Sofiane Selmouni, l’apprentissage accéléré sur 800 m et une sélection aux championnats d’Europe ?
Après avoir débuté l’athlétisme en 2009, Sofiane Selmouni se rapproche à grands pas de l’équipe de France. L’athlète de 24 ans vit actuellement un apprentissage accéléré du haut niveau, entre quelques mois d’entraînements à l’INSEP, un stage en Afrique du Sud et désormais un nouveau groupe d’entraînement à Lille au sein duquel il s’épanouit. A Oordegem dimanche 1er juin, celui qui s’entraîne désormais sous la houlette d’Alain Lignier a battu son record personnel au terme d’une course perfectible (1’46’’74). Les minima pour Zurich ne sont plus très loin…
Le haut niveau est souvent affaire de patience, d’échecs, de rebonds, de répétitions des efforts sur cet inlassable tourniquet que représente la piste et plus globalement la course à pied. Un apprentissage adagio, en douceur. Sofiane Selmouni, lui, gravit les étapes prestissimo, à l’image de sa fin de course à Oordegem, où il alla quérir la 2e place dans les ultimes mètres.
Pour reprendre le fil de son parcours, il faut revenir cinq ans en arrière, en 2009, lorsqu’il a débuté l’athlé à vingt ans. « J’avais des amis proches qui étaient dans des clubs, mais qui n’avaient pas d’objectifs personnels. Je faisais de temps en temps des footings avec eux. Mon club de base, c’est l’Acik (Ac Illzach Kingersheim, qui s’est regroupé en 2010 au sein de l’Entente Grand Mulhouse Athlétisme, l’actuel club de Sofiane Selmouni). Ils étaient en régional et avait besoin d’un coureur sur 800 m pour les Interclubs. On m’a un peu mis dans le bain » raconte t-il posément.
Résultat, une 3e place en 1’58’’80 et le virus de l’athlé qui s’inocule progressivement. Un mois plus tard, Sofiane Selmouni réalise 1’51’’73. « . Je m’entraînais comme chaque athlète, quatre à cinq fois par semaine. Je n’avais aucun objectif personnel. C’était juste pour le fun » tient-il à rappeler. En 2010, il gagne quelques centièmes (1’51’’33), puis court en 1’50’’62 l’année suivante. En 2012, nouveau tournant, qui atteste qu’une carrière peut basculer sur pas grand-chose…
Durant six mois, il met l’athlé de côté
« J’ai fait une coupure de six mois. Je suis arrivé sur Strasbourg pour les études (j’étais en école de commerce, j’ai arrêté au bout de trois ans, j’ai juste un bac+3 en management et communication). Quand tu commences la vie étudiante, tu sors beaucoup, je n’étais plus dans ma ville, je ne voyais plus mon entraîneur et je n’avais plus l’obligation d’aller à l’entraînement. J’ai délaissé un peu l’athlé ». Avant de dépanner derechef pour les Interclubs à la demande de son club. « J’ai fait 1’58’’ à l’arrache (1’56’’70 en fait). Les cours étaient finis et j’ai continué à m’entraîner. Il y a eu ensuite un déclic quand j’ai fait 1’48’’ (1’48’’11 le 27 juillet 2012 à Ninove en Belgique) » rapporte celui qui avait deux semaines avant glané le titre de champion de France national.
« ça m’a enchanté d’aller à l’INSEP »
Sofiane Selmouni est alors définitivement lancé. Sous la férule de Taifour El Houssein, il améliore son record perso l’été dernier, 1’47’’03 à Montbéliard (également 3’44’’72 sur 1 500). Un chrono qui le place parmi les meilleurs français sur le double tour de piste (4e au bilan). Et tout s’accélère.
« On m’a proposé d’aller à l’INSEP (Institut National du Sport, de l’Expertise et de la Performance), avec Benjamin Herriau, Samir Dahmani, Bryan Cantero etc.. ça m’a enchanté car ça permet de progresser aux côtés de mecs qui ont déjà prouvé leur valeur ». Seulement, il ne peut pas être interne puisqu’il ne rentre pas dans les critères (aucune sélection internationale, ni chez les jeunes, ni chez les seniors). « J’étais donc externe, et j’avais un job chez Nike, entre 20 et 24 heures par semaine car il fallait que j’assure mon logement. La cohabitation entre le travail et le fait d’arriver à l’heure à l’entraînement, de doubler etc… ça ne le faisait pas trop. En janvier, on a décidé d’arrêter. Mais cela s’est fait tranquillement, sans clash ».
S’ensuit une semaine de doute, peut-être l’une des seules à ce jour pour cet athlète à la progression éclair.
