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Rencontre avec Mathilde Sagnes, séduite par le 10 000 m

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Poste Le 20 mai 2015 par adminVO2

Espoir première année, Mathilde Sagnes, trois sélections chez les jeunes au compteur, a découvert le 10 000 m aux championnats de France à Saint-Maur-des-Fossés fin avril. Elle raconte cette première expérience positive et évoque son parcours et ses objectifs futurs.
Il n’y a pas pléthore d’espoirs qui s’alignent sur 10 000 m. Elles n’étaient d’ailleurs que deux –avec Clémentine Archinard (aucun chez les hommes, mais trois juniors, dont Julien Wanders) – aux championnats de France de la discipline le 29 avril dernière à Saint-Maur-des-Fossés. Championne de France de la catégorie en 36’34’’83 (6e de la course), Mathilde Sagnes, également médaillée de bronze chez les espoirs aux France de cross (33e au scratch), se voit bien un avenir sur la distance. Rencontre avec la Montalbanaise, coachée par Franck Monnel et Thierry Pagliani, à l’accent estampillé Sud-Ouest et au double projet bien établi.
Comment s’est passé ce premier 10 000 mètres à Saint-Maur-des-Fossés?
Au début, les 25 tours faisaient un peu peur, mais j’ai été agréablement surprise. Je suis parti un peu lentement, sur un faux rythme car je n’avais pas trop idée de ce que ça faisait. Je me suis retrouvée seule sur le deuxième 5 000 m, et c’était plus dur.

« Il y a deux ans, je n’imaginais jamais aller aux championnats d’Europe de cross »

 
Qu’est ce qui vous a motivé à vous aligner sur cette distance pas très prisée (lire ici l’article : « Pourquoi ils et elles font du 10 000 m) ?
Ça c’est sûr. En fait, je préfère plus les cross que la piste. L’an passé, j’avais fait le 3 000 m sans être trop motivée (10’00’’31). Le 10 000 m change radicalement du 3 000 m, mais c’est quelque chose de nouveau et ça peut me permettre d’aimer de nouveau la piste. Il y a aussi les championnats d’Europe espoirs (Tallinn en Estonie, du 9 au 12 juillet), même si je suis finalement très loin des minima (34’30’’). Mais qui ne tente rien n’a rien.
Le 10 000 m ne doit pas faire peur. Ça forge le mental. Ça relativise également les distances plus courtes sur la piste : quand on descend sur le 3 000 m aux Interclubs, on trouve que sept tours et demi, c’est court. Je trouve aussi qu’il y a plus cette notion d’entraide que sur d’autres courses, car on peut facilement se relayer, comme sur les cinq premiers kilomètres à Saint-Maur (avec Anne-Gaëlle Retout, 4e en 36’19’’93).
Ça permet aussi de tester ses limites et de se dépasser.
Vous comptez vous y aligner de nouveau ?
Oui oui. Déjà les France l’année prochaine à Saint-Maur. Je suis motivée pour en refaire un autre cette année, et améliorer mon chrono. On essaie de chercher un meeting.
Ce n’est pas trop déstabilisant de se retrouver à une petite dizaine au départ (neuf précisément) ?
Si, carrément. On est sur un championnat de France, on arrive sur la piste deux heures avant, et il n’y a personne. C’est assez particulier, en comparaison des France de cross ou des France juniors. On s’est échauffées avec cinq filles, soit la moitié des concurrentes. Mais il y avait une très bonne ambiance. Quelque part, c’est un peu plus décontracté que sur d’autres courses, et j’ai trouvé qu’il y avait un peu plus d’entraide que sur une course classique. J’ai bien apprécié.

« J’attends de voir comment je progresse pour me laisser une marge de manœuvre »

 
Vous avez bien négocié la transition entre les juniors et les espoirs, avec notamment une médaille de bronze aux France de cross (33e au scratch).
Les départs des cross sont assez impressionnants, car la densité change radicalement. Je n’étais vraiment pas habituée. J’avais pris un très mauvais départ aux France de cross, surtout quand on part en individuel. On ne peut pas doubler en début de course.
Par contre, les distances sont plus longues et ça me convient bien. Après,  je n’ai jamais fait de médailles chez les juniors et je fais 3e pour ma première année chez les espoirs. Ça été une bonne surprise. Entre les championnats d’Europe de cross et la médaille individuelle, j’avais déjà un peu rempli tous mes objectifs de la saison. Du coup la piste est un bonus. Autant tenter des choses pour s’amuser.

Sagnes
Mathilde Sagnes lors des inters de cross en 2014 (Photo Gilles Bertrand)
 
Vous faîtes des études en parallèle ?
Je suis en deuxième à l’INSA (Institut national des sciences appliquées) à Toulouse, une école d’ingénieur, dans la spécialité ICBE (ingénierie chimie biologie environnement). J’aimerais bien travailler dans les énergies renouvelables. J’ai un statut de sportive de haut niveau. Je peux étaler mes études mais j’arrive pour l’instant à concilier les deux, en faisant toutes les matières en une année. Ça fait un emploi du temps assez chargé mais ça me permet d’avoir mon diplôme en cinq ans.
Vous avez des ambitions particulières en athlé à moyen-long terme ?
C’est compliqué de se projeter. Là je vais au Québec de septembre à décembre : dans le cadre de l’INSA, on doit valider des semestres à l’étranger. Donc je ne pourrais pas courir aux sélections pour  Europe de cross (qui auront lieu à Toulon). C’est un peu dommage.
Je me fixe plutôt des objectifs saison par saison. Je me projette pas plus car c’est compliqué. J’attends de voir comment je progresse pour me laisser une marge de manœuvre.

« C’est toujours « chiant » de se faire doubler sur une ligne d’arrivée parce qu’une fille a plus de vitesse ! »

 
Le long vous convient davantage que le court ?
Oui, je pense que j’ai plus de facilités sur le long. Ceci dit, il faut que je travaille le court. On peut gagner en vitesse quand on est jeune. Même si je refais un 10 000 m, je vais faire du 1 500 m pour gagner en vitesse. C’est toujours « chiant » de se faire doubler sur une ligne d’arrivée parce qu’une fille a plus de vitesse !
Que vous ont apporté vos deux sélections aux championnats d’Europe juniors de cross (73e à Belgrade en 2013, 57e à Samokov en 2014) ?
Cela m’a appris à gérer le stress. Les grandes compétitions, c’est vraiment une expérience différente. Tout est super bien organisé mais c’est quand même assez flippant de se retrouver avec tous les pays européens, de porter le maillot de la France etc…
J’étais déjà beaucoup moins stressée la deuxième année. Ce sont de très bonnes expériences qui permettent aussi de relativiser quand on arrive à un championnat de France. Cela nous habitue à des courses très denses, à des départs rapides. Cela permet aussi de connaître d’autres athlètes françaises. Je m’entraîne souvent seule la semaine et c’est bien de partager la même passion avec d’autres filles.
Un top 20-30 aux Europe de cross ? A Samokov, c’est parti super vite et j’ai du mal avec les départs rapides. Il y a deux ans, je n’imaginais jamais aller aux championnats d’Europe de cross. En travaillant, il n’y a rien d’impossible. Tout en faisant attention à ne pas s’entraîner comme des brutes pour ne pas se blesser.

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