JO Londres: 400 mètres hommes , Kirani James en or
Le 400 de la jeunesse. Presqu’une finale de juniors avec Kirani James 20 ans, le favori de cette finale olympique. Luguelin Santos champion du monde junior cette année à Barcelone, 19 ans et l’Australien Steven Solomon médaillé de bronze à Montjuic il y a tout juste un mois lors des Mondiaux juniors, lui aussi âgé de 19 ans. Le 400 des Caraïbes.
Non pas flambant du jaune jamaïcain mais d’un camaïeu de rouge vif et vert franc de ces îles posées comme des diamants au cœur de cet océan. Kirani James de la Grenade, Luguelin Santos de la Dominique et Lalonde Gordon de Trinidad, le podium de ces J.O., trois coureurs talentueux reflet doré de la richesse du sprint caraïbéen qui dans l’ombre géante de Usain Bolt tire malgré tout son épingle du jeu.Le 400 des virés, des exclus, jamaïcains en tête mais aussi américains, sortis par la petite porte, eux qui avaient réussi en 2004 et en 2008 le grand chelem avec trois quater milers sur le podium. Sans gloire. Et enfin le 400 de Kirani James. Absolument impérial confirmant son titre de champion du monde acquis l’an passé à Daegu comme un hold up après avoir mordu à la culotte un LaShaun Merrit médusé. Le gamin n’avait pas rangé son arme pour dégainer de mille feux et remporter ce titre olympique en 43»94.Kirani James, c’est l’histoire d’un parcours qui touche à la perfection. De ce titre de champion du monde cadets sur le 200 – 400 m en 2009. Puis un pied dans la case juniors, il devient champion du monde en 2010. Les deux pieds chez les juniors, Daegu le couronne en or, une collection de médailles enrichie de la plus belle, celle des J.O. de Londres qui trouvera naturellement sa place au musée des souvenirs non loin des breloques symboliques conquises aux Carifta Games, cet évènement majeur qui lui ouvrira les portes de l’université de l’Alabama aux Etats Unis.Depuis Daegu, ce gaillard aux faux airs de Michael Johnson a pris de l’assurance. Dans sa course mais aussi dans sa façon de se raconter, toujours avec cette même politesse et courtoisie mais avec des phrases qui se sont allongées. C’est l’après Daegu qui l’aura libéré de sa timidité, héros national contraint de se livrer, de se raconter dans un tourbillon de sollicitations qui lui ont fait passer un mauvais hiver. En cela, le Mondial en salle disputé à Istanbul sera un sévère avertissement, dernier de la finale du 400 mètres, pour le remettre sur les rails de la sagesse. De ces égarements, Harvey Glance, le head coach de la fédération de la Grenade, en tira la bonne conclusion. Il faut remettre de l’ordre en ce début d’année olympique pour viser le titre. Lui qui a eu le pif pour mettre la main sur ce talent pure souche, avalant les tours de piste à la vitesse éclair d’un Bolt (il battra d’ailleurs en 45»45 le record des Carifta Games sur 400 m détenu par…Usain Bolt !). «C’était juste un bébé mais qui avait la capacité à devenir un pro». Juste après sa victoire à Daegu, le coach décrivait ainsi Kirani James. Ce gros bébé est déjà un adulte. Un beau fruit mur, sucré et doré. Dans une quête de l’absolu, appliqué et méthodique, à chercher l’équilibre constant pour progresser et s’affirmer. «Vous savez, il y a tellement à perdre mais il y a tellement à gagner. Malgré la pression, j’ai cherché à améliorer chaque chose car je croyais en mes possibilités» tels sont les mots de Kirani James peu après sa victoire, en symbiose avec le coach comme il le confirme: « l’entraîneur croit en moi mais moi aussi je crois en lui».Harvey Glance qui depuis l’an passé a rasé ses belles moustaches ne dit pas autre chose: «Je crois en lui et lui croit en moi». Ils ne se sont pas concertés pour répéter la même phrase, les mêmes mots. Celui-ci ajoute: «Nous faisons une équipe. Je me bats à ses côtés et lui se bat à mes côtés. C’est ça notre bataille. En gardant l’équilibre. En trouvant la bonne adaptation, le bon feeling car tout cela demande un long et lent process». Harvey Glance ne regrette d’avoir payé de sa poche un ticket d’avion pris à la va vite pour rencontrer à Gouave, dans la communauté de Kirani, le papa ouvrier, pour le convaincre de lâcher le fiston vers une destinée toute tracée. L’an passé à Daegu, il avait révélé: «Je leur ai proposés qu’il fasse un test d’une semaine pour ne pas les effrayer et ils ont dit oui»A Gouave, le père, la mère, la famille restée au pays avec les voisins, les amis et le quartier se sont rassemblés pour vivre intensément cette finale. Comme tout un pays qui ne compte guère plus de 100000 habitants surnommé l’île aux épices. Kirani James en est la plus sucrée.
Odile Baudrier / Gilles Bertrand