« Mehdi Baala m’a conseillé d’aller dans le groupe d’Alain Lignier. Je suis très proche de Mehdi, vu qu’il est aussi de ma région (l’Alsace). Depuis environ un an, on se téléphone régulièrement. Cela s’est fait en une semaine. La transition n’était pas facile, les méthodes d’Alain sont très différentes de celles de Bruno Gajer ou même de mon ancien entraîneur avant. Heureusement que Mehdi était là. Ça m’a permis de vite rebondir. Je suis arrivé dans une nouvelle ville à Paris. Je commençais juste à m’adapter. Puis aller ensuite à Lille en décembre-janvier, ce n’est pas la période la plus facile pour l’adaptation ! » se marre t-il. « On me demande si je ne suis pas déçu d’avoir quitté l’INSEP. Forcément un peu, mais aujourd’hui, je suis satisfait d’avoir rebondi ».
Emulation et bonne humeur
Car à Lille, Sofiane Selmouni a également eu « la chance de trouver un bon groupe », entre « des coureurs de longs » à l’instar de l’international senior Simon Denissel ou de François Barrer, et « des coureurs de moins longs » tels que David Verbrugghe (1’47’’93 cette année, record à 1’47’’58) ou Thomas Larchaud (1’50’’76 cette année, record à 1’48’’56), le groupe étant “drivé“ par Alain Lignier.
Et c’est à l’occasion d’un stage à Monte Gordo au Portugal en janvier, que le natif d’Oran (Maroc) a fait ses premiers pas dans sa nouvelle structure d’entraînement. « J’ai appris à connaître Simon et le coach là-bas. On a continué à travailler, j’ai déménagé à Lille et je suis maintenant à plein temps dans l’athlé. On a fait ensuite un stage en Afrique du Sud (trois semaines en avril) avec l’ensemble du groupe. C’est sympa, il y a une bonne ambiance. On rigole tout le temps. La bonne humeur, c’est aussi ce qui fait progresser. Il n’y a pas de rivalité, même si on a tous des objectifs personnels » précise t-il.
« Je profite à fond mais je sais très bien qu’il y aura des moments un peu plus durs »
Et force est de constater que les changements d’environnement et d’entraînement n’ont pas nuit à la progression de Sofiane Selmouni, qui vient donc de claquer un 1’46’’74, son premier chrono sous les 1’47’’ au terme d’une course qui plus est perfectible (voir ci-dessous la vidéo). « J’ai fait toute la course au deuxième couloir. J’aurais peut-être pu grappiller quelques dixièmes » admet t-il.
Il se rapproche de fait des minima pour les championnats d’Europe à Zurich, fixés à 1’45’’90. « Je ne me prends pas la tête. Tout le monde me dit que je vais aller à Zurich. Pour l’instant, c’est un rêve » sourit-il. « Je suis ce qu’Alain me dit de faire. 1’46’’, Alain n’est pas surpris. Moi, ça me surprends un peu. J’ai commencé en faisant 1’52’’ (1’52’’60) à Dijon au premier tour des Interclubs. Certes, on revenait d’Afrique du Sud. Mais je ne m’attendais pas à faire ça ».
De la PPG au menu
« Sans rentrer dans les détails, au niveau de l’approche de l’entraînement, il y a du changement. Je ne faisais pas de PPG ni de muscu. C’est important et ça m’aide beaucoup, notamment sur la fin de course ». Après sa performance belge, Sofiane Selmouni repart sur un cycle d’entraînement. On devrait le revoir sur le tartan fin juin. Car l’objectif est d’être en forme à partir de ce moment là, avec les championnats de France en point d’orgue (11-13 juillet à Reims).
« Il faut être en forme aux Elite. Car c’est une étape importante pour valider une éventuelle sélection aux championnats d’Europe. Philippe Dupont était en stage en Afrique du Sud, et il nous a clairement dit qu’il faut faire un faire un podium aux Elite. Faire les minima, ça ne suffit pas* ».
Toujours est-il que tout s’accélère pour Sofiane Selmouni, qui cherche à s’entourer de partenaires privés. « Beaucoup de choses se mettent en place. Je vis au jour le jour ce qu’il y a à prendre car je sais très bien qu’il y aura des moments un peu plus durs. Pour l’instant je profite à fond. Je suis sur mon petit nuage, mais je garde les pieds sur terre. Et on est dans un groupe où on ne peut pas avoir la grosse tête. Je suis tout simplement heureux et j’ai la chance de continuer à progresser et d’exploiter mon potentiel ».
Et puis, ça serait dommage de passer à côté d’un championnat presque à “domicile“, Mulhouse se situant à une centaine de kilomètres de Zurich !