Athlétisme

Meeting Areva : et Vicaut surgit…

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Poste Le 4 juillet 2015 par adminVO2

L’édition 2015 du meeting Areva (qui s’appellera désormais meeting Saint-Denis, Areva stoppant son partenariat) s’annonçait bouillante. Elle le fut. Six meilleures performances mondiales de l’année améliorées ; Renaud Lavillenie battu à la perche ; le record du Monde du 5 000 m  avorté…et pour finir, Jimmy Vicaut qui égale le record d’Europe du 100 m !
Foudroyant et renversant, tels étaient les mantras de cette édition 2015, placardés un peu partout dans Paris et sur le net, en référence à Usain Bolt et Renaud Lavillenie. Le premier, qui semble électrocuté depuis quelques mois, avait déclaré forfait en début de semaine ; le second, en dépit des frissons ayant parcours le Stade de France à chacun de ses sauts, a connu un jour sans.
Pourtant, au Stade de France, loin d’être SDF, Renaud Lavillenie était le maître des lieux. C’est bien simple, depuis 2009, il cumulait six victoires consécutives. Sans oublier le record du Stade, 5,92 m, établi en 2013.
Si la concurrence se rapprochait (lire la présentation ici), le Clermontois, champion olympique et recordman du Monde (6,16 m), possédait toutefois une marge sur ses adversaires, fort de ses 6,05 m de Eugene réalisés fin mai, 2e saut de tous les temps en plein air.
Invaincu depuis deux ans, jour pour jour, en Ligue de Diamant
Alors que le concours avait débuté sans lui –il paradait alors en 2 CV avec les têtes d’affiche du meeting pour la présentation avant le début des courses estampillées Diamond League-, l’athlète coaché par Philippe d’Encausse a échoué à trois reprises à 5,86 m, se classant finalement 5e avec un saut à 5,71 m d’un concours remporté par le Grec Konstantinos Filippidis avec à 5,91 m (record national), alors que Kévin Ménaldo, médaillé de bronze aux Europe à Zurich, signait un nouveau record personnel (4e avec 5,81 m).

Photo Jean-Marc Mouchet
Photo Jean-Marc Mouchet
Aux championnats d’Europe par équipes en Russie il y a quinze jours, Lavillenie avait franchi sa première barre dos au mur après deux échecs. Il ne parvint pas cette fois-ci à trouver les réglages idoines. Sa dernière défaite en Ligue de Diamant remonte à août 2014 où il avait fait zéro à Stockholm (seul défaite en 2014), épreuve disputée, dans des conditions pourries, quelques jours après son troisième titre continental consécutif à Zurich.
C’est davantage son échec à Lausanne en 2013, qui avait marqué le Clermontois, comme il l’a rappelé en zone mixte. Si la contreperformance parisienne sonne comme un avertissement en vue des Mondiaux de Pékin et met en exergue le fait que rien n’est joué à l’avance, Renaud Lavillenie reste bel et bien le numéro 1 mondial de la discipline. Et ça pourrait aller très haut jeudi 9 juillet…à Lausanne.
« 9’’86 ? Moi !? »
Alors que le perchiste disait sa « frustration » en zone mixte, les yeux se fixèrent sur l’écran de télévision. Dernière épreuve, départ du 100 m. Coup de feu. Le public hurle. Powell s’envole, coupe la ligne en 9’’81, avec Vicaut dans la vague. Le record de France de Christophe Lemaitre (9’’92 à Albi en 2011) va tomber. C’est même mieux que ça. 9’’86 (+ 1,3), record d’Europe égalé (le Portugais Francis Obikwelu lors de sa 2e place aux JO à Athènes en 2004).
 « Quand on m’a dit 9’’86, j’ai dit “Moi !?“ » racontait Jimmy Vicaut, un brin interdit devant son chrono. « Si l’on va me regarder autrement ? Ah j’espère, enfin. Il est là le petit Jimmy Vicaut ! » se marre celui qui avait reçu deux heures auparavant, au tout début du meeting, la médaille de bronze olympique 2012 avec ses compères du relais 4×100 m suite au déclassement des Américains (en raison de la suspension pour dopage de Tyson Gay et de l’annulation de ses résultats depuis le 15 juillet 2012) au cours d’une cérémonie protocolaire assez étrange, qui singeait en tous points les remises de médaille londoniennes d’il y a trois ans.

La vidéo du 100 m :

https://youtu.be/kAxEu68jE8M
Son coach depuis sept ans, Guy Ontanon, descendit en zone mixte. « C’est un immense bonheur. D’abord, en 9’’86 vient de s’échapper pratiquement onze mois de difficultés, où on s’est serrés les coudes…» entamait-il avant de reprendre. « Ce n’est pas que tous les deux. On se serre les coudes avec l’ensemble du groupe, avec tous les gens qui m’entourent ».
Avant d’avouer que le record d’Europe était inscrit en lettres capitales « sur les tablettes de la saison ». Onze mois, période au cours de laquelle Vicaut (qui avait claqué deux fois 9’’95 aux France à Charléty en 2013, son précédent record perso) s’était blessé presque à chacune de ses sorties (Europe par équipes 2014, Europe à Zurich et France Elite indoor cet hiver à Aubière, alors qu’il a connu une légère alerte début juin à Birmingham).
« Hey coach ! Sors le champagne ! »
Jimmy Vicaut en a fini avec les médias. Il passe devant son Ontanon. « Hey coach ! Sors le champagne ! ». Le duo se congratule. « Là, c’est bon, on ne le voit plus. Il aura du mal à aller à la compétition demain (à Charléty, où Jeffrey John a signé 20’’39, à un centième des minima pour les Mondiaux, ndlr) » chambre t-il.
« A chaud, dans les 15-20 premiers mètres, il peut faire beaucoup mieux. Ce n’est pas un bel enchaînement. Effectivement, c’est un signal fort qui renvoie aux autres sprinteurs. Il se resitue par rapport aux meilleurs sprinteurs » poursuit Ontanon, alors que Vicaut devient le 4e performeur mondial de la saison (derrière l’ancien-dopé-qui-va-plus-vite-qu’avant Gatlin, 9’’74 ; Powell et ses 9’’81 parisiens –lui aussi fut suspendu pour un stimulant- ; l’Américain Trayvon Bromell et ses 9’’84, et Keston Bledman avec 9’’86).

