Championnats d’Europe : Sofiane Selmouni raconte sa première sélection
L’athlète de l’Entente Grand Mulhouse Athlé, éliminé mercredi en demi-finale du 800 mètres, est le seul athlète de l’équipe de France à vivre sa première sélection internationale –avec Marta Komu, qui avait cependant connu l’équipe nationale avec le Kenya. Il raconte son expérience.
Que de chemin parcouru en moins d’un an pour Sofiane Selmouni. De l’INSEP durant quelques mois à la fin de l’année 2013 au Letzigrund de Zurich en août, le natif d’Oran a vécu un apprentissage accéléré, entre les changements d’environnement, les premiers stages à l’étranger (Afrique du Sud, Portugal), les records personnels en cascade cet été, et donc le maillot tricolore, qu’il a revêtu pour la première fois à Zurich. «J’ai été très bien accueilli. C’est un peu cliché mais c’est une belle famille. On en profite tous ensemble et on se soutient mutuellement» explique celui dont l’intégration a été facilité par Mehdi Baala, qui a joué les intermédiaires pour que Sofiane Selmouni rejoigne le groupe d’Alain Lignier à Lille en janvier dernier.Mardi 12 août, séries du 800 mètres.
Le Mulhousien se qualifie au forceps pour le tour suivant, 3e en 1’48’’41. Il affiche pourtant une mine déconfite en zone mixte. Pointes entaillées, ses tibias portent également la marque des coups de chaussure adverses. On a plus la sensation qu’il vient de disputer un combat de coqs…«J’ai fait beaucoup de stops, de relances, et dans un 800, il faut être relâché de bout en bout. Là, je luttais. Ce n’était pas un 800, c’était un 808 m. J’étais enfermé, c’était horrible, je n’ai jamais couru comme ça. J’avais les jambes. J’essayais de trouver le moyen de passer et ça ne passait pas. Ça s’est ouvert un peu avant le 600 m, j’en ai profité. On jouait un peu des coudes, c’est normal, c’est le 800. Je me suis pris des coups, je ne vais pas porter réclamation» glissait-il, déçu de son entrée en matière.
«Je suis dépité. J’ai trop mal couru. J’ai fait des efforts que je paierai demain (pour la demie de mercredi). Lewandoswki (vainqueur de la série), je le voyais devant, il ne bougeait pas le mec. Alain m’a dit de bien me placer, presque au second couloir, mais j’étais à l’intérieur de bout en bout, et ça, ça m’a tué. Oui j’étais impatient mais je suis redescendu sur terre. J’ai pris un sacré coup même si je suis qualifié » poursuivait celui qui partage la chambre de Paul Renaudie.
«Ils allaient à une de ces vitesses!»
Aux championnats de France à Reims, il avait peiné à enchaîner séries-finale en moins de 24 heures, obtenant la médaille de bronze derrière Pierre-Ambroise Bosse et Paul Renaudie. Va-t-il être en mesure de réussir l’enchaînement?«Ça, c’est une bonne question. Je te dirais ça demain, mais là j’ai envie de vomir. On a travaillé à l’entraînement, mais là je suis vraiment fatigué, tu as l’impression de courir sur du béton. Je m’attendais à beaucoup mieux pour mon entrée en matière, je n’espère pas mais j’ai peur que ça me tue pour les demies».
La demi-finale justement, mercredi 13. Cette fois-ci, Sofiane Selmouni évite les «bousculades» en se plaçant d’emblée aux avant-postes. Avant de monter très vite «lactique» et de coincer sur la fin, 7e en 1’51’’01. «Les Polonais sont passés: ils allaient à une de ces vitesses! J’ai pris cher. Mais c’est ça le haut niveau. Lewandowski, il est finaliste mondial (4e à Moscou), ce n’est pas pour rien. Et nous, il faut prendre des risques pour passer. J’ai essayé de faire au mieux. Passer vite, ça paye des fois. L’audace réussit à ceux qui tentent leur chance. Je n’ai aucun regret» sourit-il.
«Tu as l’impression qu’ils sont là pour le boulot»
Car Sofiane Selmouni a la banane, dans un étrange paradoxe avec la veille. Il plaisante, se prend en photo avec la mascotte Cooly. Profite de ces instants précieux, tout simplement. «Oui, j’ai beaucoup appris, notamment sur le professionnalisme des gars. Quand ils ont décidé de gagner, ils y vont. J’aime bien rigoler, c’est pour ça que je fais ce sport, je prends du plaisir. Mais eux, tu as l’impression qu’ils sont là pour le boulot. Je dois encore passer cette étape là. Le jour où j’aurais appris à être plus rigoureux dans ce que je fais… A le rentrée, je vais changer quelques habitudes».
Mais avant, place à un mois de vacances, entre l’île Maurice, Barcelone, la Bretagne… Histoire de bien assimiler toutes les leçons engrangées en si peu de temps, et être fin prêt pour aborder la rentrée mi-septembre avec l’œil rivé sur Pékin et Rio.