ce niveau, mes entraîneurs, Bruno et Adrien, sont rassurants et j’ai pleinement confiance en eux. C’est important pour la suite. Je les suis les yeux fermés.
« Il faut profiter de ces moments »
Vous en êtes au niveau études ? Vous aviez passé le concours de kiné l’an passé.
J’avais en fait passé plusieurs concours paramédicaux. J’avais été admise à l’école de podologie (Assass ; en trois ans) sur Paris. C’était l’idéal car on me proposait d’intégrer parallèlement l’INSEP. Je n’avais pas les cours aménagés en début d’année. Il y a une intervenante de l’INSEP qui a mis le hola pour qu’on puisse aménager car c’était un peu compliqué pour moi de suivre à la fois cours et entraînements. L’école est très arrangeante et je les remercie pour ça.
J’ai fait la première année en un an –j’étais autorisée à rater des cours mais je les ai rattrapés- et je réfléchis à aménager sur deux ans ma deuxième année, car je passe chez les seniors et ça va être une grosse saison. Pour l’instant, tout se passe bien scolairement et sportivement. Il faut profiter de ces moments.
Comment ça se passe à l’entraînement avec Adrien Taouji et Bruno Gajer ?
Adrien gère davantage ma programmation. Il est coach adjoint de Bruno, qui rajoute parfois des petites choses. Et Bruno s’occupe de la muscu. Ils ont la même façon d’entraîner. C’est top. Je fais les échauffements avec Lisa (Blameble) et Clarisse (Moh) (qui évoluent sur 800 m) et je fais la plupart du temps mes séances toutes seules. A Monaco pour le stage, j’ai pu faire quelques séances ou footings avec Clémence Calvin.
Sinon, le fait que le groupe soit sur le côté et que chacun fasse sa séance en même temps, c’est quand même une source de motivation. On a envie de réussir, on a tous les mêmes objectifs et ça nous booste. La muscu est presque la séance que je préfère le plus, car on se retrouve tous ensemble, on déconne etc…
« En ce moment, c’est tellement agréable, je prends tellement de plaisir à partir m’entraîner »
Avec ce chrono de Tallinn, vous pensez aux JO de Rio ?
Un peu, mais je n’ai pas changé de discours par rapport à l’année dernière (lire ici). C’est le rêve de tout athlète – on y pense tous- mais je préfère voir petit à petit et pas trop grand non plus. Avant, il y aura d’autres échéances où il ne faudra pas que je me loupe, comme les championnats d’Europe de cross (à Toulon-Hyères en novembre prochain).
On a l’impression que vous ne mesurez pas pleinement votre progression. S’il y a un an et demi, on vous aurait dit que vous seriez vice-championne d’Europe espoir, à quatre secondes des minima pour Pékin…
Ah, je ne l’aurais jamais cru. Je me serais dit que c’est faux, que c’est impossible (rires). En ce moment, c’est tellement agréable, je prends tellement de plaisir à partir m’entraîner que je me dis que cette vision des choses me convient très bien. Ça permet aussi de garder les pieds sur terre. J’ai des petites ambitions à court terme, c’est peut-être mieux que de voir grand tout de suite et de se perdre dans ses objectifs.