Championnats d’Europe de cross : Youssef Mekdafou, entre soulagement et enthousiasme
Naturalisé français depuis la fin 2012, Youssef Mekdafou a brillamment obtenu sa première sélection à Pacé, terminant 4e espoir, juste derrière Djilali Bedrani. Et escompte bien honorer le maillot bleu-blanc-rouge à Belgrade en Serbie le 8 décembre prochain.
« Oh là là ! Si seulement vous pouviez savoir tout ce que j’ai enduré, tout ce que j’ai subi et tous les chemins farfelus par lesquels je suis passé…. ». C’est par ces mots que Youssef Mekdafou, venu à l’athlé sur le tard, amorce la conversation. Venu très tard même, en 2009, à 17 ans. « Je faisais du foot et ce jour là, je n’avais pas été retenu pour jouer le match. Je voulais me défouler et j’avais participé à une course de ma ville, à Saint-Ouen. J’avais gagné le 5 kilomètres » narre Youssef, né au Maroc et arrivé en France à l’âge de cinq ans, sa maman ayant de son côté toujours vécu dans l’Hexagone.
Il se fait ainsi repéré par Diony Jacqueray, coach de demi-fond à Pierrefitte Multi Athlon. Et sa progression est fulgurante puisqu’il se classe 4e des France de cross junior en 2011 à Paray-le-Monial. En novembre de la même année, il termine troisième des sélections juniors pour les Europe de cross, derrière Romain Collenot-Spriet et Djilali Bedrani. Mais ne peut prétendre ces deux fois là à s’envoler avec l’équipe de France puisqu’il n’est pas naturalisé. Cette naturalisation interviendra un an plus tard, en décembre 2012. « On me l’avait refusé une fois sous prétexte que je ne travaillais pas, alors que j’étais encore à l’école… » précise t-il.
« Je suis un teigneux »
Cette année, Youssef Mekdafou termine 40e aux France de cross long (5e espoir) et en avril dernier, devient vice-champion de France espoir sur 10 km à Cabries derrière Michael Gras. Avant donc de glaner cette première sélection à Pacé le 17 novembre. « Je la visais. C’est pour cela que j’avais fait la sélection en junior, même si je savais très bien que je ne pouvais pas être pris. C’était important de montrer aux gens, à la Fédération que j’avais le niveau. Même si malheureusement, on ne peut pas changer où on est né ». Et ce quatrième strapontin fut pour lui-même « inattendu. Je visais la place de 5 ou 6e car il y a une très belle génération en espoir. J’ai joué ma carte à fond. J’ai du cœur. Je ne lâche pas. Je suis un teigneux, j’aime la bagarre. C’est ce que j’ai fait à Pacé : je la voulais, je n’ai rien lâché alors que je n’étais pas bien dans la course. Mais je la voulais tellement…C’est une grande satisfaction. J’étais à deux doigts de battre Djilali Bedrani (3e) qui est une référence ».
C’est en tout cas une joie indicible qui l’a envahie à l’issue du cross breton. « Quand j’ai reçu ma lettre de naturalisation, j’ai pleuré. Et à Pacé, j’ai aussi pleuré comme un bébé. Ça me tenait vraiment à cœur car j’en ai beaucoup souffert. Je me suis senti un peu volé car je devais avoir trois sélections. Mais je ne regrette rien. Je n’en veux à personne. C’est mon parcours. C’est mon chemin et j’en suis très fier. C’est une belle histoire car j’ai commencé l’athlé il y a quatre ans. J’ai été contacté par la Fédération Marocaine et je n’ai pas donné suite. Certes, j’ai mes origines et je n’oublie pas d’où je viens, mais je me considère Français et je veux faire avancer mon pays » glisse Youssef Mekdafou, intarissable et qui s’entraîne donc à Pierrefitte Multi Athlon, sous la houlette de Diony Jacqueray et Youssef Louahchi, dans un groupe d’une vingtaine d’athlètes comprenant également Mehdi Belhadj, sélectionné aux Europe en junior (et qui avait pris part aux Monde de cross juniors en mars dernier).
« Peur de ne pas gérer mes émotions »
« Il est né avec la bonne nationalité » sourit Youssef. « C’est un très bon pote. Et on s’aide mutuellement sur nos séances » relève celui qui est technicien supérieur en méthode d’exploitation logistique à Eurocopter (groupe EADS) en alternance.
Ce qui signifie ? « Je suis au service des approvisionnements. Je dois notamment faire en sorte d’avoir les matières premières pour fabriquer les pâles des hélicoptères au bon moment. C’est super intéressant ». Son responsable étant un ancien coureur à pied, il sera facilement libéré pour se rendre aux championnats d’Europe, pour lesquels il confie avoir « hâte d’y être. J’ai peur de ne pas gérer mes émotions quand je vais porter le maillot. Je vais donner encore plus que ce que j’ai donné à Pacé. Car ça va être ma première sélection et je n’y vais pas en tant que touriste. Il faut y aller pour l’équipe et se battre à fond. On va essayer d’aller chercher quelque chose ».