Benjamin Compaoré : une dimension nouvelle depuis le titre de champion d’Europe à Zurich ?
Champion du Monde junior à Pékin en 2006, Benjamin Compaoré a depuis connu de multiples pépins physiques, n’arrivant presque jamais sur les grands championnats en pleine possession de ses moyens. A Zurich, il a mis en lumière ses qualités, claquant un saut victorieux, à 17,46 m, dès son premier essai, devenant ainsi le premier champion d’Europe tricolore au triple bond. Depuis, il enchaîne les grosses performances et bouclera sa saison ce week-end au Décastar à Talence. Avant de viser encore plus haut dès 2015.
Au Décanation à Angers, le 30 août dernier, Benjamin Compaoré est éreinté. Deux jours plus tôt, à l’occasion deson retour sur le tartan zurichois à l’occasion du meeting Dimaond League, il a réalisé 17,45 m, à un petit centimètre de son record perso. Et la nuit fut longue…«Je ne vais pas vous mentir. J’étais avec Pierre-Ambroise (Bosse) en chambre. On s’est couchés tôt le matin donc je suis un petit peu cuit» se marrait-il. Ce qui ne l’a pas empêché de l’emporter (17,12 m) dans une enceintedu Lac de Maine chauffée à blanc.
«Je n’avais jamais vu un tel engouement et j’espère qu’il est encore grandissant. C’est plaisant, c’est cool, c’estdu bonheur, c’est tranquille» souriait-il. «J’ai fait mon job, j’ai gagné, je suis content. J’ai fait 17,12 m dans cet état…qui n’est pas le meilleur des états». Au grand étonnement de son coach Jean-Hervé Stievenhart. «Là, il m’a scotché car je ne pensais vraiment pas qu’il était capable de sortir ça. Et je pense qu’avec deux essais de plus (les concurrents n’en avaient que quatre), il pouvait taper son record, même dans ces conditions là. C’est vraiment une satisfaction. Il s’installe dans le gratin du triple mondial» glissait-il, un brin interdit.
Blessures à répétition
Le duo se projetait ensuite vers la coupe continentale à Marrakech. «On va le préparer très sérieusement pour vraiment s’imposer au niveau mondial. L’objectif sera de planter une grosse performance» annonçait le sociétaire de Strasbourg Agglomération, qui a finalement battu son record personnel avec un triple bond à 17,48 m (-0,1) le week-end dernier dans la cité marocaine. Pas encore la (très)grosse performance à laquelle il aspire(il n’a pas précisé de longueur, mais sûrement autour des 17,80 m et au-delà) mais une insigne constance à 17 mètres et plus. Depuis son titre à Zurich et sur les quatre derniers concours, cela donne: 17,46 m 17,45 m 17,12 m et 17,48 m.
Benjamin Compaoré a-t-il passé un cap? «Le fait de gagner les championnats d’Europe peut être un élément déclencheur car le potentiel était là. Après, ça va peut-être me débrider, me permettre d’avoir une régularité à 17 m, 17,40 m et ensuite passer des caps supérieurs. Il faut essayer de gagner des compétitions face aux meilleurs mondiaux» disait-il à Angers. Vainqueur de l’étape de laDiamond League au meeting Areva en juillet dernier (17,12 m), 2e au Weltklasse à Zurich le 28 août derrière le champion olympique Christian Taylor, vainqueur à Marrakech, Compaoré, 5e performeur mondial de l’année, fraye avec les tous meilleurs.
Entre son titre mondial junior en 2006 et son titre européen à Zurich, huit années se sont écoulées. Huit années où sa progression fut ralentie par de nombreuses blessures (quadriceps, ischios, tendons etc…), la dernière en date étant une opération en septembre 2013 au niveau de la cheville gauche, afin d’enlever un morceau d’astragale se baladant dans l’articulation(il n’avait pas pu prendre part aux Mondiaux de Moscou à l’été 2013en raison de cette blessure lancinante), contractant peu aprèsune phlébite au mollet.Le Strasbourgeois doit connaître l’anatomie de son corps presque par cœur…
«Je savais que ça finirai par payer. Et ce n’est pas fini»
«Même s’il n’était jamais à 100% sur les grands championnats, il a quand même fait 6e aux JO (Londres 2012), 6e aux Mondiaux en salle (Istanbul 2012), 5e à Barcelone en 2010» rappelle Jean-Hervé Stievenhart, avant de poursuivre. «En tant que coach, on se pose des questions quant à ces blessures. Ils sont 5-6 dans le groupe d’entraînement. S’il s’agissait de blessures répétitives dans le groupe, je me poserai vraiment des questions. Si c’était toujours au même endroit avec Benjamin, je me poserai des questions. Mais avec lui, un coup c’est le pied, un coup la cuisse, le quadriceps, l’ischio. Non, il n’y a aucun lien entre elles».
Ces (gros) contretemps n’ont pas fait dévier Benjamin Compaoré de satrajectoire,amorcée depuis2006. «Depuis Pékin, la seule chose qui me motivait c’était de gagner, quelque soit la compétition. C’est ce que je vais essayer de continuer à faire». Abandonner lui a-t-il traversé l’esprit? «Non, jamais, car j’ai trop confiance en mon potentiel. J’avais énormément de confiance en moi donc je savais que ça finirai par payer. J’étais extrêmement sérieux dans mon travail. Il n’y avait pas de raison que ça ne paye pas. Ça a payé et ce n’est pas fini».
«Ma joie était très forte mais intérieure»
A 27 ans, le natif de Bar-le-Duc s’est révélé aux grands du grand public dans la folle soirée du 14 août à la suite de mois (d’années, pardon) de persévérance. «J’ai essayé de gérer tout ça au mieux, d’être le plus professionnel pour revenir à chaque fois, même si c’était compliqué. Car quand on ne peut pas s’exprimer et qu’on voit les autres avancer et que nous on n’avance pas, c’est compliqué. Mais ça fait partie du sport. Je l’ai bien appris avec mon expérience. Il faut savoir prendre son temps, être patient».