Meeting Areva : des hurdlers historiques à l’honneur
Meeting Areva à Paris-Saint-Denis (Diamond League). En l’absence de Bolt, la lumière des projecteurs du Stade de France va se concentrer sur les disciplines techniques où les Français excellent : Lavillenie pour la perche et le trio Martinot-Lagarde, Bascou et Belocian pour le 110 m haies.
Laurent Boquillet, le directeur de la réunion dionysienne, n’est jamais à court d’idée pour parler d’athlétisme. Alors, pour mettre en avant l’une des disciplines phares de la Diamond League, le 110 m haies, il avait invité, début juin, Guy Drut, Stéphane Caristan, Ladji Doucouré et Pascal Martinot-Lagarde au Stade de France. Si le champion du Monde 2005 (Doucouré) était absent (entraînement), le médaillé d’or aux JO de 1976 (Drut), le champion d’Europe de 1986 (Caristan) et le recordman de France (12’’95, Martinot-Lagarde) n’avaient trouvé aucun obstacle pour venir jusqu’à Saint-Denis.
Cette ligne droite sur le 110 m haies est d’actualité. Car outre la présence des Américains Oliver (13’’04), Merritt (13’’12) et Harris (13’’16), du Cubain Ortega (13’’14) et du Russe Shubenkov (13’’22), trois des quatre Français qui sont dans le Top 15 Mondial sont annoncés : Martinot-Lagarde (3e, 13’’06), Bascou (15e, 13’’28) et le jeune Wilhem Belocian (20 ans, 15e, 13’’28), recordman du Monde juniors l’an passé (12’’99, haies 0,99 m). Une course digne d’une finale mondiale où les hurdlers « historiques » auraient pu avoir un couloir avec un Drut en 13’’28 (1975), un Caristan en 13’’20 (1986) et un Doucouré en 12’’97 (2005).
Guy Drut fut le premier à ouvrir la boite à souvenir… « J’ai d’abord été perchiste, explique celui qui fut aussi médaillé d’argent aux Jeux de 1972. Mais j’étais dans un club qui n’était pas très fortuné… D’ailleurs, comme Renaud (Lavillenie), j’avais un sautoir dans mon jardin ! C’était des bottes de pailles recouvertes de sacs de pomme de terre… Donc, j’ai fait du 110 parce qu’on ne pouvait pas faire de la perche dans de bonnes conditions et que j’allais un peu plus vite que les autres sur les haies… » Si vite qu’il fut recordman du Monde (13’’0 manuel) en 1975 !
Son 13’’28 électrique, réalisé la même année, fut le record de France jusqu’en 1986. Jusqu’au titre de champion d’Europe de Stéphane Caristan (6e des JO en 1984 et 7e sur 400 m haies en 1992). « La première fois que j’ai rencontré Guy, c’était en 1977, poursuit Stéphane. C’était pour un ouvrage que l’on réalisait sur lui. Il avait besoin de photos avec des jeunes sportifs qui faisaient du sport à ses côtés. J’avais 13 ans et c’était un modèle, je l’admirais et je n’imaginais pas, qu’un jour, j’allais l’égaler (13’’28 en 86), puis « l’archiver » (13’’20). »
Comme Drut, Caristan a été perchiste. « À mon époque, ce n’était pas un problème d’argent, mais de niveau, reconnaît-il, pour expliquer son choix. Il y avait les Abada, Quinon, Vigneron et pour être en équipe de France, c’était plus facile avec mes 13’’83 sur 110. » Héritier d’un champion olympique, Stéphane n’oublie pas ceux qui les ont précédés. « Il y a une tradition en France. Duriez fut finaliste aux Jeux de 64 et 68 et Schoebel en 68. André-Jacques Marie, lui, champion d’Europe en 1950 ! »
Ladji Doucouré fut champion du Monde en 2005. 4e des JO 2008 (8e en 2004), il « archiva » Caristan en courant en 13’’18 (2004) et devient le premier Français à descendre sous les 13 secondes (12’’97, 2005). Il détient alors la meilleure performance mondiale de l’année. Une « MPM » que détiendront aussi Drut (74, 75 et 76) et Caristan (86). Une distinction presque obligatoire pour obtenir l’or dans un grand championnat.
Derrière ces trois grands hurdlers, il y a maintenant Pascal Martinot-Lagarde, le recordman de France (12’’95, 2014). « Je connais la « Légende » du 110 m haies au travers du film « Guy Drut, 13 secondes », résume-t-il. Avec Stéphane et Ladji, il fait partie de tout ce que représente le 110 m haies français, aujourd’hui. Tous les trois ont laissé un gros héritage technique et je suis souvent devant mon ordinateur et ma télé pour regarder et apprendre. À la recherche du geste parfait, j’ai aussi appris à travers eux à être qui je suis, aujourd’hui. » Et qui il sera demain…
Texte : Bruno Poirier.
Photo : Yves-Marie Quemener.