Athlétisme Interviews

Le « poids en moins » de Marie Gayot

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Poste Le 7 juillet 2015 par adminVO2

Affable et radieuse, Marie Gayot, raconte son bonheur d’avoir réalisé les minima pour les championnats du Monde de Pékin (51’’39 à Nancy) , d’avoir bouclé ses examens et quasiment ses études dans une filière où elle s’épanouit, et d’être régulière à 51’’ sur le tour de piste, dans la foulée de sa victoire  (51’’71) lors du pré-programme du meeting Areva samedi 4 juillet. La championne de France en titre sera en lice ce week-end à Lille pour une deuxième couronne nationale en plein air (trois titres en indoor, 2012, 2013 et 2015) au cours d’un duel avec Floria Gueï (2e Française de tous les temps sur 400 m avec 51’’09 et championne de France 2013) qui promet beaucoup. Le 400 m féminin tricolore a de beaux jours devant lui, avec -notamment et en figure de proue- ces deux jeunes femmes de 25 ans.
Comment analysez-vous ces 51’’71 ?
J’espérais faire un petit peu mieux. Ça manquait de rivalité. Mais je suis contente car je confirme à 51’’, sachant que la préparation maintenant est pour les France (10-12 juillet à Villeneuve d’Ascq) et les Mondiaux (22-30 août). Je pense que c’était une bonne course techniquement. Mais ça l’était peut-être trop et je ne me suis peut-être pas assez arrachée.
L’objectif était de faire deux 400 m à intervalle rapproché, trois jours après Nancy (51’’39, record personnel, 4e chrono Français de tous les temps) ?
Je crois que c’était un peu près ça pour mon coach (Laurent Hernu). Et que techniquement, toutes les étapes se mettent en place.
Ce n’est pas trop frustrant de passer des courses aux plateaux internationaux au pré programme de la Ligue de Diamant (elle a participé au meeting Areva à deux reprises -2012 et 2014- au 400 m estampillé Diamond League, épreuve qui n’était pas au programme cette année) ?
Non non. C’est le Stade de France et il y a plus de personnes qu’à un meeting national ou international (sourire). C’est quand même un honneur de courir ici. C’est le stade qui fait rêver tout jeune français. Le Stade de France, c’est comme gros cocon. Le 400 m paraît tout petit. On se sent porté au départ. Après, pendant la course, on n’entend rien.

« Je pense qu’il m’a manqué ce petit grain de folie. Et juste le fait de poser la tête…»

51’’39 à Nancy, soit les minima pour les Mondiaux, ce fut un soulagement ?
(Apaisée). Ah ouais…En plus j’avais terminé les exams. Du coup, j’étais vraiment contente. C’est effectivement un poids en moins, qui permet de faire chaque course de manière plus sereine.
Depuis le début de la saison, vous n’aviez que les minima en tête ?
Pas forcément les minima, mais j’avais les cours. Nerveusement, mon coach me disait que je n’avais pas trop à lâcher prise. J’aime bien quand tout est carré. Je pense qu’il m’a manqué ce petit grain de folie. Et juste le fait de poser la tête…Comme m’ont dit mes parents, c’est quand même bizarre que je fasse les minima quand les cours sont terminés. Là je reconfirme en 51’’. Ça tourne, ça tourne, et pouf ça va descendre.
Les moins de 51’’ sont envisageables rapidement ?
Rapidement, je ne sais pas. Mais envisageables, oui. Ça sera l’objectif à Pékin. Car il faudra faire moins de 51’’ pour passer en finale.
Et la médaille sur le relais ?
(Sourire). Il ne faut pas oublier que les Russes sont de retour. On va être cinq pour trois places.

« Maintenant on ne se dit plus qu’il faut qu’on passe en finale. On se dit qu’il faut qu’on flirte avec le podium »

Ça fait maintenant quelques années que ce relais 4×400 m se construit (4e à Moscou en 2013, championnes d’Europe à Zurich, vice-championnes d’Europe indoor à Prague, deux fois 4e aux relais Mondiaux aux Bahamas).
Maintenant on ne se dit plus qu’il faut qu’on passe en finale. On se dit qu’il faut qu’on flirte avec le podium. Ça a changé de dimension. Après, l’équipe se refait. On n’a plus Muriel. Même si sur l’individuel, elle avait un peu plus de mal, elle était monstrueuse en relais et était capable de faire 50’’ lancés. Muriel en relais, on lui passait le témoin et on n’avait aucun doute sur le fait qu’elle fasse le travail. Après, on a d’autres jeunes. C’est bien.
Vous avez du coup un rôle de leader avec Floria Gueï (51’’09 à Nancy, 2ème performance de tous les temps derrière les stratosphérique 48’’25 de Marie-José Pérec) depuis la retraite de Muriel Hurtis l’été dernier ?
Ah non, pas du tout. On est toutes à peu près du même niveau même si certaines sont qualifiées en individuel. Une fois qu’on est en relais, il n’y a pas de différence On sait qu’il faudra les individualités de chacune pour faire un bon truc en relais.

« Les athlètes ne savourent pas assez que c’est quand même une belle vie »

Vous parliez de vos examens. Vous faîtes quoi comme études ?
Je suis en école d’ingénieur à l’UTC (Université de technologie de Compiègne), et j’ai des horaires aménagés (contrairement à son Master d’urbanisme quelques années auparavant). Il me reste plus qu’un an d’études ! (rires) Je tiens le bon bout.

Marie Gayot lors de son titre national chez elle l'an passé à Reims (Photo Yves-Marie Quemener)
Marie Gayot lors de son titre national chez elle l’an passé à Reims (Photo Yves-Marie Quemener)
Ce n’est pas compliqué de tout concilier ? Il n’y a pas beaucoup d’athlètes qualifiés pour Pékin font des études ou bossent à côté…
Oui c’est chaud. Mais j’ai la chance d’avoir un coach qui est super et qui comprend. Par exemple, pendant les 15 jours d’exams, il a adapté l’entrainement. Il était toujours là pour avoir les bons mots. C’est une grande chance.
Sur le coup, j’ai l’impression que ça va. Mais je me rends compte après que pouvoir faire des grasses matinées, c’est du bonheur (sourire). Ou de se lever et de se dire que je n’ai pas grand-chose à faire, sinon penser à récupérer. Je pense que les athlètes ne savourent pas assez que c’est quand même une belle vie (sourire).

« Un projet professionnel fixe et motivant »

Vous voulez faire quel métier ?
L’UTC, c’est très large. Je vais bifurquer vers le management de projets innovants. J’ai déjà une entreprise (Onepoint) qui m’accompagne dans mon double projet. Tout est bien cadré : je ferai mon stage chez eux, et oui je poursuis ensuite normalement chez eux. Ça se passe très bien. J’adore ça et j’adore leur mentalité. Et ils ont tout de suite accroché au fait que je fasse du sport. C’est très important pour moi. Les gens qui me font confiance, j’ai envie de leur montrer qu’ils ont bien fait de me faire confiance.  J’ai vraiment à cœur de bien faire.
Même si c’est compliqué de tout concilier, ce double projet fait peut-être aussi partie de votre équilibre.
Je pense que c’est pour cela que je suis aussi sereine dans mes études et que ça m’aide à valider des matières que je n’aime pas. J’en ai une en tête que je ne citerai pas (rires). Je me suis dit qu’il fallait la valider même si ça ne me servirait à rien. Car quand je travaillerai, je ferai forcément des choses qui ne me plaisent pas. Et c’est effectivement soulageant d’avoir un projet professionnel fixe et motivant.
Photo de une : Yves-Marie Quemener.

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