El Hassane Ben Lkhainouch veut tirer un trait sur le passé et se concentrer sur l’avenir
En lice au meeting de Carquefou, où il avait pris la neuvième place en 13’54’’11, El Hassane Ben Lkhainouch est revenu sur ses récentes performances, qui ont attisé les interrogations. Avec une volonté : refermer ce chapitre de son début de carrière, et se concentrer sur l’avenir, à commencer par le marathon des championnats d’Europe dans moins de dix jours.
Le dopage vous marque…à vie. Ce n’est pas nous qui le disons, il s’agissait du slogan d’une célèbre campagne menée par la Fédération Française d’Athlétisme. El Hassane Ben Lkhainouch a été suspendu entre 2003 et 2005, pour avoir été contrôlé positif à la 19- norandostérone. Et récemment, il a aligné les performances, entre un titre de champion de France de cross (2 mars), suivis des titres hexagonaux sur 10 km route à Valenciennes (28’50’’, 13 avril) et 10 000 mètres à Saint-Maur (28’29’’49, 30 avril). Et si ses chronos furent bons pas mais si exceptionnels que cela sur ces deux dernières courses, ce sont surtout ses 1h01’31’’ sur semi lors des Mondiaux de Copenhague (29 mars), qui ont laissé sceptiques.
Presque 23h30 au stade du Moulin Boisseau à Carquefou, le 21 juin dernier. El Hassane Ben Lkhainouch, 9e quelques dizaines de minutes plus tôt du 5 000 mètres, est du côté de la restauration des athlètes. Le sociétaire de l’Alès Cévennes Athlétisme est revenu sur ces sujets durant un quart d’heure. Comment donc expliquer ces performances, compte tenu de son passé ? « Je ne veux pas parler de ça. C’est du passé. J’étais jeune, j’avais 22 ans. Il n’y a personne qui connaît mon histoire. Je n’étais pas un “connard“, j’étais fort avant ça. Actuellement, j’ai plein de contrôles antidopage. Je fais mon suivi médical. C’était une erreur de jeunesse, et c’est une histoire dont je ne veux plus parler. C’était pas moi, c’était l’entourage. Je venais d’arriver du Maroc et je ne parlais pas un mot de Français. C’était un truc de deux balles. J’ai payé à l’armée. J’ai payé de ma vie cette erreur. Alors j’aimerais bien que VO2 ne parle plus de ça » répond-il fermement -mais cordialement.
L’entourage
Certes mais on insiste…Récemment, Nouredine Gezzar, suspendu deux ans en 2006, était revenu aux affaires, améliorant son record personnel sur steeple (8’12’’25 en 2011 à Monaco), avant d’être contrôlé positif à l’EPO en 2012 (il purge actuellement une suspension de 10 ans). « Je viens de représenter la France deux fois (Europe de cross, et Mondiaux de semi, ses deux premières sélections). J’étais présent à chaque rendez-vous. J’ai fait des contrôles antidopage. Ça fait 14 ans. C’est mon entourage qui m’a poussé à faire ça. C’était à l’armée ». Il n’en dira pas plus, ni même quand à ses deux ans passés à Cayenne en Guyane.
Son parcours, justement. El Hassane Ben Lkhainouch a découvert l’athlé aux alentours de 15 ans, à l’école. « Mon papa m’a poussé à faire de l’athlétisme, dans ma ville natale, à Tiznit près d’Agadir. Je courais là-bas. J’étais dans une école et j’ai fait une course scolaire. J’avais une quinzaine d’années. Un prof de sport m’a vu. Le président d’un club de la ville a vu le prof de sport. Je m’entraînais pas.
C’est comme ça que j’ai commencé l’athlétisme. Je suis allé à Casablanca après. J’ai continué au club de Wydad. Je suis ensuite venu en France en 2001. Comme tous les athlètes, comme (Ismail) Sghyr, (Driss) El Himer, Mohammed Ouaadi, El Hassan Lahssini, pour tenter ma chance. On est tous pareils ».
