JO de Londres: 10 000 mètres, l'éthiopienne Tirunesh Dibaba championne olympique
Les bras de Ricky Simms ne sont pas assez grands pour envelopper Vivian noyée dans un immense chagrin. Le manager joue les nounous de secours pour éponger ce flot de larmes, cascade de désespoir sous laquelle Vivian Cheruiyot a touché le fond. Coulée. La défaite est toujours amère. Celle-ci a le goût de la noix de cola, âpre à faire hurler tous les mécréants.
Car au terme de ce 10000 mètres remportés à la hussarde par Tirunesh Dibaba, il y a plus qu’une défaite personnelle pour la kenyane, il y a un contrat non rempli envers son pays, son drapeau qui l’enveloppe comme une mère pleureuse criant la perte d’un proche. Première course, première défaite, le clan kenyan est aphone. Bien au-delà de tous les seuils de modestie, lancé dans une quête de médailles irraisonnable voir impossible, les coachs kenyans ont placé la barre trop haute pour cette olympiade et se sont pris les pieds dans le premier tapis posé sur cette piste olympique. Car en ce premier jour de course, autant sur 3000 mètres steeple que sur 1500 mètres hommes et enfin lors de ce 10000 mètres féminin, ce ne sont que des coureurs inquiets, fragilisés et cumulant les fautes techniques qui ont fait trembler le staff kenyan.Et lors de ce 10000 mètres, les trois kenyanes engagées ont subi la course. Toutes n’avaient pas l’ambition de remporter l’or comme Sally Kipyego qui espérait une honnête place sur le podium. Mais foulée dans foulée, elles furent sous le joug des éthiopiennes, du premier 400 m lancé tambour battant par les trois japonaises menant les dix premiers tours, jusqu’au dernier des 25 tours, avec une Werknesh Kidane sacrifiée pour réaliser le mauvais boulot. Crucifiée pour durcir la course et mettre sur orbite Tirunesh Dibaba réalisant un dernier kilomètre en 2’55» pour l’emporter en 30’20»75 après un long sprint de 600 mètres. Une tactique de course vieille comme le monde que les kenyans ont utilisé plus d’une fois en cross country notamment, mais qui cette fois changeait de camp.En 2008, sous la coupole du nid d’oiseau, Tirunesh Dibaba avant mené une course folle pour l’emporter en 29’54»66, un chrono exceptionnel en championnat. Cette fois, après deux années à soigner une vilaine blessure, elle a joué de sagesse, bien calée dans un tempo métronomique, défini par son coach Hussein Chebo, pour au final, réduire en poussière la minuscule Vivian Cheruiyot qui rêvait secrètement de réaliser comme à Daegu en 2011, le doublé 10000 m – 5000 m. Sauf, que l’éthiopienne a retrouvé son arme secrète, cette impitoyable capacité à maintenir un rythme de course élevé et finir comme une coureuse de 1500 m. A New York cette année, n’avait-elle pas rassuré tout son entourage en réussissant certes 30’24»39 sur 10 000 m mais en bouclant le dernier 1500 m en 4’05» et le dernier 400 m en 1’01»54. Alors le doublé 10000 – 5000 m, il lui est destiné. Reine du demi-fond, elle l’est déjà, en attendant d’inscrire son nom dans la grande histoire du marathon. Un autre anneau, une autre boucle !
Odile Baudrier / Gilles Bertrand