Remise de la médaille de bronze olympique...2012 pour les relayeurs du 4x100 m français (Photo Jean-Marc Mouchet)
Remise de la médaille de bronze olympique…2012 pour les relayeurs du 4×100 m français (Photo Jean-Marc Mouchet)
« Le niveau mondial est si relevé qu’avec ce jeu des demi-finales, on a payé très très cher. Et lui a payé très cher » rappelle Guy Ontanon en guise d’avertissement pour les Mondiaux de Pékin. Finaliste surprise à Daegu en 2011 (6e) dans la foulée de son titre européen chez les juniors, Jimmy Vicaut avait manqué pour un petit centième la finale 2013 à Moscou (trois demi-finales : les deux premiers de chaque demie plus les deux meilleurs temps qualifiés en finale, contrairement à avant où les quatre premiers des deux demi-finales étaient directement qualifiés pour la finale).
Vicaut, qui a aligné son 7e chrono sous les 10’’, devrait doubler 100-200 la semaine prochaine aux France à Villeneuve d’Ascq, avec l’ambition de réaliser les minima pour Pékin sur le demi-tour de piste (20’’38 ; il a couru en 20’’42 cette saison à Rabat).
Evan Jager, 8’ sur steeple…en tombant !
Sinon, six meilleures performances mondiales de l’année furent améliorées dans un meeting marqué par un 3 000 m steeple de dingue. Après un départ sur des bases affolantes (2’37’’79 au premier kilo !), la course se poursuivit sur ce même rythme endiablé. On vit ainsi le second lièvre, Lawrence Kemboi Kipsang, sprinter comme un dératé avant de s’effacer peu avant le 2 000 m (5’17’’72).
C’est alors que le numéro 1 mondial, Jairus Birech, prit les devants. Pas pour longtemps. L’Américain Evan Jager, qui piaffait depuis le début de la course dans les pas des lièvres, nonobstant le tempo très soutenu, durcit un peu plus la course, lâchant même Birech dans les derniers hectomètres…avant de s’affaler sur la réception de l’ultime barrière.
La fin du 3 000 m steeple en vidéo :
https://youtu.be/ZOFZ93GsfQk
Au final, Birech réalise le meilleur chrono de la saison, 7’58’’83, devant Jager, qui signe 8’00’’45 (record US) malgré sa chute ! Sans cela, il devenait le premier non-Africain à passer les 8’, et aurait réalisé 7’55’’ – 7’56’’, soit tout près des 7’53’’63 de Saif Saaeed Shaheen, actuel record du Monde…Progression renversante !
Yoann Kowal s’est de son côté accroché à la meute, prenant la 12e place en 8’22’’17, juste derrière un certain Ezekiel Kemboi (8’19’’49), dont les performances sont bien éloignées de celles qu’il réalisa dans un passé tout proche…
Amdouni proche des minima sur 1 500 m
Du côté du 1 500 m,  Morhad Amdouni ne fut pas loin de réaliser les minima pour les championnats du Monde de Pékin, 13e en 3’35’’17 (minima à 3’34’’50). Ça pourrait passer à Monaco… « Je suis vraiment déçu. Je sentais que j’étais un peu ramolli. Même si 3’35’’, c’est bien, on ne va cracher dessus » a-t-il glissé, après avoir réalisé toute la course en avant-dernière position, dans le sillage des ténors de la discipline, et s’être arraché comme à l’accoutumée dans les 150 derniers mètres. Samir Dahmani, « en manque de course », suit en 3’37’’05. Cette fois-ci, son chrono ne devrait pas être annulé pour une distance trop courte…
Michel Jazy (Photo Jean-Marc Mouchet)
Michel Jazy (Photo Jean-Marc Mouchet)
Devant, et sous les yeux d’un certain Michel Jazy -un court hommage lui fut rendu à l’occasion des 50 ans du record du Monde du mile (pour rattraper le fait que les pontes de la Fédération ne se soient pas déplacés le 6 juin dernier à Rennes lors du meeting anniversaire ? Lire ici)- Taoufik Makhloufi, après son stratosphérique 1 000 m nancéen (2’13’’08, 4e homme de tous les temps), fut moins saignant que trois jours plus tôt, prenant la 4e place en 3’30’’50 d’un 1 500 m remporté par Silas Kiplagat en 3’30’’12 (avec un dernier 300 m bouclé en moins de 40’’), et où huit milers ont terminé en deçà des 3’32’’.
Foudroyant, tout comme les 2,29 m de Mutaz Essa Barshim à la hauteur -capable de franchir à l’accoutumée cette barre en collant-, la fin de la série de 55 victoires consécutives de Valérie Adams au poids (18,29 m) – elle revenait d’une longue convalescence- ou les très inattendus 43’’96 du Sud-Africain Wayde Van Niekerk sur 400 m, qui s’est en prime offert le scalp d’un certain Kirani James.
Finalement, les adjectifs foudroyant et renversant ne sont pas venus d’où on les attendait…

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