« Il est dans le repentir »
El Hassane Ben Lkhainouch s’entraîne sous la houlette de Philippe Remond, ambassadeur du marathon français, depuis quelques mois. « On s’est mis d’accord avant le stage au Japon. Avant de m’engager avec El Hassane, j’avais besoin d’avoir une discussion avec lui. On a évoqué sa suspension etc… car c’est délicat de prendre un athlète avec un passé sulfureux. Je n’avais pas trop envie de m’engager à la légère. Il est dans le repentir à fond. C’est pour cela que j’ai eu envie de le coacher : on a eu une discussion à bâtons rompus, je lui accorde ma confiance et j’espère qu’il n’y aura pas de souci. Je serais vraiment déçu. Après je ne suis pas avec lui 24 heures sur 24. Il m’a dit : “Philippe, j’ai fait une erreur, j’étais avec un entourage qui me disait que pour gagner des courses, il faut faire ça, ça etc…“. Il n’a pas eu de problème pour en parler librement. Il m’assure qu’il est clean » glisse le 11e des Mondiaux de marathon en 1997 à Athènes.
« Je l’entraîne à distance, comme Abdel (Abdellatif Meftah, qu’il coache depuis janvier). On se contacte régulièrement par téléphone ou par email » poursuit Philippe Remond, pas surpris de la progression de son athlète sur semi. « Tu t’empêches pas les gens de parler et ils pensent ce qu’ils veulent. Honnêtement, ça ne m’étonne pas. Je trouve que passer d’1h03 à 1h01’30’’, à partir du moment où tu t’entraînes dur, ou tu as les qualités, c’est possible. Les meilleurs font 58’. Le niveau français est tellement faible que je suis obligé d’aller repêcher Driss El Himer et Ruben Iindongo à 1h05’’ au semi pour les championnats du Monde à Copenhague. Ce n’est pas normal. 1h01’30’’, ça paraît ensuite un chrono stratosphérique ».
« Il faut gagner un peu d’argent »
L’athlé constitue aussi un moyen de survenir à ses besoins. « Je ne bosse pas. Je cherche à travail. Si vous pouvez m’aider… » sourit celui qui vit au Mans. « C’est difficile de vivre avec le RSA, avec ma femme et mes deux petites filles. Il y a des gens qui disent pourquoi on court, pourquoi on fait des compétitions chaque semaine, mais il faut gagner un peu d’argent » souligne celui qui prit part aux 20 km de Maroilles, le lendemain matin des France de 10 000 mètres, après avoir reçu une invitation de l’organisateur « deux jours avant ». Le projet marathon n’était-il censé remédier à cela ? « Si, on a mis en place un système d’attribution des primes en fonction du statut des athlètes et du palmarès. Non, ce n’est pas encore effectif. Je ne sais pas quand cela va l’être. Ça se passe au niveau de l’administration. Aux dernières nouvelles, les contrats n’étaient toujours pas signés » souligne Philippe Remond.
« Gagner ou faire un podium par équipes »
A Zurich dimanche 17 août, El Hassane Ben Lkhainouch revêtira le maillot tricolore pour la troisième fois, cette fois-ci sur marathon. Un parcours qu’il a pu reconnaître en mai dernier. « C’est quatre tours de 10 km, il y a une très très belle côte, et une très belle descente. C’est la descente qui fait mal aux jambes, ce n’est pas la côte. Je pense que ça va être un course tactique et pas très rapide. Il va falloir se méfier des Russes, des Ukrainiens etc… Je vais essayer d’être dans les trois premiers et l’essentiel, c’est de gagner ou faire un podium par équipes ».
En cas de bonne performance à Zurich, les doutes resurgiront immanquablement. Difficile de forger une analyse entre toutes ces données ambivalentes et contradictoires : après tout, l’erreur de jeunesse est possible ; après tout, accorder une seconde chance est nécessaire ; après tout, un entraînement mieux cadré permet de progresser. Mais les contrôles antidopage négatifs ne sont pas gages de probité. Mais certains athlètes se présentant comme “repentis“ se sont de nouveau faits attrapés par la suite. Mais les chiffres et l’enchaînement des performances (en 2013 également) peuvent laisser songeurs.
Bref, une chose est sûre, le dopage vous marque…à vie.
Photo : Yves-Marie Quemener.